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L'artiste, ce migrant
Portrait d'André Moumen Achour
Publié dans L'Expression le 09 - 05 - 2021

Quand j'ai rencontré André (Moumen) Achour, il y a quelques années (2014), c'était une boule de timidité enfouie dans une tête à l'hérisson. J'ai tout de suite détecté, dans son regard, l'expression de l'intelligence en hibernation, à l'affût d'une faille pour éclore au grand jour. L'image de l'albatros de Baudelaire colle toujours aux artistes, loin de leur élément. Il m'a fallu l'acculer un peu, au coin de l'âtre poétique, pour l'entendre rire d'un éclat enfantin qui me rassura sur sa vivacité cachée. Sa prise de parole est une avalanche de pierres dans un oued en crue.
Moumen (André) évoque son enfance dans une profusion d'images fraîches et désordonnées comme le troupeau de chèvres en liberté sur les flancs des collines des Ait Sahel, dans sa lointaine Kabylie maritime en Algérie. Les caprins vont dans tous les sens, mais finissent, toujours, par se regrouper, au moindre sifflement ou soupçon d'alerte au chacal.Ici, dans cet exil volontaire, dans son pays d'adoption, la France, loin de la source originelle, l'alerte vient du regard des autres, qui ne voient que son air effarouché. Incompréhension et tendance à la répression d'un environnement hostile à l'oisiveté apparente de l'artiste, égaré dans un quotidien qui n'est pas le sien.
André Achour dit Moumen est un Franco-Algérien né dans les années soixante-dix en Algérie dans sa Kabylie maritime. Après l'école des beaux-arts d'Alger, et poussé au départ par les années de terrorisme, il se fixa définitivement à Paris. Une enfance hachurée qui se traduit dans un discours discontinu. L'oppression des sociétés patriarcales laisse des traces en chacun de nous. Moumen n'y a pas échappé. La création artistique tire sa substance de ce magna de sensations contradictoires. Briser les peurs et tisser d'autres rapports avec le monde. Tirer son rayon lumineux de ce chaos ombrageux.
Tant qu'on n'a pas vu l'artiste à l'oeuvre, on ne peut deviner l'enfant espiègle qui se cache en lui. Survivant du chaos, il porte le rai de lumière qui a accès à notre subconscient et nous fait accéder, à notre tour, à l'éden perdu. J'eus l'idée de lui proposer de faire une démonstration publique de son savoir-faire dans le domaine du modelage et d'exposer toutes ses oeuvres entassées dans ce débarras.
Comme chaque fois...
Il s'était réveillé d'un long sommeil et maintenant voulait rattraper le temps perdu.
Y a-t-il vraiment un temps perdu? Personnellement je ne pense pas. Ce n'est que le temps nécessaire à une maturation. Maturation de l'être ou de l'oeuvre? L'élément déclencheur vient au hasard de notre vie. Finalement, nous errons peut-être à la recherche de ses éléments. Peut-on parler alors, de hasard? Nous ne sommes qu'une somme de particules à la recherche d'autres particules agissantes. Ainsi va l'être dans le cosmos qu'il habite à la recherche du cosmos qui l'habite. Un monde rêvé. Rassembler les particules autour d'une sensation de l'être en construction. Une cascade de métaphores. Mais que recherche le sculpteur en malaxant l'argile de ses doigts rompus? L'image perdue? La forme rêvée? Le chemin de l'enfance?
Ce petit enfant qui vit toujours en moi, remonte à la surface. Me fait face. Et me prend par la main pour me conduire au-delà des apparences lisses et imperméables. Le monde est foireux me dit-il, tu peux t'échapper de partout, à tout moment.
J'écris avec ses couleurs, cette musique d'ailleurs qui me fait valser, me donne le vertige jusqu'à perdre l'idée qu'on se fait pour faire place à l'idée qui se fait. Je sculpte avec son regard un rêve antérieur, coincé à l'intérieur. Et avec ses petits doigts, agiles et fougueux, je plonge au fond de cette terre abandonnée pour l'irriguer de mon amour et lui redonner vie. Et, quand mes doigts pensifs pénètrent, en profondeur, la boue enfantine que je malaxe et pétrit, je configure et j'efface, je modèle et donne forme aux traits cachés qui retrouvent la lumière du jour.
