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Les délires d'un roi
VISEES EXPANSIONNISTES, COUPS BAS ET LOBBYINGS
Publié dans L'Expression le 31 - 07 - 2016

Contre tout bon sens, ce pays s'accroche au fantasme du «Grand Maroc». Il rêve de porter ses frontières très loin de celles dont il a héritées à l'indépendance.
Depuis son indépendance, le Maroc bat aisément les records de l'expansionnisme, qui est au centre de sa politique étrangère depuis l'indépendance en 1956, et de l'autisme qui lui fait perdre le sens des réalités dans ses relations avec son environnement et la communauté internationale. Contre tout bon sens, ce pays s'accroche au fantasme du «Grand Maroc». Il rêve de porter ses frontières très loin de celles dont il a héritées à l'indépendance. Jusqu'au fleuve Sénégal, englobant donc le Sahara occidental et la Mauritanie, mais aussi le tiers de l'Algérie (jusqu'à In Salah) et le Nord-Ouest du Mali. Cette entreprise insensée s'est heurtée à la communauté internationale, particulièrement l'OUA qui a toujours rejeté ses prétentions territoriales, et aux voisins pour lesquels celles-ci sont une déclaration de guerre permanente. Il faut rappeler que le Maroc n'a pas hésité à attaquer militairement l'Algérie en 1963. Ni à envahir le Sahara occidental. Nonobstant les nombreux revers diplomatiques essuyés sur la scène internationale, malgré la complicité peu glorieuse de certains Etats qui persistent dans l'erreur, il ne semble pas décidé à faire amende honorable comme l'indique sa dernière tentative auprès de l'UA, à l'occasion du récent Sommet de Kigali (Rwanda).
Le Maroc fut parmi la trentaine d'Etats membres fondateurs de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) dont la Conférence constitutive a eu lieu du 22 au 25 mai 1963, à Addis-Abeba (Ethiopie). Ce sommet adopta la Charte de la première organisation panafricaine dédiée essentiellement au parachèvement de la décolonisation de l'Afrique et au maintien de la paix entre les Etats membres. Le 1er Sommet, qui s'est tenu au Caire, du 17 au 21 juillet 1964, confirma cette orientation qui devint la raison d'exister de l'OUA. Il adopta entre autres textes (Déclaration sur la dénucléarisation de l'Afrique, par exemple) une résolution (AHG /16 -I-) d'une importance capitale consacrant le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ce faisant, l'objectif était de tenter de prévenir les conflits entre les Etats africains. Il faut rappeler qu'au début des indépendances, l'Afrique comptait autant d'Etats indépendants que de différends frontaliers (une trentaine) qui pouvaient à tout moment déboucher sur des guerres fratricides. Le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation compte parmi les plus importants de l'OUA. S'il n'a pas empêché les conflits fratricides, il a permis de diminuer drastiquement leur nombre et donné à l'Afrique le moyen de les résoudre. -Ce principe a été repris dans l'Acte constitutif de l'Union africaine (UA, article 4, b/: «Respect des frontières existant au moment de l'accession à l'indépendance»).
La volonté expansionniste du Maroc se manifesta très tôt envers la Mauritanie dont il ne reconnut pas l'indépendance en 1960. Elle se manifesta aussi contre l'Algérie qui fit face à une guerre de conquête territoriale «royale» alors qu'elle commençait à peine à panser les douloureuses blessures héritées d'une longue guerre d'indépendance. Cette «Guerre des sables», commencée en octobre 1963, fit l'objet d'une médiation réussie de l'OUA puisque les combats cessèrent le 5 novembre et un cessez-le-feu définitif fut proclamé le 20 février 1964. Les frontières entre les deux voisins restèrent inchangées. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont rejeté les prétentions du Maroc, faisant prévaloir le principe de l'intangibilité des frontières héritées à l'indépendance.
