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Origine juive des berbères dites-vous?
L'hypothèse a été avancée sans preuves certaines
Publié dans L'Expression le 15 - 02 - 2021

Cette thèse date du XIXe siècle et fait l'objet de relectures critiques: «Que les Berbères se soient convertis au judaïsme avant l'avènement de l'Islam au Maghreb, cela est possible», mais, insiste Jacques Taieb (2004) «c'est plus modestement une hypothèse, certes étayée sur de solides présomptions, mais sans preuves certaines». Ce sont les patronymes et prénoms qui sont convoqués, à tort et à travers, pour «dire» la filiation juive des uns et des autres, partant des arguments et preuves d'une littérature «scientifique», reprenant, en fait, deux ouvrages de référence, celui du rabbin d'Alger, Maurice Einsenbeth (Les Juifs de l'Afrique du Nord. Démographie et onomastique, 1936), mais surtout celui du rabbin de Tunis, David Cazès: Essai sur l'histoire des israélites de Tunisie, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'établissement du protectorat de la France en Tunisie (1887). Une lecture attentive laisse ressortir des conclusions qui révèlent la légèreté dans le traitement des noms cités et de leurs origines linguistiques. Alexandre Beider, spécialiste de l'onomastique juive fait une analyse critique dans Les origines (pseudo-) berbères des juifs du Maghreb (2018), d'un des concepts-phares: le «Judéo-berbère». Entre les livres des deux rabbins, en un demi-siècle exactement, tout un travail de formalisation est mené par Nahum Slouschz (1872 - 1966), contenu dans sa thèse de doctorat et son Hébræo-phéniciens et Judéo-Berbères. Introduction à l'histoire des juifs et du judaïsme en Afrique (1908). Il donne une liste de noms usités par les juifs de Libye et/ou de Tunisie qui, d'après lui, «indiquent une origine berbère certaine». Cette thèse est reprise de manière systématique par d'autres auteurs tels: Gautier, Chouraqui, Cohen... À la lecture de l'ouvrage de Cazès, il nous a été aisé de saisir les motivations qui sous-tendent toute la logique de cette thèse, le choix de cet auteur et du pays étudié (Tunisie) puis la généralisation de ses conclusions au Maghreb.
Où est la différence entre Youssef et Joseph, Naïma et Noémie?
Le grand rabbin de Tunis catégorise sa liste des noms: hébreu, arabe, copte, espagnol, italien, portugais; noms de métiers, particularités physiques, morales, etc. Son traitement est sujet à de nombreuses observations d'ordre méthodologique et sémantique. La chercheuse française Zytnicki portant un regard novateur sur l'historiographie des juifs du Maghreb et ses enjeux communautaires a raison de noter que les arguments évoqués relèvent du projet politique colonial, celui du «rôle civilisateur des premières civilisations chrétiennes, sinon latines, [qui] permettrait de minimiser le rôle civilisateur de l'islam et sa légitimité sur le sol maghrébin». C'est dire le rôle joué par Nahum Slouschz, fervent sioniste, devenu secrétaire général de l'Organisation sioniste mondiale après sa rencontre avec Théodore Herzl. Les arguments développés par les partisans de cette théorie, repris actuellement par des Algériens, relèvent de la fantaisie, malheureusement fort courante en onomastique. Pour Beider, ils «sont soit erronés, soit, pire, relèvent d'une imposture».
Latinité et judéité de l'Algérie
Les mêmes noms sont usités par aussi bien les musulmans que les juifs, cela ne doit susciter ni étonnements ni raccourcis. Déjà, dès 1882, en Algérie, des administrateurs coloniaux avaient relevé des ressemblances avec des noms européens (Tabet). Ce problème aurait pu être résolu à partir de la question sur l'origine des noms arabes et français. Mieux encore, des noms dits musulmans, dits chrétiens, dits juifs sont d'origine biblique: Adam /Adem, Jean /Yahya, Anne / Hanna, Sadok/Sadek, Elisée /Elyas, Zacharie /Zakariya, Noé / Nùh, Jonas /Younès (ben Matta), Sem / Sam ben Nouh, Aaron/Haroun, Salomon / Soleïman, Noémie / Naïma, etc. Les noms d'origine biblique étaient usités en Afrique du Nord avant l'arrivée des musulmans, lesquels ont assuré une large diffusion. Ces noms obéissent à un même système de représentation mentale, véhiculé par les trois religions abrahamiques.
Des travaux de chercheurs algériens (Crasc) ont démontré les expressions de la thèse latiniste dans le discours de légitimation coloniale par le biais des noms propres. L'objectif, si bien énoncé par Bertholon et Pellegrin, va jusqu'à rattacher des noms relevant de l'onomastique berbère à un peuplement primitif européen de l'Algérie (1898). La jonction entre la thèse latiniste et la thèse judaïste est établie en contexte colonial, surtout algérien. Ces deux paradigmes de l'anthropologie coloniale visaient l'intégration démographique des communautés «musulmane» et «juive» dans la matrice du colonisateur. Chaque communauté répliquera de manière différente et différenciée. Certains ont choisi le combat libérateur national et d'autres la domination éphémère française. Foll-Luciani, (Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale, 2015) mentionne ce qui fait une des singularités des Juifs d'Algérie ou algériens (B. Stora). Certains ont rejoint les rangs de l'ALN (Timsit, Ghenassia), les Combattants de la libération communistes (Chouraqui, Benhaïm); clandestinement le PCA (Hanoun, Zaoui) ou le FLN (Akoun, Serfati). D'autres ont déserté l'armée française avant d'être pris en charge par le FLN (Aïach, Bensaïd). D'autres ont été avocats (Bouaziz, Benamara) ou médecins (Cherki, Aïach)...
