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"Faire du cinéma c'est aussi préserver une mémoire"
RAOUL PECK, CINEASTE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 26 - 05 - 2013


Raoul Peck
Il était l'an dernier membre du jury, il revient cette année en tant que parrain de la «Fabrique des cinémas du Monde», un atelier de travail qui a réuni neuf réalisateurs dont un Algérien. Réalisateur haïtien ayant grandi néanmoins au Congo, il a notamment réalisé Lumumba, un film inspiré de l'histoire de Patrice Lumumba et son rôle dans l'indépendance du Congo. Il a également été ministre de la Culture de la République de Haïti de 1995 à 1997. Le cinéaste est l'actuel président de la Fémis, après avoir été jadis président du Fonds du Sud. Rencontré à l'ouverture du pavillon «Cinémas du Monde» en présence de Mme Yamina Benguigui, une interview en exclusivité a été accordée à L'Expression.
L'Expression: Le cinéma africain connaît une crise. On a l'impression qu'il y a un décalage entre l'ancienne génération de cinéastes et celle d'aujourd'hui...
Raoul Peck:Les pays autres que ceux américains et européens sont en grand changement. Même pour le cinéma français qui est très organisé, qui a des institutions fortes cela devient compliqué de faire des films à cause de la crise économique, à cause des changements technologiques qui sont en cours, donc des répercussions sur les territoires les plus fragiles, lesquels sont énormes. Le souci est de ne pas perdre ce momentum et de s'inscrire à l'intérieur de ce changement, des discussions actuelles. Il n'y a pas de grande séparation je dirai par rapport aux générations passées. Elles ont fait leur travail. Certains continuent à faire leur travail. Moi, j'ai un rôle de passeur également. Cette activité de parrain me convient très bien. C'est une occasion de parler aussi de son propre travail et en faire profiter d'autres jeunes de notre expérience.
Vous avez été justement président du Fonds Sud, l'an dernier, membre du jury à Cannes, cette année, vous revenez en tant que parrain. Qu'est-ce que cela représente pour vous?
Vous savez, la réalité de mon quotidien et de mon travail est de faire des films. Ces moments à Cannes se sont que des petites parenthèses dans tout ce qu'on fait. Je suis également président de la Fémis, de l'Ecole de cinéma, donc qui me prend du temps également. Je rencontre au quotidien des jeunes cinéastes et producteurs, des scénaristes, ça fait partie de ce que je fais en continuité. La particularité du cinéma du Monde et de ces stands ici, c'est de proposer un lieu de rencontre, d'échange pour jeunes cinéastes qui ont été quand même sélectionnés parmi plus d'une centaine de candidatures, donc avec des projets très forts, originaux. Le fait de les voir tous au même endroit et d'échanger avec d'autres professionnels, c'est important. Car ils rencontrent pas mal de gens. C'est un échange de bons procédés qui je l'espère aura un impact sur leur travail.
Yamina Benguigui a souligné le caractère «militant, humain et nécessaire» de votre cinéma. Vous avez tourné un film très poignant et cruel à la fois dans la façon réaliste et brute sur la vie et le parcours de Patrice Lumumba. Comment on vient à faire ce film qui commence déjà par une scène terrible, le meurtre de cet ancien président du Congo?
C'est une longue histoire, car j'ai mis dix ans pour faire ce film. Simplement à l'époque c'est parti d'une envie. Si je devais parler de quelque chose, je me dois de parler de quelque chose que je connais bien, j'ai vécu au Congo. J'avais appris l'histoire de Lumumba, et comme faire du cinéma pour moi, c'est aussi préserver une mémoire, c'est aussi donner un regard différent sur notre monde et prendre une place qu'on n'a jamais eue dans les histoires du monde, c'est vrai que le personnage de Lumumba est celui du premier grand leader africain après les indépendances. Il était un personnage majeur, quelqu'un qui a résisté très tôt, non seulement au colonialisme, mais aussi au néocolonialisme et tout ce qui a suivi après, et qui a été assassiné comme beaucoup d'autres jeunes leaders en Afrique, qui nous manquent aujourd'hui. Faire ce film était une grande aventure pour moi, comme il y avait beaucoup de mystère autour de son assassinat donc cela m'a permis d'enquêter, de répondre à un certain nombre de questions qui existaient autour de cet assassinat. C'était pour moi un film emblématique. D'ailleurs, depuis, il n'y a pas eu, je pense, de films comparables sur l'histoire contemporaine de l'Afrique alors qu'à l'époque je pensais qu'il était le premier d'une longue série de films par des cinéastes africains sur leur propre histoire, malheureusement, cela n'a pas ouvert les portes pour d'autres. Il n'y a pas eu de films sur des personnages modernes de l'Afrique d'aujourd'hui, d'après les indépendances, il y a très peu de films. En documentaires, on en trouve, mais très peu en fiction.