Le conflit algéro-marocain eut raison des velléités de ceux qui demandaient la révision des frontières. La réaffirmation de ce principe, applicable à toute l'Afrique, était devenue plus que nécessaire. La résolution du Caire AHG /16 -I, mentionnée plus haut, fut adoptée à la quasi-unanimité des Etats membres de l'OUA. Deux pays seulement firent des réserves:
1-La Somalie qui revendiquait l'Ogaden éthiopien et une partie du nord du Kenya. -Elle vit ses rêves s'évanouir lorsque le Sommet de Nairobi (24 - 27 juin 1981) reconnut que la région de l'Ogaden appartient à l'Ethiopie.
2-Le Maroc qui était porté par le fantasme du «Grand Maroc».
On peut constater que depuis son indépendance, le Maroc affiche publiquement une politique expansionniste au détriment de ses voisins. Depuis plus de 50 ans, la question du Sahara occidental fournit la meilleure illustration du fantasme «royal». Cette question est inscrite sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU depuis 1963. Le 16 octobre 1964, le Comité spécial onusien chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (résolution 15-14 du 14 décembre 1960), qui fonde la doctrine onusienne en matière de décolonisation, a adressé un rapport à l'Assemblée générale. Celle-ci a adopté une résolution sur le Sahara occidental (2072-XX).
La doctrine sur les frontières
D'autres résolutions suivront, y compris au Conseil de sécurité, ayant pour point central le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui à travers un référendum juste et libre. S'agissant de l'OUA, elle a consacré une décision à la question du Sahara occidental dès son 3ème Sommet tenu à Addis-Abeba, du 5 au 9 novembre 1966.
Celle-ci était désormais à l'ordre du jour de l'Organisation panafricaine dont, il faut le rappeler, la mission principale était le parachèvement de la décolonisation de l'Afrique.
Le Maroc, qui faisait équipe avec les autres pays voisins du Sahara occidental pour débarrasser ce territoire du colonialisme espagnol, jeta le masque après certains événements dont:
-la création en 1973 d'un mouvement politique et militaire sahraoui, le Front Polisario, par le chahid El-Ouali Mustapha Sayed;
-la réaffirmation par l'Assemblée générale des Nations unies, le 13 décembre 1974, du droit à l'autodétermination du Sahara espagnol, la demande d'un avis consultatif à la Cour internationale de justice (CIJ) et l'envoi d'une mission pour visiter le territoire (résolution 3292);
-la mission de l'ONU visite le Sahara occidental et les pays voisins en mai - juin 1975. Dans un rapport remis le 15 octobre 1975 elle conclut ce qui suit: «Un consensus écrasant parmi les Sahraouis est en faveur de l'indépendance et en opposition à l'intégration avec tout pays voisin»;
-la CIJ rend un avis le 16 octobre 1975 qui conclut que rien n'est de nature à entraver «l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire».
1-Début novembre 1975, il envahit le Sahara occidental en organisant une farce appelée «marche verte», en violation des résolutions du Conseil de sécurité (377 du 22 octobre 1975 et 379 du 2 novembre 1975) et de l'appel du président dudit Conseil. En réalité, il s'agissait d'une occupation militaire musclée du territoire, avec la complicité de l'Espagne, qui força beaucoup de Sahraouis à fuir vers l'Algérie sous les bombardements au napalm de l'aviation marocaine.
La «Guerre des sables» de 1963
Le 6 novembre, le Conseil de sécurité adopte une nouvelle résolution (380) qui «demande au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche».
2-A la mi-novembre 1975, il signe les accords de Madrid avec le régime franquiste moribond. Le territoire est divisé entre le Maroc et la Mauritanie (comment peut-on diviser un territoire qu'on prétend sien?), sans consultation préalable de la population. Le Front Polisario tourne ses armes contre les armées marocaine et mauritanienne. L'Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution le 10 décembre (3458) qui approuve le rapport de la mission de l'ONU et l'avis de la CIJ, concernant notamment l'organisation d'un référendum, et «réaffirme le droit inaliénable du peuple du Sahara espagnol à l'autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV)» qui est la pierre angulaire de la doctrine onusienne en matière de décolonisation.
