Les députés de la nouvelle Assemblée du Liban ont réélu, hier, le président sortant du Parlement, Nabih Berri, allié du puissant mouvement chiite Hezbollah, pour un septième mandat consécutif, confirmant son statut de figure politique traditionnelle inamovible. Berri, 84 ans et en poste depuis 30 ans, a été reconduit pour quatre ans, bien que le Hezbollah et ses alliés aient perdu la majorité au Parlement lors de législatives marquées par une percée des candidats indépendants. Il a cependant obtenu 65 voix (sur 128), contre 98 voix, lors des dernières élections en 2018. Il y a eu 23 bulletins blancs et 40 votes nuls. Des députés ont exprimé leur objection à sa réélection en écrivant des slogans sur les bulletins de vote. «Justice pour les victimes de l'explosion de Beyrouth», ont inscrit certains députés, faisant référence à l'explosion au port de la capitale en 2020 qui a fait plus de 200 morts. Plusieurs autres bulletins de vote comportaient le nom de «Lokman Slim», militant et intellectuel critique du Hezbollah, retrouvé assassiné dans sa voiture en février 2021. Incontesté sur la scène politique, Nabih Berri a remporté le scrutin alors que le Liban est frappé par la pire crise socio-économique de son histoire. Celle-ci est imputée par une grande partie de la population, des organisations internationales et des pays étrangers à la corruption et l'inertie de la classe dirigeante, inchangée depuis des décennies et dont Berri fait partie. Berri présidera un Parlement très fragmenté, laissant craindre de nouvelles impasses comme celles qui ont paralysé la vie politique libanaise pendant des décennies. La nouvelle Assemblée élue mi-mai aura pour tâche de faire adopter des réformes attendues depuis longtemps pour endiguer la crise financière qui a plongé la plupart des Libanais dans la pauvreté. Après sa victoire, Nabih Berri a déclaré vouloir faire fi des «insultes» de ses opposants, assurant qu'il tendrait la main à tous les députés afin qu'ensemble, ils puissent faciliter la désignation d'un Premier ministre et l'élection d'un nouveau président. «Les Libanais et le reste du monde vous considèrent comme une lueur d'espoir, peut-être la seule», a déclaré Berri aux législateurs. En poste depuis 30 ans, ce politicien habile s'est imposé comme une figure incontournable de la vie politique libanaise, en dépit des changements majeurs depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le pays est régi par un système complexe de partage des pouvoirs entre les différentes communautés religieuses: le président est nécessairement chrétien, le Premier ministre musulman sunnite et le président du Parlement musulman chiite. Malgré la percée de candidats indépendants issus de la contestation populaire de 2019, la réélection de M. Berri était attendue, car il était seul en lice. Les sièges chiites du Parlement libanais ont été tous remportés par son mouvement Amal et son allié, le Hezbollah. Avant la séance parlementaire qui devait se tenir hier, des candidats indépendants issus du soulèvement populaire de 2019 ont rejoint les proches des victimes de l'explosion du port de Beyrouth dans une marche symbolique du port vers le Parlement. Ils ont scandé «révolution» en passant devant la place des Martyrs, largement considérée comme le coeur battant de la contestation. «Cette place sera notre référence», a déclaré le député indépendant Firas Hamdan, qui a fait son entrée au Parlement.