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«Le garçon se soumet aux vouloirs du père»
LE PROFESSEUR NOUREDDINE TOUALBI-THAÂLIBI
Publié dans L'Expression le 10 - 12 - 2005

L'Expression: Nous allons, si vous permettez, commencer cet entretien par le drame qui a eu lieu il y a quelques semaines. Une circoncision qui a mal tourné et des enfants qui se sont
retrouvés mutilés. Y a-t-il eu, à travers l'histoire, des exemples de mutilations malencontreuses?
N.T.T.: Je présume un constat simple selon lequel toute action chirurgicale peut donner lieu à des mutilations, ici génitales, et s'accompagner d'un traumatisme psychique intense. Le cas que vous citez est malheureusement celui d'une castration réelle stricto sensu, au sens où elle implique la remise en cause fondamentale de l'image narcissique, et de la représentation qu'un sujet se fait de son Moi profond. Et je ne crains pas de dire que la mutilation de l'organe viril correspondra après coup à ce qui pourrait s'apparenter à une véritable mort symbolique.
L'incidence, s'agissant d'enfants qui subissent un long processus de maturation, est que la résultante tardive du traumatisme ne se traduise par des troubles de la personnalité.
D'une manière générale, je dirais, en tant que théoricien, que c'est à l'âge de l'adolescence qu'il faudra probablement mesurer l'effet traumatique de ce type d'accident opératoire.
Concernant l'aspect médical, la circoncision protège-t-elle de certaines maladies?
Je dois rendre hommage au regretté Tayeb Matiben, dont un amphithéâtre de l'université d'Alger porte le nom, et qui fut le premier médecin dans le monde arabe à avoir écrit une thèse exhaustive de médecine sur la pérotomie (autre nom de la circoncision). Il semble, selon les médecins, que la circoncision aurait la vertu de protéger contre un certain nombre d'affections (dont la syphilis). De même constitue-t-elle de nos jours la seule protection contre certaines affections comme le phimosis (étroitesse anormale du prépuce) ou le para phimosis, affection de la verge qui rend pénible la miction (l'action d'uriner) chez l'enfant. Dans ce type de pathologie, l'indication thérapeutique est la circoncision, qui permet de dégager le gland. C'est ce qui explique, à la suite d'enquêtes que j'ai eu à faire à Paris, en 1974, l'existence de certains jeunes Français circoncis contre le phimosis.
Comment ces jeunes Français acceptent-ils la circoncision?
Ce que l'on a remarqué, c'est que là où la culture n'intègre pas l'acte péritomique comme une valeur de normalité sociale, la circoncision est vécue par ces enfants européens comme une véritable castration. Tandis que dans les sociétés où la culture reconnaît à la circoncision une valeur constitutive de la personnalité, la pérotomie est ressentie comme une valorisation narcissique doublée d'une promotion sociale. Les comparaisons cliniques permettent justement de montrer le caractère discriminatoire de la variable culturelle.
Cette comparaison fait ressortir les différences culturelles.
Oui. C'est dire combien à travers l'exemple particulier du rituel de la pérotomie, on peut déduire que tout, absolument tout, dans le vécu de l'homme, est coupé et recoupé par la culture. Et comme l'aurait dit l'éthnopsychanalyste Georges Devereux, la culture «c'est la manière de vivre le vécu».
Quelle est la place de la circoncision en tant que pratique sociale dans la tradition maghrébine?
Même si la circoncision maghrébine présente quelques particularismes au niveau des pratiques opératoires, on peut néanmoins dire qu'au niveau du fonctionnement du rituel d'initiation, sa fonction symbolique est la même pour l'ensemble des pays musulmans. Elle est vécue comme un rite de passage de la sphère infantile à celle des adultes et elle est collectivement appréhendée sous le signe de l'appartenance à la communauté musulmane. A partir de là, et en se plaçant dans le strict registre du vécu, on peut donc dire que la fonction de la circoncision au Maghreb est double. Elle est, d'une part, un rituel d'initiation propulsant l'enfant à un statut viril d'adulte (aspect symbolique essentiel), comme elle permet, d'autre part, d'intégrer son groupe d'appartenance religieuse.
A la suite de votre étude, à quelle conclusion êtes-vous parvenu: la circoncision est-elle une substitution de la castration ou un plus haut degré de sublimation?
