Il s'agit d'un poids lourd du roman maghrébin. Un écrivain hors-pair et exceptionnel. Rachid Boudjedra est une sommité de la littérature en dépit de tous ses excès. Des excès qui s'expriment, comme ce n'est un secret pour personne, par des attaques virulentes visant des auteurs qui l'admirent pourtant, et qui disent tous avoir été subjugués par ses romans et inspirés par ces derniers. Qu'il s'agisse de Boualem Sansal, Yasmina Khadra, Salim Bachi, Amine Zaoui et de tant d'autres romanciers algériens, ils ont tous déclaré un jour à quel point l'oeuvre romanesque de Rachid Boudjedra et son style atypique les ont marqués et leur ont donné envie d'écrire. Même après la publication du pamphlet où Rachid Boudjedra s'en prend à certains écrivains parmi ceux qui l'admirent, ces derniers ont continué à ne pas remettre en cause la qualité littéraire de ses oeuvres en dépit du fait qu'ils aient été blessés par l'attitude de l'auteur de «La Répudiation». «La Répudiation», ah quel roman! «La Répudiation» Un roman culte de la littérature algérienne qui a permis à cette dernière de sortir des sentiers battus. Avec «La Répudiation», publié en 1969, la littérature algérienne connait un sursaut inédit aussi bien sur le plan thématique que concernant le style d'écriture. Rachid Boudjedra a rompu complètement avec ses prédécesseurs en ouvrant une nouvelle page qui inspira plus tard de nombreux écrivains algériens car Rachid Boudjedra est devenu une véritable école pour les auteurs algériens et maghrébins. C'est le grand auteur Louis-Ferdinand Céline auteur de «Voyage au bout de la nuit», qui inspira le plus Rachid Boudjedra, mais il y en a eu tant d'autres auteurs universels à l'image de Gabriel Garcia Marquez dont on retrouve l'empreinte indélébile dans «Les 1001 années de nostalgie», ainsi que William Faulkner. Malgré l'esprit très critique et très sévère qui le caractérise quand il s'agit de littérature, Rachid Boudjedra a toujours reconnu que «Nedjma» de Kateb Yacine a été et reste le meilleur roman écrit par un auteur algérien, voire maghrébin. Et quand on lui reproche ses attaques contre une bonne partie des romanciers célèbres de notre pays, n'ayant épargné même pas l'académicienne Assia Djebar, Rachid Boudjedra répond qu'il n'en parle que quand la question lui est posée. Est-il fautif lorsqu'il dit ce qu'il pense? Sans doute pas car ça reste son avis. Et ce qu'il pense n'est pas censé être la vérité quand bien même il est un géant de la littérature, peut-être même le meilleur écrivain algérien vivant. Rachid Boudjedra est d'abord et avant tout, et même après tout, un romancier. Et si on doit parler de Rachid Boudjedra, sans avoir l'air de passer sottement à côté de l'essentiel, c'est bien sur son oeuvre qu'on doit s'attarder: des chefs-d'oeuvre «L'escargot entêté», «L'insolation», «Le démantèlement», «Topographie idéale pour une agression caractérisée» et la liste est bien entendu très longue. Rachid Boudjedra est également l'écrivain-romancier algérien le plus prolifique avec l'autre géant Mohammed Dib. Rachid Boudjedra est l'auteur de plus de vingt romans d'une teneur littéraire qui fait sa gloire aujourd'hui et, à travers lui, cette oeuvre donne une image prestigieuse de la littérature algérienne. Mais au-delà de ce nombre de livres publiés, c'est le fond de cette oeuvre qui compte le plus. En plus de son écriture fébrile et maitrisée et de sa langue française impeccable, voire implacable, Rachid Boudjedra a osé montrer plusieurs facettes de la société algérienne restées tues avant lui. Rachid Boudjedra a eu l'audace d'aborder d'une manière franche, la majorité des sujets qui fâchent, voire qui font scandale. Rachid Boudjedra s'attaque avec une violence inédite dans notre littérature aussi bien aux institutions qu'aux convenances de la société. Dans la majorité de ses romans, à commencer par «La répudiation», Rachid Boudjedra décortique et dissèque des facettes de la société avec un style acerbe. S'inspirant de son expérience personnelle et familiale, Rachid Boudjedra est allé très loin dans «La répudiation», son premier roman. Des sujets qui fâchent Un premier roman qui reste à ce jour son plus grand succès, notamment compte tenu du nombre de rééditions dont il a fait l'objet, ainsi que du nombre de traductions. Pourtant, Rachid Boudjedra en a écrit tant d'autres dont la valeur littéraire n'a rien à envier au premier. Mais «La Répudiation» reste indétrônable et c'est Rachid Boudjedra en personne qui nous a donné l'information à plusieurs reprises. Lui-même ne comprend pas cette immortalité et cette réputation dont jouit «La Répudiation» en dépit de la venue d'autres romans qu'il considère comme étant meilleurs et mieux aboutis à l'instar de «Le démantèlement» ou encore «Les 1001 années de nostalgie» et «Topographie idéale pour agression caractérisée». On ne peut pas parler de la littérature algérienne sans citer Rachid Boudjedra, ça serait une aberration. On ne peut pas non plus évoquer Rachid Boudjerdra sans se référer à «La Répudiation». C'est une certitude. Et on ne peut conclure cet article sans souhaiter un joyeux anniversaire et une longue vie à Rachid Boudjedra.