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Que reste-t-il des droits de l'homme?
LE GOULAG DE GUANTANAMO
Publié dans L'Expression le 15 - 06 - 2006


«Les Hommes naissent libres et égaux en droit».
Déclaration des Droits de l'Homme. Nations unies. Paris ; 1947.
Deux Saoudiens et un Yéménite se sont pendus dans leurs cellules au moyen de vêtements et de draps, fait sans précédent depuis la création du centre de détention de Guantanamo ouvert en janvier 2002 pour les «combattants ennemis» de «la guerre contre le terrorisme dans le monde», où ils sont détenus sans procès. Avant le décès des trois prisonniers, le «camp Delta» avait déjà connu des dizaines de tentatives de suicide et de nombreuses grèves de la faim.
Les trois suicides de samedi 10 juin ont relancé la polémique sur la prison de Guantanamo. Quatre ans après sa création, près de 500 personnes y sont détenues sans être jugées. Quatre ans pour savoir qui est dangereux et coupable de quoi que ce soit, c'est long, très long. Or, à ce jour, aucun prisonnier n'a encore été jugé, et seulement dix personnes ont été inculpées. Une chose est sûre: tous ne sont pas les «tueurs parmi les plus entraînés et les plus féroces de la planète», décrits par Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, lors de l'ouverture du camp. Ce sont surtout les réactions de certains responsables américains qui ont choqué les Européens. «Je ne crois pas qu'il s'agissait d'un acte de désespoir mais d'un acte (...) de guerre contre nous», a, par exemple, déclaré le contre-amiral Harry Harris, commandant de la base de Guantanamo Bay. Collen Graffy, du secrétariat d'Etat américain, a, de son côté, affirmé à la BBC que ces suicides constituaient un moyen efficace pour «attirer l'attention». Pour Asselborn, «il est difficile de comprendre pourquoi, quand trois personnes se suicident, c'est une attaque contre l'Amérique. Quelque chose doit changer dans la mentalité américaine».
Par représailles au 11 septembre 2001, où, pour la première fois, le territoire des Etats-Unis n'était plus un sanctuaire, entre 2001-2004, l'armée américaine procède à l'arrestation de plus de 50.000 personnes au cours des opérations militaires en Afghanistan et en Irak. En Afghanistan, les Etats-Unis gèrent quelque 25 centres de détention et 17 autres en Irak. Plus de 750 personnes ont été détenues à Guantánamo ; le Pentagone affirme que 202 de ces prisonniers ont été libérés ou transférés, il en restait donc «environ 549» le 22 septembre 2004. Ouvert en janvier 2002, le «camp Delta» a été construit pour détenir les «combattants ennemis» faits prisonniers sur les champs de bataille de la «guerre contre le terrorisme», principalement en Afghanistan. En raison du caractère limité, et souvent classé secret défense, des éléments à charge, les «combattants ennemis» devaient comparaître devant des tribunaux militaires d'exception, les droits de la défense étant sérieusement réduits.(1)
Pour rappel, les autorités états-uniennes avaient installé dans les années 70 deux écoles de torture où ils formaient les cadres répressifs des dictatures alliées. La première, dénommée School of Americas, était située sur la base US de Panama. Constantin Costa-Gavras la dénonça dans son célèbre film Etat de siège. La seconde, connue sous le nom de Political Warfare Cadres Academy, était installée à Taïwan. Au début du XXIe siècle, les mêmes autorités états-uniennes ont reconstitué ce dispositif en créant deux écoles identiques, la première à Bagram en Afghanistan, et la seconde à Guantanamo....Dès lors, on ne comprend pas pourquoi il faudrait en fermer une et pas l'autre. Toutefois, chacun, à l'Otan s'efforce de penser que l'administration Bush a «démocratisé» l'Afghanistan et qu'il est légitime d'y déployer des troupes pour soutenir le régime d'Hamid Karzaï malgré un soulèvement populaire général et permanent. Le problème de fond n'est évidemment pas celui de tel ou tel centre de détention, mais est celui des droits humains. Sur ce plan, l'administration Bush a créé tout un appareil juridique lui permettant de s'exonérer aussi bien du droit états-unien que du droit international».(2).
«Il n'a pas suffi, commente le rédacteur de l'éditorial du journal Le Monde, de dire que le camp de Guantanamo, ouvert en janvier 2002 et qui abrite encore 460 prisonniers sans jugement, était un non-sens juridique ; il n'a pas suffi de dire qu'il constituait une violation flagrante du droit international et des droits de l'homme ; il n'a pas suffi d'écrire qu'il était indigne d'un pays universellement admiré pour avoir érigé en système constitutionnel le respect de la règle de droit ; il n'a pas suffi de s'étonner que l'administration Bush manifeste, par son obstination, un tel mépris pour sa propre Cour suprême, qui lui a demandé, en juin 2004, d'autoriser les détenus de Guantanamo à se défendre devant la justice civile américaine, et pour son opinion publique où, après une indifférence initiale, un nombre croissant de voix dénoncent les conditions de la prison de Guantanamo. Il n'a pas suffi, non plus, de rappeler les erreurs de l'Histoire en la matière, depuis l'internement des Japonais américains pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'au vain entêtement de Margaret Thatcher face aux grévistes de la faim de l'IRA en 1981.(3).