En tant que psychanalyste, évidemment imprégné de la théorie freudienne, il va sans dire que malgré son aspect traumatique, et en raison même du facteur culturel et structurant, la circoncision inscrit l'enfant dans un ailleurs, permettant à la sublimation du traumatisme de pouvoir correctement fonctionner. En raison de la promotion sociale et culturelle qu'elle véhicule, l'enfant va rechercher la circoncision. Là est le paradoxe, parce que culturellement, ce qui aurait dû être objectivement traumatisant devient source de gratification et de glorification narcissique.
C'est pourquoi je récuse totalement certaines relectures tardives et orientées du rituel de la circoncision chez les Arabes et les musulmans, tendant à faire croire à l'opinion mondiale que la circoncision marque un signe de régression culturelle ou d'involution sociale.
Quel rapport y a-t-il entre la circoncision et l'image de la femme dans les sociétés maghrébines, dont vous dites qu'elle est le résultat d'un long façonnement social?
Les sociétés arabo-musulmanes en général consacrent la prégnance du père dans la famille, et privilégient une vision phallocentrique du monde.
C'est peut-être dans l'inconscient collectif qu'il faudra sans doute chercher les causes de ce modèle de société. Les mécanismes qui organisent les rapports masculin-féminin chez l'un des sexes comme chez l'autre, structurent ces rapports dans le sens d'une relative inféodation de la femme à l'homme. La puissance symbolique de l'homme sur la femme est conçue comme la résultante d'un travail de réparation narcissique que la femme appréhenderait obscurément. C'est une hypothèse de travail que beaucoup d'analystes arabes, comme le psychanalyste Sami Ali, ne manquent pas d'évoquer.
Cette image de la femme ne renvoie-t-elle pas quelque part à la tragédie de Sophocle «dipe Roi», sachant que le Maghreb partage avec la Grèce un même espace géographique (la Méditerranée)?
La citation à laquelle vous faites allusion, et qui ouvre mon livre est la suivante: «Tu es, à ton insu, inconsciemment lié d'un noeud infâme avec ceux que tu chéris le plus au monde et tu ne soupçonnes pas l'étendue de tes malheurs.»
Le passage de Sophocle dans le livre s'adressait à Œdipe lui-même, auquel Sophocle prédisait un destin tragique.
Ce n'est donc pas par hasard si Freud part de la tragédie d 'Œdipe, dans ses rapports à son narcissisme mais aussi au père et à la mère, pour en faire un complexe à partir duquel va s'organiser un véritable déterminisme psychique quant aux conditions ultérieures de la santé ou de la maladie mentale, et de la névrose.
Donc, j'aurai beaucoup de mal à répondre à votre question parce que cette citation de Sophocle reprise par Freud, pour en faire le noyau de sa théorie concerne, en réalité, davantage le garçon que la fille. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison qu'on a souvent reproché à Freud d'avoir davantage mis l'accent sur les problèmes masculins que sur ceux féminins. Le corps de sa théorie est, comme on sait, essentiellement orienté sur la castration phallique de l'homme.
La castration de la femme n'est-elle pas prise en compte?
Si elle existe, il faudrait la rechercher ailleurs. Je considère que le véritable lieu de la castration symbolique du corps féminin réside dans le caractère inique dans nos sociétés, des rapports sociaux à la femme, minorant injustement son statut et sa fonction sociale. La castration, bien qu'elle soit dans ce cas latente, s'est insidieusement organisée en norme de conduite. En revanche, le garçon passe par une castration réelle mais gagne une castration symbolique. C'est parce qu'il accepte de se soumettre aux «vouloirs du père» que le jeune garçon permet aux processus de transmission et de filiation de bien fonctionner. L'à-valoir de la soumission est la conquête des pouvoirs du père. D'où la répétition et la persistance de la culture phallocentrique.
Le psychanalyste que vous êtes pense-t-il, à la suite de ses expériences, que la circoncision favorise l'affirmation de la personnalité chez le jeune enfant?
C'est exactement ce que je viens de dire. Je n'en veux pour preuve que la lecture des dessins d'enfants avant et après la circoncision: on y voit, au lendemain de l'acte chirurgical, le petit pénis singulièrement grandi, virilisé. Cette métamorphose, bien que culturellement «hallucinée», est psychologiquement réelle. Le garçon a conscience que la circoncision est la condition du passage à la communauté mâle. Autant dire qu'il vit l'avant-circoncision comme une castration.


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