La mort de plusieurs preneurs d'otages lors du premier assaut de l'armée a poussé les terroristes à user d'une autre stratégie. Le Président de République, qui s'exprimait, hier, au Parlement européen, a laissé entendre que les preneurs d'otages n'ont plus aucune chance de sortir indemnes de leur grotte, complètement encerclée par les unités spéciales de l'armée. «Pour sauver des vies humaines, pour sauver les otages, je suis prêt à laisser une porte de sortie aux terroristes...C'est le maximum que je puisse faire», a-t-il dit, ajoutant que la situation est «stationnaire» et que les otages sont toujours détenus au «même endroit». Le voeu des capitales occidentales de voir se réaliser une «solution négociée» avec les preneurs d'otages est de plus en plus compromis par les nouvelles données du terrain, et tout semble porter à penser que la libération des quinze touristes européens encore détenus ne se fera pas sans douleur. Prisonniers depuis plus de trois mois à la lisère des frontières algéro-libyennes, les quinze détenus européens (10 Allemands, 4 suisses et 1 Néerlandais) sont toujours au même endroit dans lequel ils avaient été emmenés le début mars 2003. Les unités spéciales de l'armée escomptaient sur une autre stratégie: celle de couper les vivres et le ravitaillement aux preneurs d'otages, lesquels seront, alors, obligés de «négocier à la baisse»la libération de leurs otages. Complètement encerclés et entourés d'un maillage d'où ils leur seraient impossible de sortir, les preneurs d'otages ont, eux aussi, développé leur propre stratégie et possèdent bien leur petite idée là-dessus : négocier directement avec les autorités concernées par le rapt (Bonn, Genève et La Haye) et pouvoir quitter les lieux en toute sécurité et sous bonne escorte jusqu'à un pays tiers (la Libye ?) Voilà donc le bras de force ANP-Gspc qui arrive à un point très sensible, car, pratiquement tout, peut arriver. Les terroristes du Gspc section-sud, menés par Amari Saïfi, dit Abdelrezak El Para (c'est lui l'initiateur du coup) ont bien en tête l'élimination de plusieurs de leurs compagnons par les unités spéciales de l'armée et feront tout cette fois-ci pour ne pas commettre les mêmes fautes, quitte à sacrifier un ou deux otages pour se faire entendre et tenir l'assaut des militaires à distance. Le différend qui oppose Alger aux capitales occidentales pourrait donc être bénéfique aux terroristes. Car si les militaires, qui dominent stratégiquement l'endroit où se cachent les preneurs d'otages, comptent encore sur un «assaut calculé» au millimètre près, les responsables occidentaux, eux, privilégient une «solution négociée» où il est question de donner la rançon demandée par les preneurs d'otages (près de 10 millions d'euros) et de libérer les touristes retenus sans mettre leur vie en danger. La «piste libyenne» peut signifier qu'un ou plusieurs chefs preneurs d'otages se trouvent de l'autre côté des frontières avec la Libye. Plusieurs indices abondent en ce sens, notamment les récents propos d'un responsable libyen tenus à Bonn, concernant la possible intercession de Tripoli dans cette affaire, et le va-et-vient diplomatique très intense entre les deux pays depuis la visite-éclair du Président algérien à Tripoli.
