1968. Jeux olympiques de Mexico. Les athlètes américains noirs Tommie Smith et John Carlos, respectivement vainqueur et médaillé de bronze du 200 mètres, avaient affiché leur soutien à la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis 4 ans après l'abolition des lois ségrégationnistes en brandissant un bras vers le ciel, poing fermé. Une image qui reste encore, aujourd'hui, un symbole fort. L'an prochain, lors des JO de Tokyo, pourrait-on voir d'autres sportifs célébrer leur victoire ou leur médaille avec un geste politique fort, en mettant un genou à terre sur le podium par exemple en hommage à George Floyd et à la lutte contre le racisme? La réponse du Comité international olympique (CIO) a été claire: non, l'article 50 de la Charte olympique l'interdira. Cet article, qui se veut un garant de neutralité, interdit toute forme de «manifestation ou de propagande politique, religieuse ou raciale» pendant les Jeux. Thomas Bach, le président du CIO, l'a rappelé tout en laissant une porte ouverte aux athlètes de trouver d'autres moyens d'expression. Sauf qu'en l'état, cela semble impossible sans s'exposer à une sanction. Un statu quo qui engendre déjà un certain nombre de critiques, à commencer par celle de l'ancien coureur de demi-fond canadien Kevin Sullivan qui expliquait, dans les colonnes du quotidien La Presse: «Les Jeux olympiques représentent la plus grande scène sportive et elle est très puissante, ou a le potentiel d'être très puissante, à moins que vous imposiez le silence. Les organisations sportives importantes doivent encourager la liberté de parole, dire aux athlètes de s'exprimer.» Le mouvement Global Athlète, lancé en 2019, évoque, lui, «une violation flagrante des droits de l'homme» au sein d'une lettre envoyée au CIO et à l'IPC, qui concerne les paralympiques. Dans ce courrier, Global Athlète affirme que «les athlètes ont dû choisir depuis bien trop longtemps maintenant entre concourir en silence et défendre ce qui est juste. Il est temps que cela change. Chaque athlète doit pouvoir utiliser ses propres plateformes, ses gestes et sa voix. Réduire les athlètes au silence a conduit à l'oppression, aux abus et à la discrimination dans le sport». Avant de poursuivre: «Les athlètes ont rarement leur mot à dire sur les règles et le développement du sport, bien qu'ils en soient les acteurs les plus importants. Sans les athlètes, le sport n'existe pas. Il est très hypocrite de dire aux athlètes de s'en tenir à leur sport et de rester en dehors de la politique, alors que le CIO et l'IPC se servent de la politique à leur avantage. En sa qualité d'observateur aux Nations unies, le CIO se doit d'aller plus loin.»