Le jusqu'au-boustisme du Camra a donc fini par le mener au suicide. Pris à leur propre piège, les syndicalistes du Camra se sont poussés vers la porte. En confondant grève et obstination et en s'éloignant de la pratique du syndicalisme responsable et constructif, ils ont avancé à grands pas vers un suicide programmé. Le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) a «joué» et a perdu. Il a tenté le tout pour le tout en menaçant, la semaine dernière, la tutelle de revenir au débrayage. Cependant, la menace qu'il a brandie n'a pas porté ses fruits puisque la tutelle ne l'a toujours pas convié au dialogue et ses adhérents ne semblent plus aussi enthousiastes pour reprendre le débrayage. Tous ceux concernés par l'examen du Dems ont choisi de ne pas boycotter cette session de la dernière chance. Les autres n'ont pas jugé nécessaire d'assister au sit-in annoncé au niveau des centres hospitalo-universitaires. C'est ce qui confirme que le Camra n'est pas seulement en perte de vitesse, mais s'est carrément essoufflé. Les syndicalistes tentent de sauver les meubles, de maintenir la mobilisation, mais c'est loin d'être évident à la veille des grandes vacances d'été et après une grève démesurée de huit mois. Aujourd'hui, il est évident que le ministère de la Santé doit honorer son engagement et retourner à la table de négociations avec les représentants syndicaux des médecins résidents. Cependant, il ne doit pas le faire «sous la menace». Sa temporisation consistant à appeler le Camra au dialogue vise, à ne pas en douter, à faire comprendre justement au syndicat qu'il est en droit de mener sa lutte syndicale, mais pas de faire du chantage. Ce rappel à l'ordre s'avère nécessaire car les animateurs du Camra ont trouvé le moyen de faire durer le malaise jusqu'au pourrissement. Il s'est éloigné de toute action syndicale traditionnelle en choisissant une action extrême et sans fondement syndical, qui n'est autre que la grève illimitée. Il s'agit bien d'une aventure qui ébrèche l'authenticité de l'action syndicale car recourir à une action aussi extrême quand les portes du dialogue n'étaient pas fermées ne se justifiait pas. L'obstination du Camra était à double tranchant. Elle pouvait faire fléchir la tutelle comme elle pouvait causer sa perte. Le doute n'est plus de mise aujourd'hui. La tutelle n'a pas fléchi et le Camra a perdu. Pris à leur propre piège, les syndicalistes du Camra se sont poussés vers la porte. En confondant grève et obstination et en s'éloignant de la pratique du syndicalisme responsable et constructif, ils ont avancé à grands pas vers un suicide programmé. Leur appel à renouer avec la contestation ne va pas leur servir à grand- chose sinon à confirmer la démobilisation des médecins résidents qui semblent avoir quitté le monde fantastique des rêves dans lequel, seuls leurs délégués continuent d'y croire. Et pourtant, les choses ont été clairement dites aux médecins résidents et à leurs délégués: l'annulation du caractère obligatoire du service civil est rejetée autant que la dispense du service militaire. Mais - car il y a un mais - la tutelle, sachant qu'elle était autour d'une table de négociations, n'a pas affiché un niet ferme et définitif. Elle a «joué» le jeu de la négociation qui veut que l'une des deux parties lâche du lest lorsque l'autre tire sur la corde. Autrement dit, la tutelle a fait montre d'une certaine flexibilité. En premier lieu, elle a donné des réponses favorables concernant la majorité des revendications des médecins résidents dont l'attribution d'un logement, l'aménagement et l'équipement des plateaux techniques, le droit au regroupement familial, le droit à un billet d'avion par année vers les wilayas de l'extrême Sud, l'autorisation d'exercer une activité complémentaire dans le secteur privé et le droit à la formation continue. Et dans une seconde phase, elle a proposé une reformulation des deux revendications à l'origine de la discorde, à savoir le service civil et le service militaire. A la place de l'annulation du caractère obligatoire du service civil et de la dispense du service militaire, le ministère propose la déduction de la durée du Service national de celle du service civil. Quant à la durée de ce dernier, elle a été revue à la baisse selon les régions. Face à cette flexibilité de la tutelle, le Camra n'a pas su réagir et au lieu de se contenter de ce qu'il venait d'arracher en attendant de rebondir une autre fois, il a choisi l'obstination. Une méthode qui est loin de faire l'unanimité chez les partisans du syndicalisme classique. Ces derniers défendent l'approche selon laquelle le déclenchement d'une grève doit obligatoirement répondre à une stratégie et que la négociation a toujours été le credo de l'action syndicale. Le jusqu'au boustisme du Camra a donc fini par le mener au suicide.