Les réactions internationales
Les réactions internationales à la dérive du droit à Guantanamo sont à classer en trois catégories les organisations non-gouvernematales, l'ONU et l'Europe, les organisations humanitaires telles que Amnesty International, Human Right Watch et la Croix-Rouge internationale qui ont, dès le départ, dénoncé les manquements graves aux droits de l'homme.
Examinons la position, sans équivoque, de la communauté internationale: Plusieurs centaines de personnes originaires d'environ 35 pays se trouvent toujours dans un vide juridique et restent maintenues en détention sur la base navale américaine de Guantánamo Bay, à Cuba. Beaucoup n'ont été traduites devant aucune instance judiciaire et ne peuvent ni consulter un avocat ni recevoir la visite de leurs proches. Privées des droits qui sont les leurs en vertu du droit international et détenues dans des conditions qui pourraient s'apparenter à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant, ces personnes se trouvent dans une profonde détresse. Parmi les exactions dénoncées par les agents du FBI, on note l'usage cruel et prolongé de chaînes ou d'entraves, la diffusion de musique à un volume sonore maximum et l'utilisation de lumières stroboscopiques. De nombreuses tentatives de suicide ont été signalées. Les autorités américaines doivent juger tous les détenus, en respectant pleinement les normes internationales, ou les libérer immédiatement et sans condition. Les prisonniers de Guantánamo entrent dans leur quatrième année de détention tandis que les allégations de torture se multiplient. La communauté internationale doit redoubler d'efforts pour convaincre les Etats-Unis de mettre fin au scandale en matière de droits humains que constitue le camp de prisonniers de Guantánamo Bay....«Au cours des trois dernières années, Guantánamo est devenu symbole de vide juridique, a déclaré Amnesty International. En plus de mille jours de détention sans jugement, l'endroit est devenu emblématique des efforts du gouvernement pour se placer au-dessus des lois. L'exemple ainsi donné constitue un danger pour nous tous.»(4)
Dans le rapport fait, 4 ans après l'entrée en service de Gantanamo, les Nations unies pointent sévèrement du doigt les dérives du droit international. Ce rapport rappelle aux Etats-Unis qu'ils ont signé toutes les conventions concernant les droits de l'homme The United States is party to several human rights treaties relevant to the situation of persons held at Guantanamo Bay, most importantly the International Covenant on Civil and Political Rights (ICCPR), the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (Convention against Torture) and the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (ICERD).
Le rapport rappelle aussi aux Etats-Unis leurs obligations, c'est-à-dire la reconnaissance de droits sans aucune distinction: In accordance with article 2 of Iccpr, each State Party...undertakes to respect and to ensure to all individuals within its territory and subject to its jurisdiction the rights recognized in the [Iccpr] without distinction of any kind, such as race, colour, sex, language, religion, political or other opinion, national or social origin, property, birth or other statut. Reports indicate that the treatment of detainees since their arrests, and the conditions of their confinement, have had profound effects on the mental health of many of them. The treatment and conditions include the capture and transfer of detainees to an undisclosed overseas location, sensory deprivation and other abusive treatment during transfer; detention in cages without proper sanitation and exposure to extreme temperatures ; minimal exercise and hygiene ; systematic use of coercive interrogation techniques; long periods of solitary confinement; cultural and religious harassment; denial of or severely delayed communication with family ; These conditions have led in some instances to serious mental illness, over 350 acts of self-harm in 2003 alone, individual and mass suicide attempts and widespread, prolonged hunger strikes.(5).
Tout est dit, le rapport indique clairement que les conditions inhumaines de détention ont une incidence directe sur la santé mentale des détenus et peut les amener à des actes extrêmes comme le suicide. On comprend, en lisant ce rapport, la détresse de ces prisonniers sans droits sans la possibilité de savoir ce que l'on reproche, qu'on humilie, qu'on avilit avec des traitements que la morale et la religion réprouvent, qu'on traite pire que des animaux. Il est normal que certains deviennent des malades mentaux. On parle d'Algériens bosniaques qui seraient toujours détenus sans preuve.
Trou noir d'un point de vue juridique, Guantanamo l'est également d'un point de vue humanitaire tant le gouvernement américain n'est pas disposé à faire savoir ce qui se passe à Guantanamo. Le Comité international de la Croix- Rouge (Cicr) est la seule organisation non gouvernementale à être autorisée à se rendre dans le camp, mais il se refuse statutairement à rendre publiques ses observations.
