«Il est temps, aujourd'hui, de prendre la réelle mesure de l'importance du patrimoine pour notre équilibre économique, social et culturel» Aurélie Filippetti Dans les pays où l'on respecte la culture et où l'on fait tout pour la développer, les occasions sont fort nombreuses pour créer des manifestations qui mettent en relief le patrimoine culturel. Les expositions, les foires, les divers festivals et les musées ne suffisant pas pour intéresser les foules, les gouvernements européens ont créé les «Journées du Patrimoine» pour donner une facette supplémentaire à ce secteur important qu'est le tourisme. Car comme le faisait remarquer la ministre française chargée de la Culture, le patrimoine représente un extraordinaire levier pour le développement et l'aménagement des territoires. L'ouverture des lieux habituellement fermés aux visites des touristes et des curieux est une autre manière de présenter au peuple les lieux et les objets témoins d'événements historiques importants. Evidemment, ce sont les grands palais qui vont drainer les grandes foules: la chambre à coucher de Marie-Antoinette, le bureau où Félix Faure est monté au septième ciel, le bassin où M. Deschanel trempait ses pieds... Evidemment dans un pays où la moindre petite ruelle ou petit coin de place porte une stèle, une statue ou une plaque évocatrice: la rue de la Ferronnerie où fut assassiné Henri IV, la galerie des Glaces où fut signé le traité de Versailles... On a même ouvert des anciennes prisons afin que les amateurs d'histoire puissent respirer le même air confiné que les résistants qui ont été écroués et torturés. Evidemment, il y aura toujours des curiosités qui seront insatisfaites ou des questions qui resteront sans réponse: ainsi, ceux qui croient descendre de Vercingétorix ne pourront pas visiter Alésia pour la bonne raison que les historiens ne sont pas d'accord sur son véritable site. Pas plus que ceux qui se réclament de Clovis n'auront jamais le privilège d'admirer le vase de Soissons. Quant au lieu exact où se serait déroulée la bataille de Poitiers, les partisans de Le Pen sont encore à le chercher avec acharnement. Les Algériens, immigrés ou pas pourront toujours visiter les châteaux d'Amboise et d'Aulnay où furent détenus des patriotes algériens, ou bien des villes comme Niort où un barbu en fez et gandoura a été relégué... Quant au stade de Colombes, il est toujours là pour témoigner de la témérité des patriotes... Il est dommage que les autorités culturelles de notre pays n'aient pas encore songé à créer une telle tradition: pourtant, les faits historiques sont encore récents et les lieux existent toujours. Mais une sorte d'amnésie volontaire semble frapper ceux qui ne se souviennent que du passé recomposé ou du futur postérieur... Evidemment, il ne leur sera pas demandé de faire visiter le lieu où fut égorgée la Kahena ni de l'endroit où est enfoui le corps de Abane Ramdane... Tout le monde connait la modeste maison où se déroula le fameux Congrès de la Soummam depuis la visite qu'y a fait un certain Chadli Benjedid, président de la République, qui dut recourir aux services d'un traducteur pour dialoguer avec la maîtresse des lieux... Mais je suis sûr qu'on pourra toujours faire visiter la salle froide de la SAS où fut déposé le cadavre d'Amirouche, l'endroit où il fut enterré par l'armée coloniale et enfin la cave où son squelette et celui de son compagnon furent cachés...