Raoul Peck, à chaque Fespaco la question du manque de financement dans les pays africains est remise sur le tapis, le manque de responsabilité des cinéastes aussi. On évoque l'aide aux cinémas africains. Vous en pensez quoi? Quelle solution préconisez-vous en ce sens?
Vous entamez un sujet complexe, j'ai une vision radicale par rapport à ça. J'ai évité ces dix dernières années d'aller au Fespaco. C'est une décision très claire de ne pas être complice d'un certain nombre de choses pour lesquelles tout le monde, je pense, se mettrait d'accord tout de suite.
Vous boycottez donc le Fespaco à l'instar de Haroun Mahamet Salah...
Je ne sais pas ce que Haroun a pu dire..
C'est dû en partie à la mauvaise organisation du festival...
Je pense que c'est beaucoup plus profond que ça. Si on part du constat aujourd'hui, en tout cas parmi les cinéastes qui ont commencé en même temps que moi, malheureusement, je vois très peu qui est là aujourd'hui. C'est un fait. Ensuite, pour quelles raisons ça été ainsi? Est-ce que d'une part, c'est la faute des cinéastes eux -mêmes ou d'autre part, le système, ou troisièmement le monde du cinéma lui-même? Ça reste à débattre. Tout simplement, je peux constater la disparition d'un certain nombre de films, de cinéastes, voire de leurs oeuvres qui est préoccupante. Je constate aussi combien c'est compliqué de financer un certain nombre de films, la grande époque du cinéma africain à Cannes est malheureusement passée. Heureusement qu'il y a Haroun, Abderahmane, et quelques autres que d'ailleurs j'oublie, mais on n'est pas dans une situation qu'on a connue il y a dix ans. C'est compliqué à expliquer. Pourquoi? Il y a des raisons politiques, individuelles, des raisons qui ont à voir avec l'évolution des financements, des distributions, des modes de fonctionnement du cinéma mondial, du cinéma européen. Chaque développement du cinéma européen a des conséquences sur les autres cinématographies. La France a été protégée. Elle est bien organisée, a des institutions et le cinéma africain a bénéficié de cette protection pendant pas mal de temps. Maintenant, la crise a fait que c'est plus compliqué. Il y a moins de financements. Il y a un retournement et un cantonnement à soi général de beaucoup de pays qui font que le contrecoup pour ces cinématographies est mortel.
Donc vous soutenez l'idée que le cinéma africain est écarté depuis quelques années?
Ecarté n'est pas le mot que j'utiliserai. Non, il y a un certain nombre d'erreurs qui ont été faites, un certain nombre de manque de vision..
De la part de qui?
Parfois des cinéastes, parfois des responsables de structure, parfois des politiques et qui ont fait qu'aujourd'hui on est dans une situation qui n'est pas acceptable.
Comme à Cannes, cette année il n'y a pas vraiment de films africains en compétition mis à part Grigris de Haroun Mahamet Saleh...
Ce sont les conséquences de ce développement d'ailleurs, qui ne date pas depuis très longtemps, 5 ou 10 ans, je pense, que la dérive a commencé, il y a déjà 30 ans. Il faut réexaminer l'histoire de ce cinéma en particulier, de ce cinéma francophone africain dont je fais aussi partie. Il y a eu des étapes, des erreurs, des échecs et c'est cette analyse qui doit être faite pour éventuellement proposer des solutions comme vous dites. Ça ne va pas sortir comme ça, comme par magie. Il faut une prise de conscience là-dessus.
Connaissez-vous le cinéma algérien?
