«On dirait que nous sommes au Zénith» Parmi les soirées de Ramadhan, animées dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui ont retenu l'attention, il y a sans doute celle du chantre de l'amour Hacène Ahrès. Ce dernier, à l'instar de tant d'autre chanteurs kabyles programmés pour ce Ramadhan a su drainer la grande foule et lui procurer des moments intenses, en revisitant l'essentiel de son répertoire constitué de chansons d'amour, entre autres. Le rendez-vous avec ce grand ami du regretté Matoub Lounès, a été donné, non pas à la Maison de la culture Mouloud Mammeri, où il avait l'habitude de se produire, mais plutôt dans l'espace «Saci» au chef-lieu de la commune de Boudjima, sise à 22 kilomètres au nord-est de la ville de Tizi Ouzou. Malgré l'éloignement, ils ont été des centaines à avoir fait le déplacement à Boudjima dans la soirée de samedi à dimanche dernier. D'ailleurs, bien avant le coup d'envoi de ce spectacle, toutes les chaises étaient pratiquement occupées. Ce qui faisait plaisir à voir, c'est la présence en force des familles et le respect mutuel exemplaire qui a régné tout au long de la soirée. Le service d'ordre, constitué de dizaines de personnes a été aussi à la hauteur. Sourire permanent aux lèvres, les agents de sécurité accueillaient le public avec une gentillesse remarquable. Quand Hacène Ahrès monte sur scène, il découvre un public magnifique et une ambiance exceptionnelle. Ce qui le revigore, lui donne de l'énergie et lui permet d'animer l'une de ses belles soirées. Il faut aussi dire que les organisateurs ont mis le paquet concernant les moyens. La scène est gigantesque et professionnelle. «On dirait que nous sommes au Zénith», plaisante l'un des présents en regardant en direction de la scène aménagée depuis la veille du coup d'envoi du mois de Ramadhan. La sonorisation est également au top. Ce qui fait que la voix de Hacène Ahrès, qui a tant bercé les jeunes dans les années quatre-vingt-dix, quand la chanson kabyle était encore à son apogée, était d'une succulence qui faisait tant rappeler ses albums immortels. Sous un tonnerre d'applaudissements, Hacène Ahrès entame son spectacle, comme d'habitude, avec une chanson de Matoub: «D idurar i delâmriw.» Le public s'enflamme. Les spectateurs répètent derrière Hacène Ahrès les vers de cette chanson car quel est le Kabyle qui ne connaît pas de A à Z la chanson «D idourar id lâamrixw», sorti au lendemain des événements d'octobre 1988 dont Matoub Lounès a été l'une des victimes. Après quoi, Hacène Ahrès, qui a eu sans doute un pincement au coeur au souvenir du Rebelle immortel, a enchaîné avec ses plus belles chansons d'amour. Celles qui font toujours pleurer ceux qui ont un jour aimé et n'ont pas pu oublier. Car l'amour, nous dit Hacène Ahrès, dans ses chansons, est une maladie qui ne guérit pas. De la célèbre «Sedhsits» (Fais-la rire) à «Tabrats boul» (la lettre du coeur), en passant par tant d'autres chansons d'amour, Hacène Ahrès n'a pas été avare en ce samedi soir, sous les étoiles du village de Boudjima. Après avoir interprété plusieurs de ses propres chansons, Hacène Ahrès revient encore à Matoub car, comme il l'a souligné à maintes reprises dans ses interviews, c'est avec les chansons de Matoub qu'il a grandi et c'est également avec elles qu'il a commencé à chanter avant de voler de ses propres ailes. Hacène Ahrès interprète, comme un digne héritier du «barde flingué», des chansons comme «Athahechat bvrid» (L'oléastre» et «Ad hajregh uliw yethour» (Je m'exile, le coeur plein». Avant de terminer en apothéose avec ses propres chansons. Ce soir, Hacène Ahrès n'a pas chanté en solo, son public en choeur l'a accompagné comme dans un véritable duo. C'est toute la magnificence de ce spectacle magique malgré les larmes qui ont coulé à cause de la mélancolie de bon nombre de chansons de Hacène Ahrès, parlant des déchirures du coeur.