Plus de 8 millions d'Algériens sont concernés par le couffin du Ramadhan et les opérations de solidarité pendant le mois sacré. Ils étaient un peu plus d'un million de ménages à bénéficier de la «générosité» des pouvoirs publics pour pouvoir affronter le mois de Ramadhan de l'année dernière, synonyme de dépenses plus importantes que d'habitude et d'une flambée des prix qui met à mal les petites bourses, selon les chiffres officiels communiqués par le ministère de la Solidarité. Elles seront près d'1 million et demi de familles en 2011, pour la même période, à être pratiquement contraintes d'avoir recours à ce type d'opération pour faire face aux exigences, d'ordre culinaire, imposées par ces trente jours, sacrés, de jeûne. Si l'on considère que chaque foyer est constitué en moyenne de six membres, on atteint aisément le chiffre de 8 millions d'âmes qui se retrouvent en situation de précarité. Plus de 540.000 familles jugées dans un état de pauvreté extrême, bénéficieront, quant à elles, de deux couffins au lieu d'un. «Cette opération de solidarité concerne 1.435.304 familles nécessiteuses, dont 384.162 familles nombreuses démunies qui bénéficient cette année de deux couffins au lieu d'un seul. L'opération touche également 156.024 personnes aux besoins spécifiques», a indiqué, mardi, dans un communiqué répercuté par l'APS, Khelaf Aïssa qui s'est exprimé au nom de la Commission nationale chargée de la préparation du mois de Ramadhan. Quant aux restaurants de la Rahma, ils seront au nombre de 691 au niveau national afin d'assurer 5.170.000 repas pendant 30 jours. Soit près de 200.000 de plus qu'en 2010. Cette opération nécessitera la mobilisation de près de 13.000 bénévoles alors qu'ils n'étaient que quelque 10.000 à offrir leurs services l'année dernière. Avec de tels chiffres peut-on encore légitimement affirmer que la pauvreté est un phénomène marginal en Algérie? Les «smicards» ne savent plus à quel saint se vouer. Plus d'un million de retraités bénéficient des pensions inférieures au Snmg tandis que quelque 300.000 allocataires touchent des indemnités comprises entre 2000 à 3000 DA. La flambée des prix des produits de consommation de base a laminé le pouvoir d'achat des ménages. Les couches moyennes algériennes, qui ont du mal à joindre les deux bouts en temps normal, tirent la langue pendant le mois de Ramadhan. En effet, si on se fie au pouvoir d'achat que représente le salaire minimum, qui a été porté à 15.000 dinars, on peut légitimement se demander comment les petites bourses vont pouvoir faire face aux dépenses assez particulières et onéreuses du mois sacré. Il y a visiblement maldonne. Les récentes augmentations de salaires, assez conséquentes, ne semblent pas avoir profité aux couches les plus fragiles et les plus démunies de la société. Les mouvements de grève et les revendications n'ont pas fait reculer la pau-vreté. La paupérisation rampante d'une frange aussi importante de la population (8 millions de personnes) ne doit pas s'arrêter aux constats mécaniques d'un phénomène aussi cruel que dévastateur. Sa situation de marginalisation chronique la met en état de désocialisation. Elle doit être prise en compte dans le cadre d'une véritable politique d'insertion, voire de revalorisation. Ces interventions, qui consistent à introduire une dose de charité chaque année, n'apportent aucune solution et n'agissent pas de manière efficiente sur l'érosion du pouvoir d'achat ou sur la délicate question de l'emploi et du chômage. Les jeunes sont en rupture permanente avec le système scolaire et la société. Ces opérations, a priori généreuses, ne servent donc même pas à atténuer la misère et la souffrance psychologique dans lesquelles sont plongés des millions de nos concitoyens. Il est à souhaiter que le prochain Ramadhan voie une nette réduction du nombre de démunis et de laissés-pour-compte, car un couffin de l'ordre de 5000 dinars ne représente guère que 160 dinars par jour pendant un mois. Quand un kilogramme de viande oscille autour des 950 DA et celui du poulet à 340 DA. Certains n'ont que leurs yeux pour manger!