En 1976, l'OUA reconnaît le Front Polisario comme mouvement de libération nationale, malgré l'opposition du Maroc. La Rasd est proclamée à Bir Lahlou, le 27 février 1976.
Le 5 août 1979, la Mauritanie renonce à ses prétentions sur le Sahara occidental et conclut l'accord d'Alger avec le mouvement indépendantiste sahraoui. Elle se retire de la partie du territoire qu'elle occupait. Le Maroc l'envahit aussitôt. La Rasd fut reconnue par de nombreux pays africains et réussit à totaliser la majorité simple requise pour être admise à l'OUA. Malgré les efforts de blocage du Maroc et de ses alliés, le droit finit par prévaloir. Deux sommets furent décisifs:
1-Le Sommet de Freetown (Sierra Leone, 1er - 4 juillet 1980):
La question du Sahara occidental fut au centre des travaux. La Rasd avait réuni la majorité requise (26) pour son admission, mais les chefs d'Etat et de gouvernement acceptèrent de donner encore une chance au Maroc pour l'amener à négocier directement avec le Front Polisario. Parmi ces derniers, Julius Nyerere, Mathieu Kérékou et Mohamed Seddik Benyahia.
D'autres, comme Sékou Touré et Senghor, vin rent au secours de M'hamed Boucetta, ministre des Affaires étrangères du Maroc, en essayant laborieusement de défendre la motion qu'il avait présentée, soit une question préjudicielle destinée à bloquer l'admission de la Rasd en déniant à celle-ci les attributs d'un Etat. Les débats furent violents et Senghor surtout laissa quelques plumes (1).
La motion du Maroc ne passa pas et le sommet accorda à ce pays une autre chance de s'amender et d'accepter de négocier avec le Front Polisario. Un comité ad-hoc fut établi à cette fin, mais ses efforts restèrent vains, se heurtant à l'intransigeance du Maroc pour lequel le sommet de l'OUA prévu à Nairobi s'annonçait périlleux. D'autant plus, qu'au Conseil des ministres de l'OUA, au mois de février 1981, plusieurs délégations pressèrent le secrétaire général de notifier à la Rasd son admission.
2-Le Sommet de Nairobi (Kenya, 24 - 27 juin 1981)
Alors que celui de Freetown n'a attiré que 14 chefs d'Etat, le Sommet de Nairobi a enregistré la présence de 35 d'entre eux, ce qui lui conféra une légitimité particulière. (Ce record ne sera battu que par le Sommet d'Alger, en 1999, avec 38 chefs d'Etat, un vice-président et six Premiers ministres). Hassan II, qui ne cachait pas son mépris pour l'OUA et ne participait pas à ses sommets (il l'a traitée de noms peu flatteurs comme «conférence tam-tam» ou «cloaque», voulant peut-être, consciemment ou non, surpasser le général de Gaulle qui traitait l'ONU de «machin», pendant la Guerre d'Algérie) fit exceptionnellement le déplacement à Nairobi. Ses interventions soporifiques en plénière mirent mal à l'aise beaucoup de ses pairs. Une femme, Maria do Nascimento da Graça Amorim, ministre des Affaires étrangères de Sao Tomé-et Principe, finit par le doucher en déclarant: «Majesté, nous aimons le théâtre, mais nous n'y allons pas tous les soirs.» Le président en exercice et président du Kenya, Daniel Arap Moi, décida de réunir à huis clos les chefs de délégations qui mirent sous pression le roi Hassan II. Celui-ci accepta la tenue d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental et retourna à Rabat avant la fin du sommet. Alors que ses pairs étaient encore réunis à Nairobi, il renia l'engagement pris devant eux en qualifiant le référendum de «confirmatif». De quoi? De la «marocanité du Sahara occidental», bien entendu. Ce fut le début de la descente aux enfers du Maroc.
