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L'interdiction d'écrire en tamazight en Algérie!
OPINION
Publié dans L'Expression le 30 - 01 - 2013

Suite au décès, le 30 octobre 1973, de ma très chère et bien-aimée grand-mère, LDjouher Laïchour, j'ai demandé à un marbrier algérois de graver, sur une plaque funéraire en forme de livre ouvert, son nom, prénom, ses date de naissance et de décès, en deux langues: en arabe et en tifinagh, l'écriture de tamazight, la langue amazighe.
Le marbrier, stupéfait, n'ayant jamais eu une pareille demande, ni entendu les mots «tamazight, amazigh» et encore moins le mot «tifinagh», me fit part de son incompréhension et de sa totale ignorance. Mais il accepta à la seule condition, pour le motif de son ignorance totale quant à la maîtrise de cette «autre écriture», de tout écrire moi-même au crayon sur l'une des faces de cette plaque funéraire afin qu'il puisse, lui, les graver après. Quant à la partie en arabe il s'en occuperait tout seul. A la gravure, il ajoutera une dorure afin d'embellir la plaque. Certes, cette écriture amazighe ancestrale appelée tifinagh était méconnue en Algérie, mis à part son usage courant chez nos compatriotes amazighs du Sud, lesquels l'ont, heureusement, sauvegardée. L'académie berbère, association fondée en France par, entre autres, Mohand Arab Bessaoud, Saïd Hanouz et Marguerite-Taos Amrouche, nous la transmettra ensuite. Cela se justifiait, par conséquent, de la part du marbrier. En plus de mon désir de rendre hommage, par cette plaque funéraire, à ma défunte très chère grand-mère, je voulais, aussi, exprimer symboliquement, notre ouverture culturelle et linguistique et ce, par la forme d'un livre ouvert écrit dans nos deux langues en usage en Algérie: le tamazigh et l'arabe.
N'est-ce pas l'une des preuves indéniables et irréfutables que notre revendication au droit d'écrire en amazigh ne signifiait pas le rejet de l'arabe, imposé comme langue unique par le pouvoir dictatorial, ni encore moins porter atteinte à l'intégrité de notre pays, entres autres accusations absurdes, abjectes, calomnieuses, fallacieuses et stupides? Et ce, pour nous faire subir des tortures et des incarcérations par des morts lentes, voire des morts subites. Comme l'avait si bien écrit le grand écrivain, l'intellectuel révolté, Kateb Yacine, dans sa préface à l'ouvrage, Histoire de ma vie, de Fadhma Aït Mansour: «Trop de parâtres exclusifs ont écumé notre patrie, trop de prêtres de toutes religions, trop d'envahissements de tout acabit se sont donné pour mission de dénaturer notre peuple, en l'empoisonnant jusqu'au fond de l'âme, en tarissant ses plus belles sources, en proscrivant sa langue ou ses dialectes et en lui arrachant jusqu'à ses orphelins.»
En nous privant de notre identité naturelle, historique et légitime, c'est-à-dire notre amazighité, puis de jouir pleinement de notre patrimoine linguistique et culturel, en plus de la privation totale de notre liberté d'expression et de la démocratie, pour lesquelles plus d'un million et demi d'Amazighs de notre pays, l'Algérie, avaient donné leurs vies. Les minables tenants de ce pouvoir illégal, illégitime, post-indépendance, manifesteront ainsi leur amazighophobie, leur déni identitaire, leur négation de nos communes racines. Le jour où je devais aller récupérer ladite plaque, un grand problème, le problème que j'appréhendais, se posa.
L'artisan marbrier me fit savoir qu'un haut fonctionnaire de la Présidence, venu chez lui pour récupérer une commande de plaques, ayant vu celle qu'il m'avait faite, lui avait reproché d'avoir gravé en berbère, «une langue et une écriture interdites», affirma-t-il, par l'Etat algérien. «Casse-là et jette-là à la poubelle!» Lui recommanda-t-il en plus.
