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Un homme, une vie, un combat
KRIM BELKACEM
Publié dans L'Expression le 18 - 10 - 2004

Dans le tumulte des jours qui passent des hommes tombent d'autres montent au firmament et les jours se succèdent. Mauvais pour certains heureux pour d'autres. En ces jours d'octobre, la pensée va à l'un de ceux qui fut un grand, un géant de l'épopée libératrice et qui est mort assassiné par ses frères de combat un certain 18 octobre à Francfort, en Allemagne, dans un hôtel ! L'assassinat était alors signé, il avait pour nom le refus de l'autre et la volonté tôt affichée de conduire le pays comme Staline menait les goulags de l'Urss.
Krim Belkacem, puisque c'est de lui qu'il s'agit, avait consacré une grande partie de sa vie au service du pays et de la nation alors occupée ! Le fils de El-Hadj L'Hocine Hamou Aïssa n'est pas ce qu'on peut appeler un damné de la terre loin de là ! Fils d'une famille aisée pour ne pas dire prospère pour les temps d'alors, il eut droit en tant que fils de caïd, le père étant l'un des rares caïds à être estimé à des dizaines de kilomètres à la ronde pour sa droiture et son esprit de justice.
Ce fils de caïd entre à l'école et a poursuivi des études à l'école Sarrouy à Alger d'où il sort avec le certificat d'études à titre indigène. Alors qu'il se destinait à poursuivre ses études, Belkacem Krim est astreint par une méchante maladie à garder le lit et ce faisant, il rate le concours d'entrée dans un cours complémentaire. Rentré au village, Tizra-Aïssa, dans l'actuelle daïra de Draâ-El-Mizan, le garçon s'abîmait dans la lecture et les jeux qu'affectionnaient les adolescents d'alors: «tiqquar» étaient pour lui une occupation puérile. C'est dans ce contexte que l'homme perçait sous l'adolescent. Devançant l'appel, il eut à rejoindre les chantiers de jeunesse de l'époque pétainiste. Très vite, il est démobilisé et rejoint Tizra-Aïssa.
Le jeune homme s'ennuyait ferme et ses fréquentations ne disaient rien qui vaille à El-Hadj L'Hocine. Aussi fait-il des pieds et des mains pour que le jeune homme rentre dans le monde du travail. Belkacem est désormais secrétaire au niveau de la commune mixte de Draâ-El-Mizan. Là et peut-être plus qu'ailleurs, il touche du doigt la misère des populations et se rend compte de ce qu'est réellement une occupation étrangère! Cet état ne tarde pas à l'amener à quitter le service de la commune et son initiation aux arcanes de la politique commence. Déjà proche des thèses du PPA/MTLD qui l'avait approché durant sa période de formation militaire, Belkacem qui baigna dans cet univers ne tarda guère à plonger totalement. L'homme était entier et quand il épouse une cause il s'y consacre entièrement et totalement et la cause lui paraissait grande, belle, magnifique : la libération de la patrie! Petit à petit, Belkacem céda la place, toute la place au maquisard! Durant des années, il écuma les forêts et les hameaux de Kabylie se rendant également souvent à Alger où un bouillonnement patriotique existait.
Messaliste durant de longues années, Krim, contrairement à ce que certains affirmaient, était, dès le 1er Novembre, de la partie. Membre des Six, il allait se voir affecté par le service de la patrie comme responsable de la zone de Kabylie. Entouré de gens de valeur comme Ouamrane, Mohammedi Saïd et d'autres héros anonymes, Krim Belkacem devait sillonner la Kabylie par monts et vaux pour semer les graines de la révolution en marche. C'est d'ailleurs dans sa zone, exactement à Ighil Imoula chez Ali Zammoum, l'un de ses fidèles lieutenants qu'allait être tirée, lors de la nuit sacrée, la proclamation de novembre.
Les années héroïques
Durant les premiers mois de la guerre d'indépendance, Krim n'avait qu'un but, mobiliser le peuple et lutter contre les bastions messalistes. La chose n'était guère aisée, les fellahs de la région avaient donné leur coeur au vieux dirigeant en qui ils voyaient le vrai libérateur du pays. Krim avait sillonné la région de nuit comme de jour, expliquant ici, convaincant là, et tout ce travail était en sus des actions militaires que ses hommes menaient à travers la Kabylie. Il fallait que la révolution soit mise sur rails et le Lion des djebels, comme la population le surnommera un peu plus tard, savait que la lutte serait longue, même si l'issue était certaine. Dormant peu, se restaurant frugalement, le chef de la zone de Kabylie a même oublié qu'il est également père. Son fils Ahmed n'avait pas eu droit à tout l'amour voulu. Le père était au service du pays. Et pourtant, selon des sources, Belkacem était également un homme aimant et plein de sentiment, surtout pour son fils.