Ignorant la volte-face royale, le sommet adopta une résolution dans laquelle il «se félicite de l'engagement solennel de Sa Majesté le roi Hassan II du Maroc d'accepter l'organisation d'un référendum sur le territoire du Sahara occidental». En outre, il mit sur pied un Comité spécial chargé de l'organisation dudit référendum. Celui-ci se réunit à Nairobi à deux reprises
(les 24 et 25 août 1981 et les 8 et 9 février 1982). Il se heurta à l'intransigeance marocaine portée par le roi lui-même. Il fut constaté que le Maroc était plus intéressé par un cessez-le-feu que par le référendum et qu'il manoeuvrait pour dessaisir l'OUA du dossier du Sahara occidental au profit de l'ONU. (2).
Le sens du compromis qui avait animé les chefs d'Etat à l'égard du Maroc n'avait plus de raison d'être et le secrétaire général de l'OUA, le Togolais Edem Kodjo se devait de revenir à la Charte et notifier à la Rasd son admission. Bien que ceci entre dans ses prérogatives, il l'avait certainement fait avec le feu vert de nombreux chefs d'Etat dont le président en exercice, Daniel Arap Moi.
A l'ouverture du Conseil des ministres, la délégation de la Rasd occupa le siège prévu pour elle dans l'Africa Hall. Les pro-Marocains décidèrent de boycotter les travaux et quittèrent la salle, progressivement, au fil des instructions reçues de leurs capitales. Leur objectif était de faire échouer le Conseil des ministres en le privant de quorum. Ce fut pour eux un échec cuisant. Les travaux se poursuivirent et le Conseil adopta son rapport avec le quorum et en présence de la Rasd.
Après l'admission de la Rasd comme membre de l'OUA, le Maroc et ses alliés ont opté pour le boycott des réunions, tout en sachant que ce choix peu avisé mettait en péril l'existence même de l'Organisation panafricaine. C'est ainsi que deux tentatives pour réunir le sommet à Tripoli en 1982 échouèrent faute de quorum, soit la présence des deux tiers des Etats membres. Le Maroc et ses alliés disposaient d'une minorité de blocage:
-la première tentative eut lieu entre le 5 et le 8 août. Les boycotteurs invoquèrent la présence de la Rasd pour ne pas prendre part au sommet.
-la seconde eut lieu le 26 novembre. Dans un geste d'apaisement, la délégation de la Rasd décida volontairement de ne pas se rendre à Tripoli. Piégés, les boycotteurs invoquèrent la présence du président tchadien, Hissen Habré, pour ne pas participer au sommet.
En fait, dans les deux cas, la Rasd et le Tchad furent des prétextes pour empêcher le colonel El Gueddafi d'accéder à la présidence de l'OUA. Le Maroc et ses alliés étaient les acteurs de cette triste entreprise, mais les tireurs de ficelles étaient extra-africains.
Un siège à l'Africa Hall
Après les tentatives ratées de Tripoli, l'OUA tente de ressouder ses rangs et tient ses sommets au siège, à Addis-Abeba.
Le premier eut lieu du 8 au 12 juin 1983. Hissen Habré siège normalement parmi ses pairs. La Rasd, toujours dans un souci d'apaisement, s'abstient volontairement. Le sommet identifie clairement les deux parties en conflit au Sahara occidental, à savoir le Maroc et le Front Polisario.
Le sommet suivant eut lieu du 12 au 15 novembre 1984. Tous savaient que la Rasd avait décidé de mettre fin à son abstention volontaire et qu'elle allait prendre part aux travaux. Le Maroc ne réussit pas à mobiliser une minorité de blocage comme à Tripoli. Il ne lui restait plus que le retrait que le roi Hassan II signifia par lettre, lue en séance plénière par son conseiller, Ahmed Réda Guedira, en présence de la délégation de la Rasd. Celle-ci resta à son siège alors que la délégation marocaine quitta la salle. Le sommet tourna la page et poursuivit ses travaux. Depuis 1984, la Rasd a siégé à l'OUA jusqu'à la dissolution de celle-ci en 2001.
