«Ma foi sur l'avenir, bien fou qui s'y fiera, Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.» Racine C'est ainsi que le grand auteur tragique français mettait en garde ses contemporains contre les aléas de la vie. Il faut dire que la vie telle qu'elle nous apparaît n'est pas réglée par quelque mécanique céleste ordonnée où les astres auraient quelque influence, bénéfique ou néfaste, sur les événements sur Terre. Bien que beaucoup d'individus, inquiets de leur propre avenir, ne cessent de harceler les diseuses de bonne aventure, les interprètes du tarot, cartomanciennes, les devins patentés, les oracles divins ou les adorateurs de Lucifer, ceux qui lisent dans le marc de café ou dans les sillons de sable, ceux qui lisent dans les étoiles, les astrologues sans longue vue, les chamans, les sorciers qui triturent les tripes d'oiseaux, les talebs écrivains de talismans, les décrypteurs de rêves, toute une faune de prédicateurs qui ont trouvé un filon en or dans la crédulité humaine. Si certains individus font preuve de naïveté en confiant leur destinée à ceux qui prétendent lire le futur dans la boule de cristal, les lignes de la main, les bûchettes, d'autres, par contre, des hommes politiques à qui l'on peut tout reprocher sauf leur naïveté, ont couramment recours aux prédicateurs pour asseoir leurs convictions quant à l'avenir de leur carrière. On parle même d'un ancien président français qui, à la veille de chaque élection importante, se rend en Afrique subsaharienne pour s'assurer de ses chances dans la course au koursi suprême. On en parle encore, puisque la prêtresse du vaudou lui avait prédit le succès à sa troisième candidature: c'est ce qui arriva au grand étonnement des esprits cartésiens qui jusque-là riaient sous cape. D'autres plus prudents, fréquentent dans une relative discrétion un de ces salons ouatés des quartiers huppés des beaux quartiers pour donner rendez-vous à un avenir incertain. Il n'est pas rare de voir des boursicoteurs consulter ces pédicures de l'âme pour un placement hasardeux en Bourse ou pour une quelconque opération qui mette en jeu l'épargne de toute une vie. Le fait n'est pas nouveau sous le soleil, la superstition a toujours hanté l'esprit des gens à la veille de grandes décisions. On peut comprendre que dans l'Antiquité, un général romain n'engage pas une bataille avant de consulter les prêtres sur le vol des oiseaux ou sur les entrailles de volaille... il y en a même qui n'hésitent pas à faire des sacrifices pour s'attirer la bonne grâce des dieux. Elle est restée célèbre la légende de ce chef hellène qui alla sacrifier sa fille afin qu'Eole se lève et souffle dans les voiles de son armada. Ne parlons pas de ceux qui évitent de se lever du pied gauche ou de ceux qui remettent une entreprise à plus tard parce qu'ils ont eu le malheur de casser un verre ou une glace par inadvertance... Cette inquiétude du grain de sable qui viendrait bloquer une machine trop bien huilée est toujours présente à l'esprit des gens. Et c'est justement ce grain de sable, ce petit imprévu qui peut remettre en question tout le fonctionnement d'une machinerie habilement montée. Cependant, quelle que soit l'habileté ou la perspicacité du prédicateur, il y a des événements qui échappent à toute prévision: le tremblement de terre qui met tout à terre, la tuile qu'on reçoit sur la tête, un dérèglement du climat, une krach financier, le chien qui traverse la route...C'est pour tous ces aléas, que les hommes politiques avisés, ont remplacé la prévision par la prévoyance.