L'artisan, embarrassé, terrorisé même, ne savait pas quoi faire, ayant peur d'avoir commis un délit, voire un crime - un crime de lèse-majesté! - comme le lui fit croire le haut fonctionnaire, représentant de l'un de ses grands clients, l'Etat, en outre. Casser cette plaque et perdre de l'argent ou bien me la laisser, ainsi faite, la prendre et se faire payer par moi? «Que vais-je faire maintenant?»
A sa question pertinente et embarrassante, tout en ayant peur moi-même, je lui répondis:
«Ne prends pas au sérieux ce qu'il t'a dit cet ignare de fonctionnaire. Il t'a dit n'importe quoi. Il t'a menti. C'est un pauvre fou. Ne l'écoute pas. Tu n'as rien fait de mal, au contraire.» Voulant se débarrasser illico presto de cet objet en marbre encombrant même de la taille d'un livre ordinaire, mais «dangereux parce qu'interdit», il me dit alors de prendre ma plaque funéraire, de le payer et de m'en aller vite. En outre, surchargé de travail comme il était dans son atelier, à voir le nombre de plaques et le brouillard de poussière qui y régnait à l'intérieur, c'est à moi qu'il dit de remplir la facture après l'avoir payé. Cette opportunité me permit d'y inscrire un faux nom et une fausse adresse laissés dans le double de son carnet. Afin de me protéger de toutes probables investigations policières que pourrait provoquer ledit haut fonctionnaire suscité.
Le cimetière où repose ma défunte grand-mère est situé à l'entrée de Taourirt Moussa-Ou-Amar, un village qui fait partie de la commune d'Aït-Mahmoud, de la wilaya de Tizi Ouzou et de la région de la Haute Kabylie. Sa tombe est facilement visible depuis le chemin. Par cette proximité, un jour, des gendarmes, de passage, auraient remarqué ladite plaque funéraire et auraient gueulé tels des loups devant des témoins:
«Mais qui a osé faire ça? C'est interdit!»
Feue ma grand-mère repose à côté de son fils unique, Miloud Salmi, le grand valeureux militant pour l'indépendance de l'Algérie, celui qui avait refusé de se marier, comme elle souhaitait et ce, pour continuer à servir son pays jusqu'à être assassiné par les usurpateurs qui avaient pris le pouvoir. Voilà pourquoi et comment, comme l'avait écrit l'hebdomadaire national Algérie-Actualité dans son édition n°1120 du 2 au 8/4/1987: «L'Algérien était ankylosé puis momifié dans des textes qui lui interdisaient même jusqu'au moindre murmure. La toute-puissance étatique et l'appareil politique réfléchissaient pour lui, veillaient sur lui et géraient même jusqu'à son intimité. Pour un tour de chant, une animation de quartier, un robinet à réparer...» Et, j'ajouterai comme ainsi
prouvé:... jusqu'à une plaque funéraire.
Sans doute, la première plaque funéraire gravée ainsi en tamazight en Algérie! Et ce, malgré l'interdit. En tifinagh, notre écriture ancestrale! Une écriture et une langue que le géant mondial Microsoft vient d'intégrer dans son logiciel Windows 8! Désormais le tamazigh et le tifinagh, la langue et l'écriture interdites en Algérie, font partie intégrante du monde numérique. Bien sûr d'autres moyens et polices pour écrire en tifinagh, sur ordinateur et via Internet existent déjà, comme le logiciel tifino créé par Ibrahim Bidi. Et plus encore, selon une dernière information, la langue amazighe deviendra une langue officielle en Libye (en attente de confirmation). Que de souffrances, que de larmes, que de tortures, que d'humiliations, que de mépris, que de privations, que d'emprisonnements, que de sacrifices, que d'incompréhensions, il aurait fallu subir en Afrique du Nord en général et en Algérie en particulier, des années durant, pour qu'aujourd'hui l'on puisse librement écrire en tamazight sur un papier, sur un tableau, sur une banderole, sur un tee-shirt, sur une enseigne, sur un mur, sur une tombe, sur un ordinateur et jusque sur un décret officiel!
N.B.: Ce témoignage, cette mémoire remonte aux années 1970.


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