Depuis 2002, elle est membre fondateur de l'Union africaine (UA).
Après une absence de 32 ans, le Maroc se rappelle au bon souvenir de l'Afrique à l'occasion du Sommet de l'UA à Kigali. On annonça même la venue du roi Mohammed VI. Finalement c'est par une lettre remise au président en exercice, Idriss Deby, que Sa Majesté fit part de sa volonté d'occuper «sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle». Les arguments peu diplomatiques avancés pour justifier cette volte-face importent peu. Par contre, il convient de noter que la lettre royale, dont la lecture renseigne sur le déphasage de ses rédacteurs par rapport à la réalité, ne fait pas mystère de bouter hors de l'UA la Rasd qui en est un membre fondateur. Il est vrai qu'après 32 ans d'absence on perd le sens des réalités. Le Maroc aurait été mieux inspiré de se conformer à la procédure d'adhésion en adressant une demande à la présidente de la Commission comme le stipule l'article 29 de l'acte constitutif de l'UA:
«1. Tout Etat africain peut, à tout moment après l'entrée en vigueur du présent Acte, notifier au président de la Commission son intention d'adhérer au présent Acte et d'être admis comme membre de l'Union.
2. Le président de la Commission, dès réception d'une telle notification, en communique copies à tous les Etats membres. L'admission est décidée à la majorité simple des Etats membres. La décision de chaque Etat membre est transmise au président de la Commission qui communique la décision d'admission à l'Etat intéressé, après réception du nombre de voix requis.» Mais, fidèle à ses habitudes consistant à emprunter des chemins tortueux, le Maroc actionna ses alliés de toujours de la «françafrique» pour mettre la pression sur l'UA. Ces derniers adressèrent au président en exercice de l'UA une motion dans laquelle ils «saluent la décision du Royaume du Maroc...d'intégrer l'UA» et demandent «la suspension prochaine de la Rasd des activités de l'UA».
Le Sommet de Kigali a consacré ses travaux à des dossiers plus importants comme la situation au Soudan du Sud, qui fut le sujet de préoccupation principal des chefs d'Etat et de gouvernement, l'élection d'un nouveau commissaire de l'UA (reportée finalement au prochain sommet), la crise du Burundi ou encore le terrorisme transnational et le financement du budget de l'UA. Il n'a pas adopté la motion présentée par les alliés du Maroc, qui, en principe, n'existe plus. Il reste la lettre du roi remise au président en exercice de l'UA qui en a simplement informé la présidente de la Commission. Dans tous les cas, elle ne peut pas être circulée aux Etats membres en tant que demande d'adhésion. Le roi Mohammed VI écrit dans sa missive: «Cela fait longtemps que nos amis nous demandent de revenir parmi eux, pour que le Maroc retrouve sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle. Ce moment est donc arrivé.» Il parle donc clairement de réintégration. Or, il s'agit d'adhésion à une nouvelle organisation, en l'occurrence l'UA, créée en 2002. L'OUA, que le Maroc a quittée volontairement il y a 32 ans, n'existe plus.
Une éventuelle demande d'adhésion du Maroc à l'UA passe par la procédure rappelée plus haut. Elle doit être faite sans condition car la «suspension» de la Rasd demandée par le Maroc et ses alliés n'est pas possible. L'Acte constitutif ne la prévoit que dans un seul cas, comme le stipule l'Article 30: «Les Gouvernements qui accèdent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas admis à participer aux activités de l'Union.»
En conséquence, si le Maroc introduit une demande d'adhésion à l'UA, la Rasd sera consultée et aura son mot à dire sur la question. Certes aucun Etat n'a un droit de veto, mais il est peu probable que cette procédure humiliante soit acceptable pour la diplomatie marocaine. Quelle serait l'alternative pour satisfaire les désirs royaux? l'amendement de l'Acte constitutif de l'UA? Le Maroc et ses alliés tenteront-ils une telle aventure qui est longue et périlleuse?
