L'homme par son oeuvre a marqué à jamais l'histoire intellectuelle et politique de l'Algérie. C'est aujourd'hui que se tient, sur trois jours, à la Bibliothèque nationale algérienne du Hamma à Alger, un colloque : Algérie 50 ans après: nation, société, culture qui aura pour thème central l'oeuvre et le parcours de Mostefa Lacheraf. La rencontre scientifique organisée par l'Association algérienne pour le développement de la recherche sociale (Aadress) et la revue Naqd, d'étude et de critique sociale, verra la participation d'une quinzaine de chercheurs et d'intellectuels algériens et étrangers de haut niveau qui devront, tour à tour, se pencher sur la vie d'un homme qui a été de toutes les batailles, et sur tous les fronts. Mostefa Lacheraf est, à vrai dire, à la fois, l'intellectuel, le journaliste, le politique, l'écrivain mais aussi le Moudjahid. Il incarne depuis plus de soixante ans, l'essence même de l'élite nationale tant ses travaux - sur une période de plus de 50 ans -, en premier rang Algérie, Nation et Société, ont servi et servent à ce jour de base et de documentation - de choix - pour les sociologues et autres chercheurs. Lacheraf, témoignent de nombreux intellectuels, a permis, grâce à son oeuvre bibliographique, de penser et d'analyser étape par étape l'évolution de la société algérienne non en recourant à des discours idéologiques mais par l'approche scientifique et le travail sur le terrain. Chose qui lui a valu au demeurant probité et notoriété: «Avec Mostefa Lacheraf on est en plein dans la culture savante, une culture scientifique forgée au fur et à mesure dans les grandes écoles, ensuite par son travail de recherche de sources, d'archives» a témoigné, récemment, à un quotidien national, l'éminent sociologue Dahou Djerbal. Aussi, fut Lacheraf de cette trempe de penseurs dont le champ d'intervention est aussi vaste qu'est la recherche. On ne peut, bien entendu, résumer son oeuvre comme touchant à une seule branche ou autre spécialité. Sa contribution, voire son engagement, a été tel qu'il a été amené, bon gré mal gré, à s'impliquer dans diverses questions de diverses natures. Ce à quoi son champ d'analyse et d'expression n'a cessé de prendre de l'ampleur à telle enseigne que le penseur a touché à toutes les générations de l'Algérie contemporaine. Sur le «ring» politique, l'homme n'a pas eu l'habitude de mettre des gants. Honnêteté intellectuelle et un passé militant des plus brillants et très riche en enseignements, ont fait de lui un vrai dur à cuire. Il a, à cet effet, pris parti sur de nombreuses questions - brûlantes - dont les questions autour de l'indépendance de l'Algérie, de son système éducatif, de la bureaucratie, de son administration...la franchise avec laquelle il manifestait ses opinions l'a mis dans une situation très peu confortable : censure, invectives, attaques personnelles mais qui n'ont été d'aucun effet sur la personnalité d'un homme déterminé. Pour la petite biographie, Mostefa Lacheraf est né en 1917 à El Kerma et a grandi dans la ville de Sidi Aïssa dans la wilaya de M'Sila. Après le secondaire et des études arabes classiques et modernes à l'école Thaâlibiyya à Alger, puis la Sorbonne à Paris, il est nommé professeur de lycée à Mostaganem, ensuite au lycée Louis le Grand à Paris. Dès 1939, il adhère au Parti du peuple algérien (PPA) créé par Messali El Hadj, puis au Mtld dont il anime le service presse. Membre du FLN à sa création, il figure parmi les cinq dirigeants (Boudiaf, Aït-Ahmed, Khider et Ben Bella) arrêtés en octobre 1956, lors du détournement par les autorités françaises de l'avion qui les menait de Rabat à Tunis. A sa libération, il collabore à l'élaboration de la charte de Tripoli, assure pour un temps la rédaction du journal El Moudjahid. Après le coup d'Etat de juin 1965, il est, tour à tour, membre du Conseil national de la révolution algérien (Cnra), ambassadeur en Argentine à partir de 1966, conseiller à la présidence pour les problèmes d'éducation et de culture. Il collabore à la rédaction de la Charte nationale en 1975-76, puis est nommé ministre de l'Education nationale dans le dernier gouvernement sous Boumediene en avril 1977. De nouveau diplomate au Mexique en septembre 1979, il est ensuite délégué permanent de l'Algérie auprès de l'Unesco à Paris, chef de mission à Lima au Pérou, de janvier 1984 à septembre 1986, avant de prendre sa retraite politique la même année. Parallèlement à son activité politique Mostefa Lacheraf, fut l'auteur, et Dieu sait, d'une oeuvre sociologique édifiante. Algérie, Nation et Société, a été, en effet, et comme le souligne si bien le sociologue Omar Lardjane, un point de référence essentiel pour toute la génération d'universitaires, de chercheurs et d'intellectuels des années 1960 jusqu'à ce jour. Son dernier livre, par ailleurs, Des noms et des lieux, mémoires d'une Algérie oubliée (Alger, Casbah, 1998) a été aussi l'outil via duquel le penseur aborde la question des noms de lieux et de personnes et des transformations qu'ils ont connues dans l'histoire de l'Algérie. Une étude, dira Dahou Djerbal, qui a donné naissance à des travaux de recherche importants sur la toponymie. Bibliographie sélective : 1)- Des noms et des lieux, mémoire d'une Algérie oubliée (Casbah éditions, 1998) 2)- Littérature de Combat, Essais d'introduction: étude et préface (Bouchène 1991) 3)- Algérie et Tiers-Monde. Agressions, résistances et solidarités internationales (Bouchène 1989) 4)- Ecrits didactiques sur la culture, l'histoire et la société (Enap 1988) 5)- Algérie et Tiers-Monde (Enal 1982) 6)- Algérie, Nation et Société (Paris, Maspero 1965) (Alger, Sned, 1978)