Dès lors, c'est au témoignage des prisonniers libérés qu'il faut s'en remettre, alors que l'armée américaine assure que le traitement réservé aux prisonniers est «humain». «Au moins 60 détenus ont fait des allégations crédibles de graves abus à Guantanamo», relève l'ONG Human Rights Watch, qui évoque de nombreux cas de privation de sommeil, d'isolation, d'humiliation sexuelle.. (1).
Le deuxième type de réaction est celui de l'Europe qui ne veut surtout pas se faire gronder, voire réprimander par les Etats-Unis, elle proteste et demande la fermeture du centre. Ainsi, l'Europe s'indigne des réactions de responsables américains aux suicides, à Guantanamo, de deux Saoudiens et un Yéménite, Le suicide de trois détenus dans le camp de Guantanamo et les commentaires de certains responsables américains ont suscité le 12 juin les critiques des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne.(6).
Du côté du Monde arabe c'est, une fois de plus, le silence radio, on ne veut surtout pas mettre en colère George Bush, même la rue arabe paraît résignée et s'enfonce dans l'indifférence, voire le désespoir. En 15 jours, trois évènements ont touché le monde arabe et musulman, la mort de Zerqaoui, le bombardement de civils sur une plage palestinienne, le scandale ou la bavure de Haditha en Irak et enfin le suicide des trois détenus de Guantanamo: Aucune réaction. C'est dire si le mal est profond.
La partie émergée de l'iceberg
En conclusion on peut affirmer avec Meyssan, que «cette geôle tenue à l'écart, sur l'île de Cuba, est devenue la partie émergée de l'iceberg. Visible mais secrète, elle est aujourd'hui le symbole d'un état d'esprit qui se joue du droit international, voire du droit américain. Symptôme d'une lutte à outrance dont les effets se sont aussi manifestés dans la prison d'Abou Ghraïb, en Irak, elle devient au moins aussi déstabilisante que celle-ci pour l'administration Bush. Si le président des Etats-Unis a affirmé, vendredi 9 juin, qu'il voudrait que Guantanamo soit ´´vide´´, c'est sans doute parce que cette base-prison ne remplit plus le critère de discrétion qui lui avait valu d'être retenue». «Quant aux Etats européens écrit J.C.Ploquin, partie prenante de la lutte contre le terrorisme, ils ne sauraient se désintéresser d'une bombe à retardement qui contribue à alimenter les rancoeurs contre l'Occident dans le monde musulman. Plusieurs ont fait preuve d'une coupable faiblesse en autorisant le transit d'avions de la CIA transportant des détenus. Le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture, le juriste autrichien Manfred Nowak, presse l'Union européenne de demander à George W.Bush la fermeture de la base lors du sommet UE-Etats-Unis le 21 juin».(7).
Lorsque l'amiral Harris évoque un acte de guerre dirigé contre l'Amérique, il oublie, note l'éditorialiste du Monde, «que l'aveuglement américain sur le traitement des détenus soupçonnés d'appartenir à Al-Qaïda, à Guantanamo ou dans les prisons secrètes de la CIA, expose l'ensemble des démocraties occidentales à la propagande et à la radicalisation islamistes. C'est dans nos banlieues et au sein de nos communautés musulmanes, en Europe, que les recruteurs d'Al-Qaîda et autres prosélytes intégristes viennent se fournir, avec des arguments gracieusement offerts par les chefs militaires du Pentagone et l'Attorney Général Alberto Gonzales».(3).
Nous remarquons que les deux dernières réactions nous informent en «creux» que l'Islam rampant est en Europe et qu'il ne faut pas l'alimenter en «bavures». De plus on comprend que les banlieues, sous-entendu: les «Beurs» sont potentiellement mobilisables par El Quaîda. C'est dire, là aussi, si les «certitudes» de l'Occident sont sans appel, et si le mal et l'incompréhension sont profonds. Les Etats-Unis ont, malgré tout, un magister moral sur le reste du monde. Leur rapport au monde arabe et à l'Islam est parasité par des appréhensions, incompréhensions fondamentales entretenues à dessein. Il est à espérer que les Etats-Unis se ressaisissent et redeviennent la patrie du rêve américain.
1. Gilles Biassette: Guantanamo embarrasse George Bush.Journal La Croix 12/06/2006
2. Thierry Meyssan «Guantanamo n'est pas le problème» Réseau Voltaire 13 juin 2006
3. Editorial: Fermer Guantanamo. Le Monde du 12/06/2006
4. Amnesty International: AMR 51/03/2005 Efai: Vendredi 7 janvier 2005
5. Rapport des Nations Unis sur Guantanamo Bay; février 2006
6. Eric Lecluyse: Guantanamo, Suicides ou «actes de guerre»? Reuters. lundi 12 juin 2006.
7. Jean-Christophe Ploquin: «Un symbole de trop» Journal La Croix 12/06/2006


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