Cette entreprise hasardeuse à Kigali ressemble à un coup médiatique, à un écran de fumée destiné à détourner l'attention des déboires enregistrés ces derniers temps par le Maroc au Conseil de sécurité, notamment l'affaire des éléments de la composante civile de la Minurso qui a forcé le roi à faire une reculade honteuse.
Quelques remarques finales
-Le Maroc a quitté l'OUA en 1984 et s'est tourné, depuis, vers l'ONU, notamment le Conseil de sécurité où, grâce aux complicités dont il bénéficie, il a pu multiplier les manoeuvres pour gagner du temps, ce qui constitue sa seule stratégie pour essayer de consacrer le fait accompli au Sahara occidental. Depuis, il pratique une politique de fuite en avant et de mensonges (3) qui l'a conduit dans une impasse. Acculé depuis quelque temps par le Conseil de sécurité, en raison des faux pas commis (renvoi de la composante civile de la Minurso, par exemple), il se tourne vers l'Afrique pour essayer de trouver un peu d'air et masquer ses erreurs diplomatiques grossières au niveau de l'ONU.
-Le Conseil de sécurité est le gardien de la paix et de la sécurité internationales. On peut aujourd'hui soutenir qu'il a mis celles-ci en danger par sa trop grande complaisance envers le Maroc. Et ce au détriment des droits légitimes et inaliénables du peuple du Sahara occidental dont la patience et le respect de la légalité internationale n'ont pas été payés en retour. En effet, le Conseil de sécurité met sur le même pied d'égalité le colonisateur et le colonisé, l'occupant et l'occupé. Depuis 1991, il veille plus sur le cessez-le-feu au Sahara occidental que sur l'organisation du référendum d'autodétermination, une situation profitable au Maroc. Il refuse d'étendre la mission de la Minurso aux droits de l'homme, laissant la population sahraouie désarmée à la merci des forces d'occupation marocaines. Last but not least, il gèle quasiment le dossier sahraoui en fermant les yeux sur les négociations qui s'éternisent entre le Front Polisario et le Maroc. Il reprend comme un leitmotiv dans ses résolutions une formule inapplicable: «Une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable.» On se demande comment on peut amener le Maroc à accepter un référendum d'autodétermination si on lui donne un véritable droit de veto sur la solution de la question du Sahara occidental? Après le renvoi de la composante civile de la Minurso, le Conseil de sécurité a pour la première fois contraint Rabat à revenir sur sa décision. Espérons que c'est un début qui annonce plus de rigueur dans la gestion onusienne du dossier sahraoui.
En tant que gardien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité n'ignore pas la situation sécuritaire qui prévaut au Sahel. Au vu de celle-ci, il serait peu avisé et même dangereux d'oublier qu'il existe un peuple au Sahara occidental. Un peuple qui ne cache pas sa volonté d'être indépendant et l'exprime publiquement en deçà et au-delà su «Mur» de la honte et depuis la colonisation espagnole. Dans les territoires occupés, il subit une répression violente de la part des forces d'occupation marocaines, encouragées, on ne le répétera jamais assez, par le Conseil de sécurité de l'ONU qui refuse d'inclure la protection des droits de l'homme dans le mandat de la Minurso en raison de l'opposition d'un membre permanent qui se prétend de surcroît «patrie des droits de l'homme». Le déni de justice conduit au désespoir et à la révolte. Le peuple sahraoui a fait preuve d'une grande patience grâce au leadership de ses dirigeants dont feu Mohamed Abdelaziz. Doit-on continuer à abuser de sa patience? La responsabilité de ceux qui dénient ses droits au peuple sahraoui est totalement engagée.
-Il est temps de distinguer entre les faits, qui sont têtus, et la propagande marocaine qui trouve ses limites, même auprès d'oreilles complaisantes:
1-Quelques faits:
-le Sahara occidental est un «territoire non autonome» reconnu comme tel par l'ONU depuis 1963, soit depuis le début de la grande vague des décolonisations. A ce titre, son peuple a le droit à l'autodétermination, conformément à la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation.
