Il est l'un des rares auteurs à refuser la fatalité d'être analphabète dans sa langue. Son oeuvre est méconnue, négligée volontairement, oserions-nous affirmer par ces concitoyens abreuvés de gloire et de transparence culturelle. Belaïd Aït Ali, de son vrai nom Izarar Belaïd est né, selon certaines biographies, le 25 novembre 1909 à Tissemsilt, ex-Vialar où sa mère exerçait son métier d'institutrice. Il apprendra la langue de Molière de sa mère, Dahbia Aït salah, avant de regagner son village Azrou Oukellal à Aïn El Hammam, à l'âge de six ans. Ce génie de la littérature qui fera passer le conte kabyle au style de la nouvelle, au sens contemporain du terme mènera une vie tumultueuse. Il passera d'officier de génie promu au grade de sergent-chef lorsqu'il fut mobilisé lors de la Seconde Guerre mondiale à une vie de clochard et d'ivrogne dans les rues d'Alger. Il sera le dandy recherché par les femmes et quelques temps après, l'homme errant tel un apatride. A Paris, chez son frère aîné, Belaïd s'intéressera à la culture et aux arts. Il maîtrisera la langue française au point que ses concitoyens kabyles le prenaient pour un Français. Sa physionomie blonde aidant, Belaïd se fera appeler Robert. En fait, l'oeuvre de Belaïd Ath Ali fait de lui le précurseur d'une littérature amazighe au sens contemporain du terme. Ses écrits introduiront un genre de narration nouveau. Le conte kabyle prend la forme d'un roman et d'une nouvelle. Belaïd Ath Ali introduit dans la trame un narrateur. Pour la première fois dans une oeuvre amazighe, les profils psychologiques des personnages seront décrits avec précision. Avec lui, la prose écrite prend possession du conte amazigh et en fait un genre littéraire nouveau. Comme Balzac, Belaïd Ath Ali, observe avec minutie les frémissements de la société kabyle. Il fait parler ses personnages et les envoie chercher les moindres recoins de cette société qu'il décrit dans lekhdhoubga (les démarches matrimoniales). Dans son observation, l'auteur scrute d'un regard détaché les rapports de ces concitoyens avec le Créateur. Lwali n'wedrar, Le saint Homme de la montagne, en est l'oeuvre parfaite de la naissance d'une littérature écrite. C'est l'accouchement d'une langue orale qui donne naissance à l'éclosion de beaucoup de genres littéraires contemporains. L'écrivain, après une vie pleine de créations littéraires et de déboires avec l'alcool meurt dans l'asile des vieillards de Saint-André à Mascara un 12 mai 1950. Le hasard a voulu que Belaïd apprenne la langue de Molière de sa mère et écrive en tamazight sous le conseil d'un Français, le père Degezelle établi à la mission des Pères Blancs près de son village Azrou. C'est d'ailleurs ce même religieux qui reçut le télégramme attestant de la mort de Belaïd un 12 mai 1950, alors que d'autres biographies le donnent mort une année plus tard.