«Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne devraient pas connaître» dit la chanson. C'était le temps où la banane n'était pas commercialisée en Algérie alors tout touriste de retour au pays était tenu d'en ramener quelques kilogrammes à offrir et il en était remercié de manière chaleureuse. Le fruit était partagé et chaque famille y avait droit en fonction du nombre de ses membres et tout le monde était content. Une banane était ainsi découpée en trois morceaux et dégustée comme il le fallait. C'était un temps, le temps des pénuries et de la vente concomitante aussi. Ainsi, dans les fameux «Souk El Fellah» pour avoir droit à une boîte de tomate concentrée, il fallait acheter des clous. Et oui, c'était ainsi et il ne fallait pas rechigner même si personne ne savait quoi faire avec des clous dans le panier. Cela peut servir éventuellement, qui sait. Mais à côté, il y avait de bonnes choses surtout après la suppression de l'autorisation de sortie. Un billet aller-retour à Palma pour à peine 300 DA, un week-end au complexe touristique de Matarès pour 220 DA, des menus intéressants dans des restaurants à 10 ou 15 DA, des places de cinéma à 5 DA, il faisait bon vivre en Algérie quand bien sûr vous ne faisiez pas de la politique. La politique était réservée à qui de droit. C'était un deal! Aujourd'hui on peut faire de la politique et même acheter sa place de député si votre portefeuille est bien garni, portefeuille enfin, de préférence votre sachet noir, la «ch'kara» de circonstance. Pour revenir à la banane qui se fait tant désirer, elle pavane au point de ne pas comprendre pourquoi elle est si chère dans ce pays, elle qui s'offre à bon prix ailleurs où la «ch'kara» n'est pas de mise. L'Algérie dépense plus de 87 millions de dollars en importation de ce fruit exotique. Pourtant, il ne s'agit pas ni d'une priorité ni d'une urgence. Le ministère du Commerce débordé arrive quand même à réunir ses cadres et à établir les conditions d'octroi de licence d'importation de banane. Le marché est juteux et les prétendants à ce commerce sont nombreux. Y a-t-il réellement demande? pas à notre connaissance. Dans les cafés, c'est le sort de la JSK qui inquiète quand ce ne sont pas les nombreux supporters du MCA qui rêvent d'un trophée africain comme dans les années 1970, histoire de taquiner ceux du club rival, l'USMA quoique lui aussi concerné mais avec peu de chances vu le périlleux déplacement que l'équipe doit faire. La chaleur, la fatigue, l'humidité et surtout l'arbitrage sont des paramètres à prendre au sérieux. Ainsi, même si personne ne parle de la banane, ni l'exige d'ailleurs à bon prix, ce fruit fait l'actualité et c'est bizarre. C'est juste pas normal cette histoire de banane comme le sont d'ailleurs celles de l'élection du futur président de la Fédération algérienne de football, de la prochaine élection législative avec son lot de bagarres, de drames, de places dans les listes qui se monnaient, du SG du FLN qui jubilerait presque en annonçant fièrement que plus d'une centaine de candidats à la députation dans les listes FLN sont analphabètes, eux qui sont appelés à lire des textes de loi. Ce n'est plus une histoire de banane, mais une peau de banane géante qui longe nos trottoirs et qui les transforme en patinoires.