Mais la patrie exigeait un engagement de tous les instants. Les forces d'occupation, en retard d'une guerre, étaient effarées: ce diable d'homme était signalé à tel endroit à midi, et à 13h, il était à des kilomètres plus au sud ou à l'est. Maquisard depuis 1947, Krim avait pour allié les forêts et les maquis de Kabylie et pouvait compter sur ses sens. Les villages et les hameaux de Kabylie commencent à s'habituer à la silhouette de l'homme à la Stein. Durant ce temps, c'est la famille Krim, le vieux El Hadj L'Hocine en tête, qui était la cible de la police et de la gendarmerie.
La maison familiale était d'abord gardée en permanence par les policiers de la PJ de Tizi Ouzou, puis finalement détruite. Les frères de Belkacem étaient jetés en prison, Rabah, Arezki, Mohamed...tous étaient les invités involontaires des cachots de la France. D'ailleurs, Rabah, alors à peine libéré de son service militaire, ne tarda pas à rejoindre les forces de l'ALN, alors en pleine formation. El Hadj maugréait mais il était de tout coeur avec ses lions. Les journaux coloniaux annonçaient souvent la prochaine capture du fellagha Krim Belkacem.
On le disait repéré dans les rues de la vieille ville d'Alger: la Casbah ; déguisé un jour en ouvrier, le lendemain en femme voilée et un autre jour en fonctionnaire de quelque organisme! Une légende vivante naissait! Lui le maquisard était durant ce temps-là en pleine organisation de sa région et aidait à l'organisation de la région voisine, celle qui allait devenir la wilaya IV historique. Il demanda à son compagnon de toujours Amar Ouamarane, de s'en occuper. Il en coûtait à Krim de se séparer de cet homme, mais la loi de la révolution dictait cela! Durant des mois la silhouette trapue et ramassée de l'un des plus anciens maquisards de Kabylie sillonnait la région. Le chef de guerre ambitionnait de faire de ces volontaires une armée bien équipée et surtout bien disciplinée, et le chef politique s'échinait à faire de la population des soutiens logistiques qu'il sait irremplaçable en temps de guerre. A la veille de la tenue de la réunion qui allait décider de la création du CCE, Krim Belkacem pouvait dire à ses collègues des autres zones: mission accomplie! En un temps relativement court, le responsable politique et militaire de la zone de Kabylie, celle-là qui allait devenir un peu plus tard la Wilaya III historique a réussi à faire un travail de titan.
Entre-temps, Abane Ramdane sortait de prison et était assigné chez lui à Azzouza. Krim Belkacem le fit contacter et le duo Abane-Krim était né. Krim avait toujours voulu que la ville d'Alger soit dirigée depuis le maquis, mais avec la libération d'Abane, le vieux loup changea son fusil d'épaule, Alger passe sous la férule d'Abane. L'arrestation de Bitat a été un rude coup pour la capitale mais l'arrivée de celui qui allait être l'artisan du congrès de la Soummam allait changer les choses. Durant tout le temps que le CCE siégeait à l'intérieur c'est la Kabylie, proche d'Alger et un peu les Aurès par la sécurité que la région offrait, avec Alger qui servirent aux rencontres et réunions importantes de l'organe dirigeant du FLN/ALN. En ces début de la guerre, Krim laissait à son successeur une wilaya modèle. Certes, entre-temps, le général Olié le commandant militaire de la zone de Kabylie pour l'armée française avait perdu son latin. Le diable de Krim était partout et nulle part.
Le temps de la politique
Il a su et pu déjouer les opérations militaires et les autres traquenards que les officiers du deuxième bureau français ont essayé de tendre à l'un des hommes les plus recherchés Algérie. Il faut dire que Krim leur avait donné une sacrée leçon avec l'opération «Oiseau bleu». Des généraux et des agents du Sdec français, de concert avec le ministre résident, ont imaginé de mettre sur pied une force destinée à contrer les forces de l'ALN sur le terrain. Le sort a voulu que le choix des Français tombe sur un vieux militant, un homme sûr et fidèle de Krim. De fait les armes, qui devaient servir à armer une troupe de contre-révolutionnaires, atterrissent toute chez l'ALN et c'est avec la solennité que requiert le moment que Krim remet les mêmes armes aux mêmes hommes, mais cette fois au nom de l'ALN. Le génie militaire du maquisard s'était révélé en grand lors de cette opération. Quand le CCE décide de quitte le pays pour la Tunisie, Krim fait sa tournée des popotes et dit adieu à ses grognards. Son frère Rabah était déjà au maquis et commandait alors une région. C'est, disent des sources, le coeur gros que Krim se décide à gagner la Tunisie, la Kabyle lui manquerait à coup sûr.
