«7737 affaires liées à la violence conjugale ont été traitées par les tribunaux durant l' année 2014.» La clause du pardon introduite en force dans plusieurs articles du projet de loi modifiant et complétant le Code pénal portant nouvelles mesures de protection de la femme contre toutes formes de violence «risque de vider de sa substance ce texte qui sera réduit à son caractère préventif», regrettent de nombreux membres du Conseil de la nation. «Les effets de la nouvelle loi seront limités par l'introduction de cette notion de pardon qui peut être obtenu par des pressions familiales sur la victime», selon plusieurs sénateurs. Cela n'encourage pas les victimes à dénoncer rapidement les faits et l'entourage à témoigner des faits de harcèlement qu'il constate, d'autant plus qu'au lieu de sanctionner lourdement le délit, certaines peines prévues sont atténuées et limitées au cas du décès de la victime. Cette notion accorde des circonstances atténuantes à l'auteur de la violence. A travers cette trituration, certains y voient un compromis du gouvernement qui a dû bloquer ce texte pendant près d'un an au Sénat, en faveur des conservateurs et des islamistes. «Même s'il constitue un pas en avant, l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime, risque de perpétuer l'omerta de la victime sous la pression des pesanteurs sociales», est-il relevé. Les islamistes, qui mènent une campagne virulente contre ces amendements, revendiquent son retrait pur et simple. D'après les islamistes et leurs relais médiatiques, à travers cette loi, le gouvernement voudrait imposer des normes occidentales à une société musulmane. S'il est venu pour combler le vide juridique en la matière, son application risque de susciter de vives résistances. En réponse aux remarques et aux observations de membres du Conseil de la nation, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, a inscrit l'introduction du pardon dans «l'objectif de préserver le lien conjugal et le maintien de l'équilibre au sein de la famille». Aux islamistes qui rejettent ce texte en mettant en avant le risque d'une «dislocation de la famille», et le fait qu'elle soit contraire aux valeurs de l'Islam, le ministre souligne que «ce texte est conforme à la charia et que ce genre de législation est déjà appliquée dans plusieurs pays arabes». S'agissant de l'interférence de cette loi dans la vie privée, il précise que «le juge reste l'unique et seul garant des secrets et de l'intimité du couple et de la famille». «La violence contre les femmes dans notre société est une réalité palpable et tenter de l'ignorer fera amplifier davantage le phénomène », a indiqué Tayeb Louh. Le cas de la femme écrasée récemment par la voiture d'un homme qui la harcelait en plein centre-ville de M'sila, et le viol collectif commis sur une Camerounaise à Oran, corroborent la gravité de ces faits, d'après le ministre. Les statistiques de la justice illustre cette tendance: «7737 affaires liées à la violence conjugale ont été traitées par les tribunaux durant l'année 2014, 3209 autres relatives à la violence commise contre la femme par ses proches, 767 affaires inhérentes à la violence perpétrée contre la femme sur le lieu de travail et 705 par de tierces personnes, ont été traitées par les tribunaux algériens en 2014», selon le ministre. Si en cas de violences physiques, la victime peut attester sa plainte par un certificat médical, en revanche les violences morales sont plus difficiles à prouver car elles ne laissent pas de marques sur le corps et sont souvent perpétrées dans l'intimité. Il est ainsi très rare que des personnes aient été témoins de ces violences. Pour le ministre, dans ce genre de harcèlements, «la justice va recourir à la jurisprudence de la Cour suprême et du Conseil d'Etat pour valider les pièces pouvant être ̈présentées pour tenter d'établir la réalité de ces violences comme les nouveaux moyens technologiques». «Les amendements du Code pénal sont loin de refléter les recommandations de la Convention sur 1'é1imination de toutes les formes de discrimination à 1'égard des femmes des Nations unies», a insisté le sénateur du FFS, Moussa Tamadartaza. Pour ce dernier, il reste beaucoup à faire dans ce domaine, notamment concernant la révision ou l'abrogation du Code de la famille. L'examen et l'aval du projet d'amendement du Code pénal par le Conseil de la nation, adopté au Parlement le 5 mars dernier a été reporté sans explications, suite à la polémique qu'il a suscité dans les milieux islamistes et chez les conservateurs. Ce projet a même été assimilé à une manoeuvre visant à imploser l'opposition, particulièrement la Cltd.