Deux semaines après sa condamnation à trois ans de prison dont deux avec sursis dans l'affaire des «écoutes», l'ancien président français Nicolas Sarkozy va comparaître demain devant le tribunal, à Paris, pour une autre charge relative aux dépenses qualifiées d' «excessives» lors de la campagne présidentielle de 2012. Cette nouvelle affaire, connue sous le qualificatif Bygmalion, va mettre à rude épreuve les nerfs d'un homme que beaucoup, à droite, considèrent comme un candidat potentiel en 2022 face à Emmanuel Macron et à la chef de file de l'extrême droite Marine Le Pen, entre autres prétendants. Sarkozy est le premier ancien chef d'Etat à écoper d'une condamnation à la prison ferme pour «corruption et trafic d'influence» et pour ce qui est des poursuites dans l'affaire Bygmalion il risque à nouveau un verdict d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende pour «financement illégal de campagne électorale.» Il aurait, selon l'accusation, laissé volontairement ses comptes de campagne dépasser largement le plafond légal malgré les mises en garde des commissaires aux comptes mobilisés par son staff de campagne. L'homme qui s'est retiré de la vie politique en 2016 mais conserve un pied ferme dans la mouvance politique de droite compte sans aucun doute mettre à profit sa popularité au sein d'un électorat qui cherche désespérément une figure crédible et convaincante pour porter la flamme du parti conservateur Les républicains au scrutin présidentiel de l'année prochaine. C'est à l'ancien directeur adjoint de sa campagne de 2012 que Sarkozy doit son nouveau procès puisque Jérome Lavrilleux avait révélé, en 2014, un système de double comptabilité et de fausses factures pour masquer les dépassements de plafond du compte du candidat «Sarko». Mais, en raison de l'hospitalisation actuelle de l'avocat de Lavrilleux, il ne serait pas surprenant que le procès, prévu jusqu'au 15 avril, ne soit renvoyé à une date ultérieure. C'est ce que le tribunal doit examiner demain, à l'ouverture de l'audience, Jérome Lavrilleux ayant déposé une demande en ce sens, et sa démarche étant appuyée par l'ensemble des avocats mobilisés autour des deux mis en cause. De bonne source, on pense que le parquet n'omettra aucune objection au renvoi. Pourtant, renvoi ou pas, le retour à la barre de Nicolas Sarkozy va certainement déclencher une nouvelle guerre de tranchées au sein des Républicains, divisés en deux clans, celui de Sarkozy et celui de Jean-François Copé, ex-patron de l'Union pour un mouvement populaire (UMP, droite), les deux s'accusant mutuellement d'être seul responsable de la fraude. Il y aura 14 autres mis en cause, d'anciens dirigeants de l'UMP, baptisée Les républicains et partie civile au procès, des responsables de la campagne de 2012 et de Bygmalion, la société qui a dirigé l'évènementiel et tous les meetings de Sarkozy, sous l'étiquette de sa filiale Event & Cie. Tout ce beau monde doit répondre des chefs d'accusation de faux et usage de faux, abus de confiance, escroquerie, financement illégal de campagne électorale et complicité ou recel de ces divers délits. Excusez du peu, mais pour le parquet, il y a là de quoi considérer, sans exagération aucune, que l'ancien président « a incontestablement bénéficié» du mode de couverture des dépassements du plafond autorisé par la loi électorale, et cela en connaissance de cause, malgré ses multiples dénis. Reste à prouver qu'il en était la tête pensante ou qu'il y a activement contribué, ses avocats n'hésitant pas à dire qu'il n'en était pas même «informé». Sauf qu'il a ignoré deux avertissements alarmants des experts-comptables, au cours de sa campagne, en mars et avril 2012, alors qu'elle avait atteint le chiffre de 42,8 millions d'euros, bien au-delà de la limite fixée par la loi. Droit dans ses bottes, Sarkozy qui a fait appel de sa condamnation dans l'affaire des écoutes et averti qu'il compte saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) si nécessaire martèle un discours constant: «J'ai ressenti l'injustice profonde, choquante, des procédures lancées contre moi depuis dix ans», déplore l'ancien chef d'Etat, poursuivi dans de nombreux dossiers, avec un non-lieu pour certains. Du coup, la droite a haussé le ton en dénonçant un «acharnement judiciaire» et en pointant un doigt accusateur vers le Parquet national financier, lui reprochant de conduire un «procès politique». De quoi faire sursauter, dans sa tombe, Jean de La Fontaine.