Mais la guerre avait ses droits et le chef ne pouvait se dérober à ses obligations.
Arrivé en Tunisie, le maquisard se mua rapidement en politique. Fin organisateur, Krim, avec l'aide de ses pairs au sein du CCE et ensuite du GIG, se démena si bien qu'en fin de compte, un embryon d'armée vit le jour dès les années 57-58. Mais l'homme, et contrairement à ce que l'on peut penser, c'est dans la diplomatie qu'il donna la pleine mesure de ses capacités. Certes, Hocine Aït Ahmed avait ouvert la voie au FLN en plaidant la cause algérienne devant le groupe de Bandoeng: Soekarno, Chou En Lai, Nehru et Tito ont été alors séduits par ce jeune homme fringant, au verbe facile et alerte qu'était Hocine Aït Ahmed plaidant la cause nationale. Krim, lui, s'était rendu à Moscou, à Pékin et ailleurs dans une large tournée dans les pays de l'Est. Partout, il reçut un accueil chaleureux, il est vrai que l'écho de la révolution en marche arrivait jusque dans ces pays et faisait l'admiration des peuples. Mais la touche de Krim était là. De Pékin et de Moscou, il ramène dans ses bagages la reconnaissance des peuples après celle des gouvernants. Acculé de partout, notamment sur la scène internationale, le gouvernement de De Gaulle se rendit à la raison. Il ouvrit les négociations d'abord à Lugrin et ensuite aux Rousses à Evian.
Une anecdote est restée célèbre. Le chef de la délégation algérienne aux pourparlers d'Evian était pris part par Louis Joxe, chef de la délégation française, qui tentait de lui expliquer une tournure de phrase contenue dans le traité qui devait figurer dans le texte de l'accord. Krim se doutait de l'entourloupette et refusa énergiquement le terme. Joxe, un peu vivement, lui dit: «Ecoutez, je suis professeur de français et donc je sais bien ce que ce terme veut dire!» Alors Krim, en paysan madré, se tourne vers Joxe et lui dit: «Tout ce que je ne comprends pas n'est pas du français!» Imparable ! Il y a tant et tant à dire de l'homme et du maquisard et de l'homme politique. Mais une accusation lancée par ceux-là, qui n'ont rien compris à la situation spéciale de la Guerre d'indépendance, lui a fait beaucoup de mal. Celle d'avoir trempé dans l'assassinat d'Abane. Légaliste et nationaliste jusqu'au bout des ongles, Krim n'a jamais levé le voile du secret entourant cette ténébreuse affaire, mais selon ses proches, l'homme a été lourdement affecté.
Devant des gens qui disaient un peu haut ce qu'ils pensaient de cet assassinat, un jour devant Krim, ce dernier se permit juste un: «Si le gouvernement veut faire la lumière sur l'affaire, il le peut!» D'autres racontent que Krim avait chez lui des tas de documents dont des documents sur cette affaire. Il semble qu'avec sa mort, Krim a emporté avec lui secrets et documents. Krim ne partageait guère les conceptions du président d'alors, Ben Bella, aussi il entra en dissidence. Il créa le Mdra et pour cela il est condamné à mort par un tribunal militaire algérien. Lui, le premier révolutionnaire, l'un des initiateurs de l'épopée libératrice! La politique a ses raisons que la raison n'a pas ! Il a fallu attendre longtemps avant que son corps repose enfin à El Alia en Algérie ! Aujourd'hui, de Krim, il ne reste plus que le souvenir de l'homme entier et du maquisard de la première heure!
Dans son village natal, Tizra-Aïssa, un petit musée est ouvert sur les lieux mêmes où il a vu le jour, mais qui donc connaît la vie de cet homme ? Il est vrai que durant longtemps les révolutionnaires n'avaient pas droit de cité dans les livres d'histoire de l'Algérie indépendante, surtout quand ils ne partagent pas les visions des hommes forts du moment. L'écriture de l'histoire du pays est à entreprendre sans passion ni rancoeur, les générations futures nous doivent bien cela!


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