-le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui a été reconnu par les instances internationales, notamment l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l'ONU, la Cour internationale de justice (CIJ), l'OUA puis l'UA, comme en attestent les textes adoptés depuis les années 1960 à ce jour.
-la Rasd a adhéré à l'OUA et est membre fondateur de l'UA. Elle totalise 32 ans de présence dans les instances africaines contre 21seulement pour le Maroc.
-la Rasd défend avec succès ses intérêts économiques, notamment devant les juridictions européennes, s'opposant au pillage des richesses de son territoire.
2-la propagande marocaine maladroite et donc peu crédible:
-le Maroc prétend que les réfugiés sahraouis en territoire algérien sont retenus prisonniers par le F. Polisario et l'armée algérienne. Cette ineptie est contredite quotidiennement par les ONG, les journalistes, les travailleurs humanitaires, les nombreuses délégations politiques qui se rendent dans les camps de réfugiés et dans les territoires libérés du Sahara occidental. Ces mêmes personnes sont régulièrement empêchées d'accéder aux territoires occupés par les autorités marocaines. Qui cache quoi? Le Maroc devrait reconnaître que les réfugiés avaient fui leur pays sous les bombardements au napalm en 1975. Ce fut une tentative de génocide qu'il faudra bien mettre un jour sur la table.
-le Maroc accuse le F.Polisario de collusion avec les mouvements terroristes qui écument le Sahel. Cette autre ineptie a fait long feu. Si les Sahraouis avaient versé dans le terrorisme, ils auraient porté leurs efforts en priorité sur le territoire marocain. Chacun sait qu'ils rejettent vigoureusement ces pratiques dont, par contre, ils ont été victimes dans leurs propres camps. Qui manipule le Mujao et au profit de qui travaille cette nébuleuse terroriste? L'accusateur indélicat des Sahraouis devrait chercher la réponse chez lui et savoir que l'arme qui le tente peut lui éclater entre les mains.
-le Maroc soutient que le problème du Sahara occidental doit être réglé avec l'Algérie. Les instances internationales ont tranché cette question en reconnaissant deux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, qui négocient d'ailleurs sous l'égide de l'ONU. En fait, Rabat voudrait que sa voisine lui livre le Sahara occidental sur un plateau d'argent. De quel droit l'Algérie se substituerait-elle à un peuple pour décider de son avenir? Un peuple qui, depuis plus de quarante ans, vit en partie en exil et en partie sous occupation marocaine. Qui a consenti des martyrs et tellement investi en souffrances indescriptibles au nom de la liberté.
Le Maroc a accumulé un nombre incalculable de défaites diplomatiques, sur tous les fronts. Il le doit d'abord à sa diplomatie qui n'a jamais su trouver de bons arguments pour défendre une mauvaise cause (4). Elle compte sur des alliés pour faire le sale travail à sa place. Des alliés intéressés, donc peu crédibles et peu efficaces. Ils sont de nouveau à l'oeuvre à l'occasion du dernier Sommet de l'UA de Kigali. Leur objectif? faire admettre le Maroc au détriment de la Rasd. Se rendent-ils compte qu'ils risquent de porter un coup fatal à une organisation dont le continent africain a tant besoin? Ne seraient-ils pas mieux inspirés de demander au Maroc de respecter la légalité internationale? Ils savent qu'ils sont de mauvaise foi car ils n'ignorent pas que leur «protégé» a fauté. Ils savent aussi qu'ils n'ont rien fait depuis 1991 pour aider à l'application des décisions des instances internationales lesquelles réitèrent une année après l'autre la nécessité de tenir un référendum d'autodétermination au Sahara occidental. Ils savent, enfin, qu'il est toujours temps de s'amender. C'est la meilleure façon de rendre service à un «ami» qui nourrit le fantasme du «Grand Maroc».
Notes
(1)-Senghor avait la manie de définir les mots en se référant au «Petit Robert» (dictionnaire). Excédé, Mathieu Kérékou lui répondit: «Je ne connais pas le petit Robert, mais je suis africain et je connais l'Afrique». Benyahia renchérit sur un ton ironique en se référant au «petit Jobert».