Je ne suis pas expert du cinéma algérien, mais j'ai un peu suivi le cinéma du Maghreb. On est dans le même constat de crise. Certains individus réussissent à faire leur film, de faire de très bons films même, certains de ces pays ont su préserver une partie de leur institution, parfois ces institutions ont été phagocytées par le politique, parfois elles sont devenues des éléments de propagande, parfois les cinéastes locaux ont réussi à sortir leur épingle du jeu et à faire leur film malgré la censure et le manque de financement. Il y a toute sorte de parades et de réponses aux situations locales. Bien entendu, ce cinéma-là a un certain nombre de problèmes que peut-être, grâce à ce qu'on a appelé trop rapidement la révolution du Printemps arabe, de nouvelles structures pourront voir le jour. Je sais que de la part des cinéastes égyptiens, il y a une tentative de faire changer les choses. Les Tunisiens également. Il y a des tentatives de recadrer les choses et de remettre les cinémas locaux sur une autre voie, différente.
Quel est vos ou votre projet ou actualité?
Mon grand projet est un film de cinéma de fiction sur le jeune Karl Marx.
Il a séjourné en Algérie...
Je sais, le dernier mois. Il y a passé un mois, c'était juste avant sa mort. Pourquoi Karl Marx? Je pense que c'est l'un des personnages éminents de ce dernier siècle sur lequel on a beaucoup de désinformation et d'ignorance. Alors qu'on le cite à longueur de journée et on ne se rend pas compte qu'on est en train de citer du Marx. Il a influencé l'ensemble de la sociologie d'aujourd'hui, du politique d'aujourd'hui, du syndicalisme, quelle que soit l'économie d'aujourd'hui, il a été de bon temps, pendant longtemps, d'ignorer ce qu'il a laissé, en gros, la meilleure analyse qui existe de l'économie du monde capitaliste qui aujourd'hui est l'économie dominante sur toute la planète. Il est temps peut-être de revenir à l'analyse de cette société parce qu'on continue à refaire les mêmes erreurs. Le monde du cinéma est quand même dominé par la marchandise. Il y a aussi le fait que le héros du tiers-monde est difficilement finançable que les héros européens et américains. C'est la réalité.
Est-ce qu'il n'y a pas de contradiction justement dans le fait, alors qu'on dit souvent que l'avenir c'est l'Afrique?
Oui, mais vous voyez bien comment fonctionne aujourd'hui la presse. Le peuple. À ce niveau-là, l'Afrique n'est pas sexy. Tant que l'Afrique ne sera pas sexy pour le marché, il ne faut pas s'attendre à de grandes différences jusqu'à ce que les créateurs eux-mêmes en fassent la preuve et réussissent à s'imposer. Mais les choses ne se font pas simplement par morale ou par décision mentale. Il faut que ce soit aussi sur un ensemble de critères, mais malheureusement, aujourd'hui je n'en vois pas. Il faut que l'Afrique regagne la maîtrise de sa propre histoire. C'est quelque chose qu'on ne peut pas improviser. C'est un développement, une prise de position politique. C'est beaucoup de chose. Ce ne sera pas un miracle. Il faut le fabriquer.
Que signifie pour vous être cinéaste du monde?
Parfois on devient cinéaste du monde parce qu'on est resté très local dans l'histoire qu'on raconte. Raconter l'histoire d'un pêcheur avec son bateau et sa lutte avec la mer, ça devient de manière métaphorique le combat de n'importe qui, n'importe où. La force du cinéma, c'est qu'elle peut être très locale et en même temps avoir un impact très universel. Ce n'est pas en contradiction
Un conseil à donner à un jeune cinéaste?
Changer de métier! (rire) On vit dans un monde d'images. Je suis sûr que vous avez un téléphone, un ordinateur et à longueur de journée vous êtes confrontée à l'image, aux histoires, au cinéma, et c'est vrai que c'est le rêve de tout le monde. C'est une manière de communiquer aujourd'hui. Mais en même temps, le cinéma ça reste un métier. Un conseil oui, de l'apprendre, ce métier, ses règles, quitte à les casser après, c'est important de travailler. D'apprendre à raconter des histoires. On a tendance à voir dans le cinéma, comme dans le monde de la chanson, le moment où on monte sur scène, le moment du succès, le moment de la vente des disques, mais on ne voit pas les années de travail avant. Un chanteur fait sa gamme six heures, voire huit heures, par jour et un cinéaste c'est pareil, il travaille. Le moment de l'exposition de l'oeuvre est un moment très réduit par rapport au contenu vrai de ce travail. Le seul conseil que je pourrai donner, c'est le travail.


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