Mohammed El Hadi Berim est victime, en 2007, d'un industriel qui l'avait poursuivi pour abus de pouvoir, avec sa qualité d'ancien juge d'instruction. L'affaire est engagée en instruction: Berim et Abdelaziz Hamadi sont même mis en mandat de dépôt tout en restant dehors. Devant le tribunal, Sihem Rachedi, la présidente effectua un excellent boulot et relaxa les deux inculpés. A Boumerdès, la chambre correctionnelle où Messaoudene Nadia, l'impériale présidente se comportait merveilleusement, confirma le verdict de Rouiba. Berim n'a ni usé de pouvoir, ni levé le petit doigt pour faire entendre le vrombissement du moteur «Justice». Son avocat le dira plus tard: «On a piétiné cet immense magistrat avec ses vingt-trois ans d'un métier somme toute ingrat. En magistrat avisé, Berim ne se laissera pas faire. Il fit appel à ses conseils pour laver son honneur. Dimanche, Maître Hadj Mohammed Dinar après avoir rappelé à Ouezaâ le juge du jour, que son client a été blanchi même au niveau de la Cour suprême, les débats seront bruyants mais sereins, même lorsque le brillant avocat lancera en guise de boutade en direction de Amor Kouidri, l'inculpé: «Analphabète que tu es, peux tuer mille intellectuels!». Et cette réplique de Maître Hadj Dinar l'avait été juste après que ce même Kouidri avait répété plusieurs fois: «Je suis un analphabète. Je n'ai jamais été à l'école!». L'atmosphère était emportante. Les débats magnifiques. La justice était en route! Usant de son droit de récupérer son honneur qu'il avait cru à un moment de 2007, perdu entre les audiences, la mise sous mandat de dépôt et autres séquences qu'elles montraient sous un jour odieux, Berim se présente flanqué de ses deux conseils pour prendre le plaisir de voir la justice le réhabiliter en infligeant une peine que réclamera Mohamed Riad Belaraoui, le procureur. Celui-ci a été certes, attentif aux débats mais silencieux car il avait vu en direct-live que Ouazaâ, le juge maîtrisait le dossier, la situation et les événements. Ce même représentant du ministère public a aussi dû saliver devant la remarquable et remarquée intervention de Maître Hadj Mohammed Dinar qui représente son client et confrère depuis près de sept ans ronds et bouclés. S'attardant sur les tenants du dossier, le président a permis aussi bien à Kouidri l'inculpé de déclarations mensongères, qu'à sa victime Berim, de vider leurs sacs. Des torrents de mots et des rus de maux ont été déversés dans un silence d'un vendredi midi trente-cinq, dans une mosquée où la nombreuse assistance suivait souvent sans suivre le vocabulaire qu'ignorent les non-initiés. Maître Dinar aura le privilège de poser de nombreuses et intéressantes questions allant droit sur le dossier. L'inculpé était debout, se tordant ses longues et plates phalanges, un signe évident d'un insupportable stress. Et on le comprend sans trop chercher le pourquoi. Quant à Berim, il avait oublié que c'était un magistrat. Et un magistrat sur le siège n'apprécie jamais ceux qui, depuis la barre, gesticulent en répondant aux questions du tribunal. Berim a fait mieux (ou pire!) cela dépend dans quelle position on se trouve. Il avait en main sa grosse paire de lunettes de vue qu'il faisait tournoyer en s'exprimant. A un moment donné, la victime s'oubliait carrément en usant d'une gestuelle comme si elle avait en face d'elle, Tayeb Louh à l'époque, magistrat rebelle, turbulent, agaçant les plus hautes autorités du pays et ce, depuis... Tlemcen! (Tiens, tiens!). Les autres avocats n'auront pas pour ainsi dire, plus grand-chose à se mettre sous la dent, Maître Dinar ayant croqué la part du lion, car il avait plaidé bruyamment avec le coeur, la raison, les tripes, la passion, allant jusqu'à un moment tourner le dos au juge du siège et à Belaraoui, le procureur qui avaient saisi au vol la gravité de la plaidoirie car on ne peut pas faire souffrir impunément un magistrat qui a donné vingt-trois ans de sa vie. Les meilleures années, avec en prime, une longue entrevue avec le regretté Président Mohamed Boudiaf qui avait eu le privilège d'écouter Berim étaler les quatre vérités sur le comment fonctionnait la justice, l'unique branche à laquelle s'accroche le justiciable à la recherche de son droit, celui d'être entendu et satisfait devant les agissements de la mafia qui sévit dans l'appareil de justice de l'époque. C'était au tout début de la «tragédie nationale», celle-là même que refuse de revivre tout citoyen digne. En mettant en examen le dossier, Ouezaâ a peut-être décidé de relire à tête reposée, les cent interventions de Maître Hadj Mohammed Dinar qui a franchement épaté les présents et cet espace qui adore reprendre les vraies plaidoiries, celles-là mêmes qui guident les magistrats courageux et compétents qui ne doivent nullement décourager les assoiffés de justice, l'unique, la propre!