(2)-Un accord sur un cessez-le-feu et un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui a eu lieu en 1991, entre le Maroc et le Front Polisario, sous l'égide de l'ONU. Depuis, le Maroc veille sur le respect du premier, mais bloque le second. Une situation confortable pour lui et confortée par les résolutions successives du Conseil de sécurité qui préconisent une «solution mutuellement acceptable» par les deux parties. En fait, une solution impossible car elle se heurtera toujours à l'intransigeance du Maroc. Tant que celui-ci ne sera pas bousculé par l'ONU comme il l'a été par l'OUA.
(3)-Un mensonge marocain: Le mensonge est devenu une seconde nature chez les dirigeants marocains qui pensent qu'il restera impuni. Mais ce comportement inélégant a entamé lourdement leur crédibilité. Contrairement à ce qu'ils pensent, tout le monde n'est pas amnésique et la séparation est vite faite entre le bon grain et l'ivraie. A titre d'exemple, les diplomates marocains, sûrs de faire mouche, n'hésitent pas à affirmer et même à écrire qu'aucun pays africain n'a adhéré à l'OUA avant d'avoir été admis à l'ONU. C'est faire peu cas de l'Organisation panafricaine qui avait pour mission principale le parachèvement de la décolonisation de l'Afrique et faisait preuve d'un pragmatisme révolutionnaire pour atteindre les objectifs fixés. A cet égard, le cas de la Guinée-Bissau est significatif. Ce pays a mené une guerre d'indépendance pendant 12 ans. Tout en poursuivant la guérilla, le Paigc (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert fondé par Amilcar Cabral qui considérait Alger comme la Mecque des révolutionnaires) avait mis en place une organisation administrative dont une Assemblée nationale élue en septembre 1973. Celle-ci proclame unilatéralement l'indépendance, le 24 septembre 1973. Le nouvel Etat n'est pas reconnu par le Portugal, puissance coloniale, ni par le monde occidental. Par contre, il l'est par la plupart des Etats africains (pas tous malheureusement). Certains pays, comme l'Algérie, accréditent même des ambassadeurs. Celui de l'Algérie, en résidence à Conakry, feu Zitouni Messaoudi (il fut aussi conseiller pour les affaires africaines et ministre de l'Industrie du président Chadli Bendjedid), a présenté ses lettres de créance au maquis, sous les bombardements portugais. Après la révolution des Oeillets, le 25 avril 1974, les négociations s'engagent entre le Portugal et le Paigc au mois de mai et débouchent sur l'accord d'Alger du 26 août. L'indépendance de la Guinée-Bissau est reconnue officiellement par Lisbonne le 10 septembre 1974. Ce pays est admis à l'ONU quelques jours après, soit le 17 septembre 1974.
La Guinée-Bissau a siégé pour la première fois à l'OUA, en qualité d'Etat membre de plein droit, lors du Sommet qui a eu lieu à Mogadiscio, du 12 au 16 juin 1974, soit avant la reconnaissance de son indépendance par le Portugal et son admission à l'ONU.
(4)-Je me rappelle cette boutade de Ali Triki, qui était alors chef de la diplomatie libyenne. C'était à l'occasion de la réunion du Bureau des non-alignés à New Delhi, en 1976, pour préparer le Sommet de Colombo (Sri Lanka). La délégation marocaine avait essuyé une déroute diplomatique sévère. Elle avait accumulé des erreurs et donné aux pro-Sahraouis des bâtons pour la rosser. A la sortie de la réunion du Bureau, Ali Triki croisa des membres de la délégation algérienne dans le jardin de l'hôtel Ashoka. Il marqua un temps d'arrêt et, en souriant malicieusement, leur lança: «J'ai toujours pensé que ce ne sont pas les Algériens qui sont intelligents, mais les Marocains qui sont bêtes».
Alger, le 27 juillet 2016


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