Il y a comme ça des morts qui ne passent pas inaperçues. Celle de Brahim en est une. La famille artistique et combative kabyle ne s'est pas encore remise de la douleur de la perte de Mohia qu'elle vient encore une fois de perdre un homme de valeur. Brahim Izri s'est éteint dimanche soir dans un hôpital parisien après une longue hospitalisation des suites d'une maladie qui ne pardonne guère. La nouvelle de sa mort s'est propagée en Kabylie telle une traînée de poudre, provoquant tristesse et douleur chez tous ceux qui l'ont côtoyé de près ou de loin. Ils ne peuvent forcément qu'être nombreux, tant l'homme était sur tous les fronts. Homme de tous les combats, Brahim a mis sans réserve de son temps, ses moyens financiers et matériels pour être au rendez-vous des grands événements. Il était là tout le temps à se consacrer aux causes justes. Même agonisant, il a tenu à se déplacer pour finir l'enregistrement de son dernier album que ses amis se chargent désormais d'arranger et d'éditer. Très jeune, ce natif d'Ath Yenni s'est trouvé dans la mêlée du combat que menait le Mouvement culturel berbère. Dès les années 70, il s'exila en France à la recherche «du pays de liberté», comme il le disait dans l'une de ses chansons phares. Impartial, juste et combatif, Brahim l'artiste a redoublé d'ingéniosité pour donner un cachet universel à la chanson kabyle. Le militant qu'il était l'a amené à se consacrer à la cause mère, tamazight, la condition féminine et les droits de l'homme. Conscient des risques que provoquerait la division des rangs, Brahim a toujours tenté de les unifier par son comportement neutre. Il répondait à toutes les invitations pour les causes justes d'où qu'elles venaient. Bref, il était l'artiste et le militant qui a su introduire une conduite que la cause voulait. Son combat pour l'identité, la femme, la démocratie et les libertés a fait l'essentiel de sa grandeur. N'est-ce pas lui qui organisa à Paris une marche de soutien aux détenus des archs? N'est-ce pas lui qui produisit le CD consacré à la plate-forme d'El Kseur? Ce n'est là que quelques exemples parmi d'autres qui ont marqué la courte vie de l'artiste militant. Il rend l'âme à 51 ans, laissant derrière lui une femme, 5 enfants et une mère qui ne l'a pas revu depuis cinq ans. Dans la soirée de mardi, Beur FM lui a consacré toute une émission hommage. Le P-DG, Nacer Kettane, Takfarinas, Malika Domrane et Baâziz ont tous témoigné des valeurs de justice, de liberté de l'homme en soulignant son courage et son impartialité. Il y avait tellement d'émotion que l'animatrice Nassima a éclaté en sanglots. Après Matoub Lounès, Mammeri, Mohand Ouyahia, c'était au tour de Brahim de partir, laissant orpheline une cause millénaire. Mais à entendre tous les invités de Beur FM, une chaîne qui colle à la réalité algérienne, on est tenté de croire que l'espoir existe encore pour l'aboutissement du combat mené par Brahim Izri. Une veillée a été organisée, hier au 13, rue de la Nativité à Paris. Le corps du défunt sera rapatrié vraisemblablement aujourd'hui vers le village d'Ath Lahcène où il sera enterré parmi les siens. Qu'il repose en paix, l'artiste!