Deux expositions retraçant la trajectoire culturelle de l'Algérie ont été inaugurées par les présidents algérien et français. L'Année de l'Algérie en France touche à sa fin, et c'est ce moment qu'a mis à profit le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pour faire une courte escale à Paris qui lui donna de procéder, avec son homologue français, Jacques Chirac, à l'inauguration de deux importantes expositions retraçant la longue période sociale civilisationnelle de l'Algérie, de l'Antiquité à 1830. En effet, les deux cimaises consacrées à l'Algérie, «L'Algérie en héritage» et «Delacroix, Renoir, l'Algérie des peintres», devaient donner de mieux apprécier une culture et une civilisation algériennes qui demeurent méconnues. Cependant, peut-on dire, voilà un prétexte, ou une occasion, qui tombe à pic. En effet, voilà une visite de travail et d'amitié, selon les termes consacrés, qui intervient en pleine crise politique à Alger avec, coup sur coup, l'interdiction par la justice du congrès extraordinaire du FLN, et le retrait, jeudi, des ministres apparentés FLN dans le gouvernement Ouyahia. Aussi, cette visite, qui en des temps plus sereins aurait dû constituer l'apothéose d'Une Année de l'Algérie en France, El Djazaïr 2003, qui - malgré des faiblesses et des manques - a permis à un large public français de mieux appréhender l'Algérie et sa culture, suscite des questionnements sur l'opportunité, entre autres, de son timing. D'autant plus qu'elle pouvait être décalée à une période plus propice, même si effectivement le calendrier du chef d'Etat français est chargé. D'ailleurs, le président français s'est félicité du « succès exceptionnel » de cette manifestation indiquant: «Il n'y a pas eu de manifestations culturelles bilatérales qui aient connu cette ampleur et ce succès.» Hommage appuyé du président français à un événement, en effet, gigantesque qui présenta quelque 2600 manifestations organisées dans 350 villes françaises. Mais la politique reprit vite ses droits, car une fois les expositions ouvertes, les présidents Bouteflika et Chirac ont eu un déjeuner suivi d'un tête-à-tête. De fait, les deux hommes se rencontrent pour la sixième fois cette année. Quelque chose d'inusité de la part d'un chef d'Etat algérien, lorsque l'on sait que les responsables français et algériens n'ont pas toujours eu des atomes crochus. Aussi, nonobstant l'intérêt et l'importance de la manifestation culturelle algérienne en France, demeure cette interrogation: qu'est-ce qui fait courir, à Paris, le chef de l'Etat, alors qu'à Alger même le climat politique ne cesse de sa gâter? Selon le porte-parole de l'Elysée, Mme Colona, MM. Bouteflika et Chirac ont fait un «tour d'horizon de la situation internationale et abordé la question du Proche-Orient, de l'Irak, de l'Iran et du Sahara occidental». Certes! Reste encore ce questionnement: pourquoi maintenant, en ce moment où la situation en Algérie même exigeait la présence du chef de l'Etat? Cela d'autant plus que la démission collective des ministres FLN du gouvernement, fait sans précédent en Algérie, ouvrait, ou plutôt aggravait une crise qui perdure depuis le début de l'été. Pourquoi Paris, quand l'urgence était de demeurer à Alger? A moins que, comme le susurrent d'aucuns, son voyage à Paris ait d'autres objectifs, outre celui d'inaugurer le vernissage des expositions consacrées à l'Algérie.