Alors, rayonne l'âme généreuse de mon invité que les jours avaient froissée. Puis, avec un petit geste de la main, l'enfant souriant s'éloigne; c'est sa manière de me donner rendez-vous pour la prochaine expédition. Parce que chaque oeuvre est une expédition...
Migrance
Cette fin d'année 2017 et début 2018 m'ont surpris avec leurs neiges à Paris. J'ai rendez-vous avec mon ami, l'artiste plasticien André Moumen Achour. Il m'avait annoncé avec grande pompe qu'il vient de récupérer les clés de l'atelier de son ami Diop Diadji. Un grand artiste originaire du Sénégal, parti dans son pays d'origine, pour une biennale. Moumen voulait en profiter pour lancer le projet artistique qu'il porte en lui depuis des mois.
Pour la première fois de ma vie, je mettais les pieds dans un atelier de sculpteur. Le feu allumé, Moumen se frotte les mains, le regard brillant posé sur un grand cube de polyester blanc. Il s'avance vers lui, le tapote tourne autour... Je lui demande: C'est quoi?
C'est du polyester que je vais tailler pour gagner du temps et économiser l'argile.Comment? Tu vas voir. Je vais le dégrossir, jusqu'à avoir un ballon et je vais le finir avec l'argile. Mais c'est quoi la forme finale? Je ne l'ai pas dit? C'est le globe terrestre! L'être humain ne sait pas où il va tomber, naître, mais peu importe, les événements le mèneront à travers le globe...
Dans ma tête, l'arche prend forme... Un seul mot recouvre la future oeuvre en réalisation devant mes yeux: MIGRANCE. L'abus de confiance.
Aujourd'hui, en pleine troisième vague de la pandémie de Covid-19, Moumen me parle d'une autre arnaque, cette fois parisienne. Je ne voulais pas me détourner de mon propos artistique, mais son désarroi devant ce monde sans pitié des arnaqueurs, ne me laisse pas indifférent.
Pendant le chantier de la «migrance», André m'avait effectivement parlé d'un sponsor qui s'était engagé à lui réaliser le coulage en bronze de trois oeuvres en cours. Il devait en réaliser deux copies originales de chaque oeuvre: l'une pour le collectionneur, l'autre pour les besoins de l'artiste qui doit aussi récupérer ses moules et bien sûr, recevoir une contrepartie financière. J'étais content pour lui et l'encourageais à la prospection d'autres débouchés. Je lui avais proposé le musée de l'émigration avec qui j'ai discuté l'éventualité de contribuer à leur revue à travers des textes et des photos des oeuvres d'André Achour. Ça motivait un peu plus ma fréquentation quotidienne de l'atelier. Je prenais des vidéos, avec mon téléphone, où j'essayais de faire parler l'artiste pendant qu'il travaillait.La pandémie nous a tous cloués dans nos périmètres privés. Depuis mars 2020, à la veille de rejoindre Paris, la fermeture des frontières me retint, depuis, en Algérie. Donc c'est de là, que j'ai appris la mésaventure de l'artiste plasticien André Moumen Achour qui me la raconta, alors qu'il sortait de sa convalescence due à la Covid-19.
L'artiste confie son désarroi
Parler de mon sponsor qui s'est avéré être un escroc me fait mal, parce que l'artiste n'aime que le beau dans l'humain. Il m'a été présenté lors d'une exposition collective à Choisy-le-Roi. On s'est échangé les coordonnées. Par la suite, on se rendait visite réciproquement. Il appréciait les oeuvres que j'avais réalisées et qui étaient entreposées chez moi. Il a surtout flashé sur deux discoboles grecs que j'avais réalisés à l'Ecole supérieure des beaux-arts de Paris. C'est un collectionneur d'art amateur. À sa demande, je lui ai cédé ces deux merveilles pour un prix symbolique. Il m'a promis de me réaliser un atelier, mais rien à ce jour. On était devenu de bons amis. Il me promit de sponsoriser mes futures oeuvres. Je le crus. Je l'en remerciais, naïvement, me voyant libéré des contraintes financières. Il insistait que dorénavant, il serait à ma disposition! Pour un artiste, le sponsor est très important. J'étais confiant.Plus tard, il a même essayé de me déposséder de ma propriété composée de ma maison et de son jardin. Il me disait qu'il allait tout raser et construire un bâtiment où j'aurais mon logement et un atelier. En attendant il me déménagera dans son atelier... Heureusement que je ne l'écoutais pas. Pendant tout ce temps j'attendais le coulage en bronze de mes oeuvres, comme il s'était engagé à le faire. Chaque fois il me faisait patienter, pendant plus de 2 ans et demi, maintenant! Voyant que cela s'éternisait, j'ai demandé à récupérer mes moules! À chaque fois que je lui en parle, il détourne la discussion et trouve des excuses pour ne pas les restituer.
