Certains religieux vont jusqu'à trouver une origine religieuse au Premier Mouharem Les islamistes qui ont perdu beaucoup de terrain avec la banalisation de leurs mouvements politiques, tentent d'exister à travers les polémiques qu'ils entretiennent. Le premier jour du calendrier de l'Hégire pose problème. Fixé pour la journée de demain par la direction de la fonction publique, cette date qui n'a jamais posé problème par le passé est au centre d'une polémique suscitée par les milieux islamistes qui estiment le gouvernement incompétent pour prendre pareille décision. Les voix intégristes ont profité d'une confusion entre les ministres du Travail et celui des Affaires religieuses sur la paternité de décision de la survenance du premier jour du premier mois du calendrier lunaire, pour alimenter la polémique. Certains religieux vont jusqu'à trouver une origine religieuse au Premier Mouharem, arguant que le choix de ce calendrier était destiné à se différencier des chrétiens qui avaient adopté leur propre calendrier. L'amalgame créé entre les deux calendriers et les suggestions claires aux guerres de croisades entre l'islam et la chrétienté est sciemment entretenu par ces milieux intégristes. Le rapport entre l'histoire des religions et la «cacophonie» gouvernementale est très difficile à trouver, mais les islamistes qui animent la scène médiatique et les réseaux sociaux ont trouvé la brèche pour se replacer et entretenir un discours politico-religieux, histoire d'exister, sans doute. En tout cas, il en est parmi les contradicteurs des ministres du Travail et son collègue des Affaires religieuses qui accusent sur une chaîne de télévision privée le premier de se mêler de ce qui ne le regarde pas et le second d'être trop timoré dans un gouvernement où il est censé être le personnage central. La «faille» est trouvée et les islamistes de tous bords sont invités à développer la thèse d'un gouvernement où la religion doit être au centre de tout. L'idée n'est pas de se contenter de régler ce léger différend, mais de s'en saisir pour réinstaller le débat sur la place de la religion dans la décision gouvernementale, donc politique. Le problème c'est, telle qu'elle est posée par les milieux islamistes, la question évoluera forcément vers une autre polémique stérile où les partisans et les opposants s'écharperont sur les réseaux sociaux, sans que le «débat» ne prenne de sens. Il faut dire que pour nombre d'islamistes médiatiques et médiatisés, cela suffit à leur bonheur. N'ayant aucune alternative viable susceptible d'être recevable auprès de l'opinion nationale, ils se contentent d'agiter la religion, avec le seul objectif d'empêcher la société de voir ailleurs. Sur la question de l'observance du premier jour des mois du calendrier lunaire, comme sur d'autres sujets, à l'image de la «Basmala» ou encore de quelques détails dans les programmes scolaires, les polémiques suscitées par les islamistes ne font pas avancer les débats. Bien au contraire, ils maintiennent l'opinion publique dans une sorte de métastase sociale et l'éloignent de toute réflexion objective sur l'avenir de la nation ou tout simplement une quelconque mobilisation sociétale. En fait, les islamistes qui ont perdu beaucoup de terrain, avec la banalisation des mouvements politiques qu'ils ont créés, tentent d'exister à travers les polémiques qu'ils entretiennent. Ils ont entrepris d'infiltrer une association séculaire, celle des Ouléma algériens, à travers laquelle, ils procèdent à des attaques ciblées contre tout symbole de modernité ou d'émancipation. Transformant le message réformateur de feu Abdelhamid Ibn Badis, les «têtes d'affiche» de cette association s'attellent à développer auprès des Algériens un discours rétrograde sur des questions de société et s'éloignent totalement du message originel des Ouléma. L'absence de tout débat fécond sur le rôle de l'islam dans l'éveil effectif de la société et les raisons réelles du grand retard qu'accuse la société algérienne sur bien des domaines, renseignent sur les préoccupations très approximatives de ces animateurs. Le seul fait que l'opinion soit encore témoin de ce genre de polémiques stériles sur l'observance de la lune de Mouharem est la preuve que l'on est très loin de la «Nahdha» souhaitée par Abdelhamid Ibn Badis.