Voici donc le Hamas propulsé au seuil du pouvoir. Que va-t-il en faire et comment va-t-il appréhender le pouvoir qui s'offre à lui, de même que l'opportunité de mener la résistance sur un autre plan, celui de la légitimité politique? Les législatives palestiniennes du 25 janvier remportées largement par le Hamas, ont induit dans le même temps un choc et une fracture dans un espace politique palestinien marqué par le charisme de Yasser Arafat, l'inamovible leader palestinien, d'abord, son ombre portée ensuite. Mais le résultat du scrutin du 25 janvier a surtout été une sanction, sanction contre une classe politique corrompue qui n'hésite pas à étaler une opulence indécente dans des territoires palestiniens occupés où la misère semble être la fin d'une population paupérisée, d'une part, une évolution, en ce sens où le peuple palestinien qui a vécu deux Intifadhas - qui ont totalement bouleversé la donne politico-militaire dans les territoires palestiniens occupés - veut aujourd'hui du concret et le changement, d'autre part. Né avec la première Intifadha (novembre 1987), le mouvement de la résistance palestinienne Hamas, a dès lors accompagné la révolte du peuple palestinien -au cours de ces années de feu- contre la logique de l'occupation. Au fil des ans, le Hamas, outre de mener des actions de guérilla contre l'occupation israélienne, s'est peu à peu, notamment à Ghaza et dans les camps de réfugiés, substitué à une Autorité palestinienne défaillante en apportant une aide multiforme à des populations démunies au moment où les caciques du Fatah étalaient une opulence outrageante face à la misère du peuple. Tout cela a en fait joué dans les choix du peuple palestinien qui porta ainsi au pouvoir un mouvement dans lequel il voyait une porte de sortie, tant de l'immobilisme dans lequel s'est complu l'Autorité palestinienne, qu'une manière de faire bouger les choses. Comme le montrent les réactions de la communauté internationale, en fait l'Occident et Israël, après la victoire du Hamas aux législatives du 25 janvier qui en disent long sur la duplicité d'Occidentaux qui poussent des cris d'orfraie feignant d'ignorer que la paix s'est toujours négociée avec ceux qui se battent et qu'il n'y a pas de raison pour qu'Israël, qui occupe des territoires qui ne lui appartiennent pas, échappe ou se soustrait à cette logique universelle. Ceci dit, il faut aussi admettre que la victoire du Hamas est à tout le moins inconfortable pour un mouvement qui aura maintenant à montrer qu'il est aussi un parti de gouvernement capable de faire face à ses responsabilités. C'est en fait là le dilemme qui se présente au Hamas: convaincre son concurrent direct le Fatah, notamment, à participer au cabinet de l'Autorité palestinienne qu'aura à former le mouvement islamiste. Aussi, dans l'immédiat, le souci du Hamas est de constituer un gouvernement, si possible de large coalition, incluant l'ensemble des forces politiques palestiniennes qui donneront crédit et assise à un gouvernement palestinien, interlocuteur incontournable du Quartette et de l'Etat hébreu. C'est dans la perspective d'en discuter et dans le même temps d'avoir aide et soutien de l'Egypte qu'une délégation du Hamas conduite par Ismaïl Haniyeh et Moussa Abou Marzouk était au Caire depuis lundi où elle a eu des entretiens avec le général égyptien Omar Souleiman. Dans une déclaration à l'agence égyptienne Mena, M.Haniyeh, qui a rencontré en début de semaine à Ghaza, le président Abbas a indiqué que le Hamas allait faire une offre officielle au Fatah dans l'éventualité de sa participation au gouvernement. «Nous allons nous asseoir avec eux et nous leur proposerons officiellement de participer au gouvernement», a ainsi déclaré Ismaïl Haniyeh à l'issue d'une rencontre avec le chef des services de renseignement égyptiens Omar Souleiman. «Nous attendrons la réponse officielle que donnera la direction du Fatah», a ajouté M.Haniyeh. «Nous avons dit à M.Souleiman que le Hamas veut négocier avec toutes les parties politiques palestiniennes et nous avons abordé les pressions internationales et les menaces de couper l'aide au peuple palestinien», a précisé M.Haniyeh. Les deux responsables du Hamas ont aussi indiqué que M.Souleiman a souligné la volonté de l'Egypte de déployer des efforts régionaux et internationaux pour aider le peuple palestinien. Le Hamas, résume M.Abou Marzouk, travaille à la formation «d'un gouvernement d'union nationale». Toutefois, plusieurs dirigeants du Fatah ont affirmé ces derniers jours qu'il n'était pas question pour le Fatah d'entrer dans un cabinet drivé par le Hamas et montré leur hostilité à une «cohabitation» avec le mouvement islamiste, mais sans pour autant fermer les portes, la direction du Fatah ne s'étant pas encore prononcée sur ce sujet. Une décision dans un sens ou un autre est attendue dans les prochains jours indique-t-on dans les milieux proches du Fatah. De passage au Koweït, le président palestinien Mahmoud Abbas a subi les assauts des journalistes, le pressant de questions quant à la position du Fatah sur la formation d'une coalition avec le Hamas. Après avoir noté qu'une réponse au Hamas «relevait (de la direction) du Fatah» M.Abbas se borna à indiquer que «Le Hamas sera chargé de former le nouveau gouvernement et il négociera ensuite avec les groupes parlementaires» la composition du cabinet, sans s'appesantir outre mesure sur la question. Arrivé au seuil du pouvoir, le Hamas aura des choix difficiles à faire. Que va-t-il faire de sa victoire aux législatives et comment va-t-il appréhender le pouvoir qui s'offre à lui de même que l'opportunité qui s'ouvre à lui de mener la résistance sur un autre plan, celui de la légitimité politique ? Ce sont là les défis qu'aura à affronter et à dépasser le Hamas, un mouvement qui, forgé dans la lutte armée, aura maintenant à montrer la même aptitude à conduire le peuple palestinien vers la paix et à l'indépendance, être à la hauteur de la confiance mise en lui par le peuple palestinien qui lui confia les rênes du pouvoir.