À chaque fois je l'appelle il me dit toujours, au moins je vais t'en faire couler une en bronze, d'autres fois, il ne me répond même pas au téléphone, même si je lui laisse un message. Il sait bien que je vais lui parler de mes moules. À chaque fois que je l'ai eu, il trouve une excuse pour dire n'importe quoi, mais jamais la vérité. Il cherchait à m'embrouiller. Un jour il m'appelle, c'était au mois de mai 2020, il me dit je suis en Belgique, je lui dis je suis en train de couler un moule en poudre de marbre et du ciment blanc, je fais une expérience!
Il me dit: mais tu es toujours au travail! Comme s'il me croyait découragé. Je lui répondis: oui, justement je fais cette expérience pour récupérer mes moules et pour les couler avec la même technique. Sa réponse par un «ah! Oui!» a trahi ses attentes. J'insistais pour lui faire comprendre que je tenais à mes oeuvres et mes moules.
Alors, il lâcha: tes moules, ils sont partis dans la déchetterie. Depuis, j'ai tout essayé pour lui faire entendre raison. Il est allé jusqu'à me menacer de porter plainte contre moi pour diffamation et de me réclamer 50.000 euros de dédommagement! C'est en juillet 2020 que j'ai décidé de porter plainte pour abus de confiance, après avoir pris conseil. Et depuis l'affaire tourne en rond. L'idée de mes oeuvres? C'est un fait. Elle a toujours été là, comme si on naissait avec. Puis, notre histoire confirme les traits, les contours, les ombres qu'on trimbale dans sa tête, longtemps... De temps en temps, quand la circonstance est favorable, une esquisse tombe et se met à vivre devant nous. Le flux migratoire, une constance de la grande Histoire de l'humanité. Partir pour un monde meilleur. L'exil, c'est prendre ses distances par rapport à sa vie pour y voir clair. Les gens quittent leur pays dans l'espoir d'un meilleur monde, parce que celui qu'ils connaissent ne leur a pas permis de s'épanouir. Devant le vide et l'amertume des jours, partir sans réfléchir...Les esquisses sont dans ma tête, depuis ma naissance, il me semble qu'on naît avec sa thématique.
Un matin de froid, la barque se brisa en tombant de son perchoir. Moumen prit cela comme un mauvais présage. Il essaya par tous les artifices de la ressouder et de faire disparaître la cicatrice de la fracture. À un moment, je lui fis remarquer que la barque porte sa propre histoire qu'il ne peut effacer. Il acquiesça et intégra l'incident dans son oeuvre. Puis la barque se peupla et les continents émergèrent des océans et les migrations forcées puis volontaires d'hommes, de femmes et d'enfants, emportant avec eux leur culture ancestrale et leur chant mémoriel; mais aussi, dans l'autre sens, les armes meurtrières et les civilisations bétonnières prirent les voiles...
Question d'actualité
La question de la survie de l'artiste et de l'évolution de l'art dans sa splendeur revient quotidiennement au centre des débats sans pour cela trancher la question. On en demande trop à l'artiste englué dans ses visions. Il devrait y avoir des structures d'assistance juridiques et des centres d'accompagnement d'artistes porteurs de projets maturés. Puisse la justice rendre ses oeuvres à André Achour qu'il puisse les exposer à tous les publics au lieu d'enrichir le parc d'un particulier véreux.


Poète, dramaturge et écrivain.
Mhamed HASSANI


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