L'Otan a joué un rôle extrêmement négatif au Maghreb à travers son action décisive dans la chute du régime d'El Gueddafi et l'embrasement de la région. L'Otan et les Etats-Unis ont ne sont pas à leur coup d'essai en Afrique du Nord, viennent de franchir un pas qualitatif dans le sens d'un renforcement de leur présence au Maghreb. La chose sera bientôt rendue possible avec le nouveau statut d'«allié majeur non-membre de l'Otan», accordé par les Etats-Unis à la Tunisie. C'est un privilège déjà accordé à une quinzaine de pays, dont le Japon, l'Australie, l'Afghanistan ou encore l'Egypte et Bahreïn. Au terme de cet accord, la Tunisie aura accès à une coopération militaire renforcée avec les Etats-Unis. Il est surtout question de livraison d'armements. Cette «distinction» est intervenue dans le cadre de la visite du président tunisien Béji Caïd Essebsi à Washington quelques jours après le séjour algérien du chef du gouvernement tunisien, Habib Essid. Les responsables tunisiens ont-ils évoqué ce rapprochement avec l'Otan avec leurs homologues algériens? Il serait difficile d'envisager que pareil sujet n'ait pas été abordé, d'autant que pour la Tunisie, l'Algérie est un allié tout aussi majeur, et l'a déjà prouvé à travers les aides financières et politiques apportées à la Tunisie en période de transition. La Tunisie qui, soit dit en passant, conserve l'entière souveraineté dans ses décisions n'est pas moins un voisin qui se doit de tenir compte de la situation géostratégique de la région. «Les Etats-Unis croient à la Tunisie», a déclaré Barack Obama, mais cela suffit-il à remodeler la donne stratégique dans la région du Maghreb. Il ne s'agit manifestement pas de cela, à voir l'attitude sereine d'Alger qui, ne commentant pas la décision américaine, ne semble pas voir le rapprochement entre l'Otan et la Tunisie, comme matière à inquiétude particulière. «Le lieu où le printemps arabe a commencé est aussi celui où nous avons vu les progrès les plus extraordinaires», a souligné le président américain, comme pour signifier la volonté de son pays d'agir dans le sens de la stabilisation de la Tunisie, donc de toute la région. Cette embellie tuniso-amériaine, du reste attendue, ne doit pas pour autant être vue comme exclusivement positive pour la région. Il ne faut pas oublier que l'Otan a joué un rôle extrêmement négatif au Maghreb à travers son action décisive dans la chute du régime d'El Gueddafi et l'embrasement de la région, avec le risque majeur d'une prolifération de l'organisation autoproclamée Etat islamique. Les manifestations très spectaculaires de Daesh en Libye a de quoi inquiéter en Tunisie, d'où cette détermination de contracter un maximum d'alliances, même avec les Etats-Unis et l'Otan. C'est justement cette coïncidence qui veut que l'Otan crée le chaos dans un pays pour offrir son aide au voisin menacé. Une partie de la classe politique tunisienne a, en effet, vu dans ce rapprochement une tentative de l'Occident de garder la main dans une région qu'elle a elle-même agressée. Pour l'Algérie, jalouse de sa souveraineté, cette évolution de la situation géostratégique au Maghreb n'est certainement pas la meilleure nouvelle de l'année. Mais il est clair, néanmoins, au vu des différentes missions de l'Otan et de l'Africom à Alger que l'option d'une base au sud du pays est totalement écartée. La «petite» Tunisie servira-t-elle de position avancée de l'armée US en Afrique? Les dirigeants tunisiens jurent que cela n'arrivera jamais, mais il faut dire que le statut d'«allié majeur non-membre de l'Otan» peut évoluer, au gré de la volonté et des intérêts des Etats-Unis dans la région.
