Issue de la restructuration de Soitex, Denitex de Sebdou est en train de vivre les prémices d'un scandale financier qui pourrait faire beaucoup de bruit s'il venait à éclater. C'est du moins ce que présagent certaines sources de la région, quand on leur parle des mouvements suspects de marchandises ou encore d'écarts relevés dans les comptes de l'entreprise au cours de simples opérations de vérification comptable. Le responsable financier, intrigué par certaines opérations de facturation et de mouvements de tissus produits par l'entreprise, entame une analyse qui lui a permis de conclure à l'existence d'opérations frauduleuses. C'est ainsi qu'il décèle des falsifications dans les registres comptables de l'entreprise, comme par exemple inscrire au compte créances, au profit d'entreprises publiques, des opérations fictives qui n'ont jamais eu lieu. Si les documents relatifs à la vente de produits sont réglementaires, ceux mentionnant sa destination sont douteux. Pour illustrer ce charivari, nous citerons, à titre d'exemple, l'affaire des achats de Mavepros Sedrata. Cette dernière a été destinataire, le 30 septembre dernier, d'une correspondance de la direction comptabilité de Denitex, la sommant de régler la facture n° 1 182 établie le 14 décembre 1999, portant sur l'achat de 1.482 mètres linéaires de tissu jean. L'entreprise de Sedrata, dans sa réponse datée du 28 octobre, conteste la somme de 680 millions de centimes réclamée par Denitex et affirme que sa dette ne s'élève qu'à 661 millions. Le rapport de la direction comptabilité relève aussi l'existence d'autres anomalies, comme les deux factures établies pour l'entreprise Obra Bordj Bou-Arréridj. Ces documents, établis le 1er mars 1999, portent le même numéro (131), mais diffèrent sur le montant et sur la qualité du tissu vendu. Si la première facture a été établie pour la vente de 6.016 mètres linéaires de gabardine haut de gamme pour un montant de 79 millions de centimes, la seconde, en revanche, révèle que la même longueur de tissu ordinaire a été facturée à 85 millions de centimes... Une aberration qu'aurait pu déceler n'importe quel néophyte. Dans un rapport adressé le 28 novembre dernier au P-DG de l'entreprise, la direction comptabilité a attiré l'attention sur une affaire tout aussi saugrenue. Le rapport révèle qu'en date du 24 novembre de l'année dernière, elle a été destinataire d'un bon de sortie établi le 7 novembre 2000 au profit de l'entreprise Enaditex de Constantine. Remarquant qu'il comportait certaines anomalies, elle contacte la direction commercialisation pour lui demander des précisions concernant cette affaire. Mais aucun bon de chargement ou autre document n'est venu faire la lumière sur cette affaire. Et comme par magie, le 21 novembre 2001, la direction comptabilité reçoit la facture n° 1.354 portant le montant de 22 millions de centimes représentant la vente de tissu au profit de l'entreprise Enaditex Constantine. Cette facture annule la précédente (qui avait attiré l'attention de la direction comptabilité) portant le no 1.073 et établie pour la même entreprise, le 14 novembre 1999. En un mot, elle annule une facture établie deux années auparavant. D'autres opérations louches ont été relevées dans le rapport de la direction comptabilité, à l'exemple des factures de vente de tissus à des entreprises publiques alors que le produit, objet de facturation, a changé de cap pour atterrir chez d'autres clients comme une Sarl établie à Sidi Bel Abbes. Le 24 août 1999, l'entreprise vend à l'Enaditex Alger des tissus d'une valeur de 68 millions de centimes. La marchandise a été chargée sur un camion immatriculé 16. Mais le 26 décembre de la même année, le tissu aurait été restitué à Denitex Sebdou. Seulement, cette opération supposée ne ressort sur aucun registre, même pas sur celui du poste de sécurité censé inscrire tous les mouvements de véhicules entrant ou sortant de l'entreprise (!?). Enaditex Sétif, qui aurait acquis du tissu chargé le 26 décembre 1999 sur un camion immatriculé 19 comme le relève la facture n° 1201/99, a adressé plus tard une correspondance de contestation à la Denitex Sebdou l'informant qu'elle n'a jamais commandé de tissu, répondant aux normes mentionnées sur la facture, auprès de cette dernière. Onze mois plus tard, la direction comptabilité reçoit une correspondance interne, l'informant que le tissu supposé vendu à Enaditex Sétif a été, en fait, cédé à la Filatex Sidi Bel Abbes. Le nom de cette Sarl apparaît dans une autre supposée vente de tissu à l'Enaditex Sétif le 12 septembre 1999 et facturée le 18 novembre 2000 (soit une année plus tard) sous le nom de la Filatex Sidi Bel Abbes. La Denitex Sebdou, engagée dans des négociations pour un partenariat germano-italien, emploie actuellement 845 travailleurs. Cette affaire, qui risque de prendre de grandes proportions à l'avenir, pourrait connaître de rapides développements. Mais en attendant, qui pourrait expliquer tout le charivari qu'elle vit?