Le terme de «nationalité kabyle» apparaît pour la première fois en 1865, dans Les Kabyles du Djurdjura de Nicolas Bibesco. Il s'inscrit dans la même lignée doctrinale (latinité et judéité). Cependant, sont appelés «Kabyles» par les militaires, tous les Berbérophones localisés dans toutes «les régions montagneuses du Tell: de Dellys à Bône» (Ageron). Toute une littérature existe sur les objectifs et le mode d'administration intéressée de ces populations: «De là la nécessité de distinguer ces deux régions d'administration différente que furent la Kabylie de la province d'Alger et les Kabyles de la province de Constantine». Plus explicite, le colonel Dumas (1847) a écrit: «Autant de Kabylies, autant de pages détachées. Il y aura celle des Traras, de l'Ouarsenis, du Dahra, du petit Atlas, du Jurjura et beaucoup d'autres»). Brahim Atoui, vice-président du comité des experts de l'ONU (toponymie), pilote du monumental Atlas géographique scolaire (Onps/MEN) a pertinemment catégorisé les dérèglements identitaires relevant de l'assiette territoriale et du lignage des tribus par le biais de la dé/re/nomination (1999).
Les noms propres en - oun et en -it.
Tebboun est associé à Tebou, Tabou, Toubou, Tebount, n'Tebbou, Tabbou ouln - Aounzeg, etc. Le nom, issu des At Tebboun de Bou Semghoun est un nom attesté à travers plusieurs entités maghrébines et nord-africaines. Il n'est ni arabe ni «hébraïque», mais amazigh.
La souche sud-oranaise
La multiplicité de ses déclinaisons géolinguistiques le rattache à une souche amazighe: orientale et occidentale; orientalo-saharienne, en rapport avec la grande tribu des Toubous, localisée entre la Lybie, le Tchad, et l'est saharien algérien. L'autre souche sud-oranaise est relevée dans la période médiévale Tebbou: Tebou'açamt (Tebuhasant) et Tebouaçant «dans les écrits de Mármol et Léon l'Africain. Le croisement des données linguistiques (XIXe et XVIIIe siècle) permet d'énoncer quelques pistes: le marquage géolinguistique de Bou Semghoun. L'antériorité du peuplement des At-Tebboun avant l'arrivée des Turcs. La présence de la particule berbère filiationnelle de parenté: «at» «descendants de...». La référence aux origines avec les marques syntaxiques de l'annexion en berbère «n» (Touat n Tebbount): «Touat des Tebboun». Benghebrit: ce nom et ses 30 variantes: Ghabrit, Ghoubrit, Ben Abrit, Ghabri, Ghoubri, etc. n'a aucune relation avec la judéité; au contraire, il est l'expression même d'un système de référence musulmane à dominante mystique maghrébine. La particule filiationnelle «ben», traduction arabe de «at/ath» est attestée: Ait-Ghebri, Ath Ghobri (Ghovri), citée au Moyen Àge, mais également au XIX°. Le collectif du nom est Beni Ghobrîn, Ighobriouen, avec son illustre Cheikh Al Ghobrini. Ghabra, Ghabara veut dire «poussière», «faire disparaître», «Ilm al Ghabar»...Une des déclinaisons de Ghabrit est adossée aux Benghebrit de l'Ouest algérien. Deux souches, orientale et occidentale, s'énoncent, les remontant «aux Ghassanides de Syrie...»; puis en Andalousie, avec les armées musulmanes: Gharnat (a), Rbat/ Ghbat..., enfin à Tlemcen et ses environs au XVe siècle. Quel rapport sémantique établir entre Ghobrit, Ghobar et Ghobrien...et la mystique musulmane? Sur ce point et, à l'évidence, sur tous les autres, on les développera en détail dans d'autres circonstances.
Pour ne pas conclure: l'algérianité
La présente contribution tente d'apaiser des familles et des tribus «insultées» dans leur identité, livrées à des tsunamis médiatiques inacceptables. Cette incrimination, à l'échelle de l'individu comme de la société, pas si innocente qu'on ne le pense, veut installer et entretenir un seuil minimal d'adversité culturelle et ethnonymique factice, toute indiquée pour une re / fragmentation de l'unité de la Nation, son intégrité territoriale et sa cohésion sociale. L'importance stratégique des sciences humaines et sociales, surtout dans leurs dimensions appliquées, n'est plus à démontrer dans le décryptage des enjeux de développement économiques, identitaires et territoriaux, à l'échelle régionale et planétaire: intelligence politique, économique, technologique, mais surtout intelligence territoriale, dans des perspectives géodécisionnelles, c'est-à-dire être capables de poser l'Algérie, produit et processus comme permanence historique, la penser comme totalité spatiale pour la restituer comme concept fédérateur, dans la pleine diversité de ses parcours socioculturels. Nous nommons l'algérianité.


Professeur des universités, directeur de recherche associé Rasyd/Crasc, expert en toponymie (ONU).L'insulte par les noms propre (ou onomastique)
Farid Benramdane


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