«Je ne suis pas le réalisateur des occasions» «Aujourd´hui quand on évoque un personnage historique, on reçoit des menaces de mort» confie l´auteur de l´Opium et le bâton. Aussi, en attendant de réaliser son film sur l´emblématique Krim Belkacem, c´est sur le 1er Novembre 1954 qu´Ahmed Rachedi s´est penché. L´Expression: On croit savoir que vous avez réalisé dernièrement un film. Est-ce celui sur Krim Belkacem? Ahmed Rachedi: Malheureu- sement non. C´est un film sur le 1er Novembre, qui s´appelle Point final. Un film sur comment est venu le Premier Novembre. Il s´appelle Point final car, de mon point de vue, le 1er Novembre est la fin d´un processus qui a commencé bien plutôt et qui est passé par les différentes révolutions qui se sont succédé en Algérie. Puis cette prise de conscience qu´a eue le peuple algérien, survenue essentiellement après la Seconde Guerre mondiale, aussi le 8 Mai 1945, selon laquelle il n´y a plus de solution que celle de la lutte armée. C´est ce qui a conduit au 1er Novembre. Ce qui est intéressant à voir, quand on revisite l´Histoire, est le fait que ce sont des jeunes -le plus âgé avait 30 ans- qui ont pris cette décision. Un jour, ils ont tapé sur la table et ont dit: «Ça suffit! Il faut qu´on passe à autre chose.» Tous les combats politiques n´ont conduit qu´à des impasses. Il fallait passer par autre chose plus décisive et ça a été le 1er Novembre 1954. Evidemment, ce n´est pas venu comme ça. Ce sera un long métrage dans la même lignée que Benboulaïd? C´est un long métrage et un feuilleton, les deux sont déjà réalisés. Pour savoir quand il sera diffusé à la télé il faut le leur demander. Ils sont plus aptes à nous le dire, à répondre. Je pense qu´il vont le programmer le plus tôt possible. Il a été financé à 100% par le ministère des Moudjahidine. A-t-il été réalisé dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de l´Indépendance nationale? Non, je ne suis pas un homme des «mounassabate»! Jamais! Le cinquantième anniversaire, c´est en 2012, c´est l´année prochaine. On n´en est pas là. On n´a pas encore entamé le programme de 2012. Ceci dit, nous avons déposé un certain nombre de projets, notamment au niveau du ministère de la Culture, des Moudjahidine et à la Télévision. On attend les décisions pour commencer à travailler. Je crois même qu´on est en retard pour le cinquantième anniversaire. Donc vous avez déposé un projet en ce sens. Peut-on en savoir plus? Oui, c´est un feuilleton de 15 fois une heure, écrit d´après le roman de Mohamed Maârfia qui s´appelle Les Sept remparts de la citadelle. C´est un roman exceptionnel sur la guerre de Libération. Ça parle de la guerre de Libération nationale sans personnages historiques dedans, car aujourd´hui quand on évoque un personnage historique, on reçoit des menaces de mort. Justement, vous en êtes où avec le projet sur Krim Belkacem? Pour le long métrage sur Krim Belkacem, nous avons obtenu l´accord du ministère des Moudjahidine et celui de la Culture qui a même accordé une subvention au film. Il y a une nouvelle disposition légale qui dit que les films traitant de la guerre de Libération nationale doivent avoir l´arbitrage ou l´imprimatur du gouvernement. Nous, on se demande ce que c´est cette imprimatur du gouvernement. Est-ce qu´il faut s´adresser aussi au ministre des Industries légères et du Commerce, au ministre de la Pêche? Qu´est-ce que cela veut dire? On attend qu´on nous explique pour comprendre. La nouvelle loi n´est finalement pas claire... Ce n´est pas la nouvelle loi. Ceci est une instruction. Pour qu´il n´y ait pas d´erreur sur l´écriture de l´Histoire, on nous renvoie à une autorité qui est autre que le ministère de la Culture et le ministère des Moudjahidine. Je crois que c´est une espèce d´arbitrage final... Les deux premières étapes ont été franchies, maintenant, à qui s´adresser? Ça coince car le gouvernement a autre chose à faire vraisemblablement. Il a d´autres préoccupations, je suppose. Le cinéma, la culture et l´audiovisuel ne sont pas sa priorité. Cela n´a jamais été sa priorité. Que pensez-vous alors de la nouvelle loi sur le cinéma puisque vous en êtes victime? C´est en dehors de cette loi qu´a été établie cette disposition. La loi, on peut la discuter, article par article qui renvoie à un décret d´application. C´est ce décret d´application qui va expliquer la procédure ou comment cela va se passer. Donc, on ne peut pas parler de loi tant qu´il n´y a pas les éléments qui nous permettent de comprendre la procédure à suivre. On les attend. Ces derniers ne sont pas encore publiés Ces éléments doivent être explicités par le ministre de la Culture. On attend qu´ils soient publiés pour comprendre plus précisément les mécanismes à entreprendre. Sinon? Comme disait Benyahia, l´ex-ministre des Affaires étrangères, quand on se trouvait devant une impasse et on lui demandait «alors, sinon?», lui, répondait:«La situation évolue favorablement selon nos prévisions.» Vous êtes donc optimiste quant à l´aboutissement de votre projet qui date depuis deux années... Je ne me focalise jamais sur un seul projet. J´en dépose toujours dix pour en voir un aboutir. C´est toujours comme ça que ça se passe, y compris ailleurs dans le monde. Je connais un grand réalisateur, un des plus importants du monde, qui s´appelle Rolan Joffé, qui a fait Mission avec Robert De Niro. Cela fait 17 ans qu´il essaie de monter un autre film après celui-là. J´ai d´autres amis qui essaient depuis dix ans de faire des films. Il faut beaucoup de patience. Sinon, il faut changer de métier si tant est que c´est un métier. C´est une profession, comme la profession de foi. Un métier c´est autre chose...