Seulement deux rapports annuels ont été rendus publics pendant la période antérieure au règne de Abdelaziz Bouteflika. A l'heure où les dossiers de corruption les plus lourds refont surface en Algérie, le rôle de la Cour des comptes est remis aujourd'hui plus que jamais en question. C'est sur cet aspect-là qu'a tenté, hier, de s'expliquer le président de cette institution, Abdelkader Benmarouf, lors de son intervention à la Radio nationale Chaîne 3. Ce dernier a ainsi admis à demi-mot, que la Cour des comptes n'a en effet, pas géré pleinement sa mission principale, notamment sur le fait de rendre les rapports publics à l'intention des Algériens. Mais, «Décisions politiques et autres intérêts» obligent, a-t-il justifié. Il relèvera d'un autre côté que toujours est-il la Cour des comptes fait correctement son travail comme stipulé dans ses prérogatives: «Pratiquement chaque année, des rapports en lien avec des affaires de fraude sont établis.» Il a néanmoins confirmé qu'en tout et pour tout, seulement deux rapports annuels ont été rendus publics pendant la période antérieure au règne de Abdelaziz Bouteflika. Ainsi, aucun autre rapport n'a été dévoilé depuis l'année 1999. Il faut par ailleurs, rappeler que la publication de ces deux rapports s'est faite à l'époque où Liamine Zeroual était à la tête de l'Etat. Or notons que l'article 16 inclus dans le décret de la création de la Cour des comptes stipule de façon claire que toutes les expertises ayant été faites par cette instance doivent être soumises à l'opinion publique. Le président dira effectivement qu'en ne publiant pas ces rapports annuels, «le dialogue a été rompu» entre la Cour des comptes et les citoyens. Abdelkader Benmarouf conviendra dans ce sens, que les Algériens ont bien entendu le droit de savoir comment sont gérés les deniers publics et surtout où vont-ils. Mais il dira une nouvelle fois que les interférences politiques ont quelque part engendré cette situation. Le président de la Cour des comptes tient, par ailleurs, à faire remarquer qu'on ne peut dire que cette institution ait totalement failli dans son travail. «Certes, ceci constitue un problème central, mais c'est le même problème que rencontrent les Cours des comptes de par le monde», a-t-il signalé. Abdelkader Benmarouf a en outre été interpellé sur la question du mode de fonctionnement de l'institution en question, notamment sur la désignation du président de cette institution, faite par le chef de l'Etat lui-même. Ce qui tend à entraver son autonomie, chose qu'il reconnaît avant d'ajouter; «Avec mes collaborateurs nous avons examiné de très près cette question qui nous a longtemps taraudés.» Il a expliqué que généralement le président est nommé pour un mandat et que dans certains systèmes il est élu par le Parlement. En revanche, dans d'autres cas, comme le modèle anglo-saxon, le président de la Cour des comptes est nommé pour 15, voire 17 ans à la tête de cette institution, tandis que dans les démocraties les plus avancées, il est élu à vie. Abdelkader Benmarouf développe que par conséquent le mode de désignation du président varie d'un modèle à un autre, mais que toutefois tout le monde converge vers la même idée, à savoir «la gestion autonome de la Cour des comptes». Dans le cadre de la lutte contre la corruption et fraude dans ses diverses formes, Abdelkader Benmarouf préconise que les institutions supérieures de contrôle des finances publiques doivent nécessairement contribuer au renforcement de la prévention contre ce phénomène. Et ce à travers la protection du bon emploi des deniers publics.