L'Expression: Après avoir publié un premier roman qui n'est pas du tout passé inaperçu, vous revenez avec un second livre dans le même genre, pouvez-vous nous dire comment est né ce dernier? Lamia Khalfallah: L'écriture reste toujours pour moi l'incarnation d'une âme, une âme qui est nostalgique à une époque qu'elle a vécue par l'émotion, une âme absorbée par l'histoire qui demeure une source d'inspiration inépuisable surtout pour nous, cette génération qui a vécu une période de transition pleine d'événements bouleversants. L'écriture est aussi un moment émotionnel très profond et un besoin spirituel qui permet de partager certaines réflexions et préoccupations qui s'accumulent au fond de nous-mêmes. C'est ainsi que naît mon deuxième roman «Un verre de thé «comme un cri vers l'humanité, à partir de l'héroïne de mon histoire, «Hasna «, qui reflète les femmes libres et rebelles. L'Expression: Le titre de votre roman, «Un verre de thé» peut paraître, à première vue assez mystérieux, que symbolise-t-il et pourquoi l'avez-vous choisi parmi tant d'autres? Le thé vert pour moi est une passion. Il est le compagnon fidèle de mes voyages à travers les oeuvres et le temps, des moments de réflexion et d'écriture. C'est un ami intime qui m'inspire et me fait respirer des idées qui me libèrent et m'apaisent en même temps. À partir de Hasna, j'évoque mon admiration et mon attachement à cette boisson magique. L'Expression: Pouvez-vous nous parler un peu de la trame de ce second roman? Hasna est subjuguée par les libertés qu'offre la ville pour une fille née et grandie dans une région rurale qui se situe aux périphéries de Bône où la femme est la propriété de tout le monde. Privée d'une vie digne d'une jeune fille éduquée, intellectuelle et surtout née libre, Hasna s'installe chez son oncle et sa femme à Bône où elle est devenue témoin des bouleversements que la ville avait connus dans un monde absorbé par les écrans. L'Expression:Vous enseignez en français et écrivez en arabe, comment vivez-vous ce bilinguisme dans notre pays quand on sait qu'en général, il est rare de trouver des écrivains qui manient les deux langues? Mon premier coup de coeur avec l'écriture était en arabe, j'ai une grande histoire d'amour avec cette langue dans laquelle j'ai lu Gibran Khalil Gibran, Mahmoud Darwich, Kacem Amin, Ahmed Matt, Ghassan Kanafani, Nizar Kabbani... Et beaucoup d'autres qui me font admirer la littérature et la poésie arabe. Je suis titulaire d'une licence en littérature française débordante de chefs-d'oeuvre qui ont chamboulé la pensée humaine et demeurent des acteurs majeurs dans chaque changement souhaité vers le meilleur pour chaque âme qui opte pour la paix et la liberté. Alors, je vis un pluralisme d'idées plus qu'un bilinguisme. La langue est, en fait, un moyen de communication plus qu'un moyen de penser. L'Expression: Revenons à votre premier roman publié il y a deux années, peut-on savoir quels sont les échos que vous avez reçus de la part des lecteurs et des auteurs l'ayant lu? Comme vous le savez, le monde de la littérature connait ces dernières années un retour vers le roman biographique des grande figures qui ont marqué l'histoire du monde, je ne prétends pas que «Moi et Hemingway de Annaba à Cuba» est un roman biographique, mais il s'est immergé un peu dans la vie de l'ogre de la littérature américaine pour donner naissance à une histoire imaginaire qui a attiré l'attention des lecteurs qui m'ont évoqué leur enchantement en se balançant entre rêve et réalité. L'Expression: Pourquoi le projet de le traduire en français n'a pas encore abouti? La scène littéraire connaît malheureusement beaucoup de difficultés surtout concernant la traduction pour une jeune écrivaine. Le traduire par moi-même est beaucoup plus difficile, car j'ai besoin de l'inspiration et des émotions qui ont fait ce travail. L'Expression: Vous écrivez pour le plaisir ou bien l'écriture représente-t-elle une thérapie pour vous. Ou le faites-vous juste par passion? L'écriture est un atout qui englobe le plaisir, la thérapie, la passion et bien d'autres avantages. Pour ce qui me concerne, l'écriture comme la lecture est un besoin naturel, un cri vers l'humanité, un moyen de survivre aux contraintes de la vie, un voyage dans le monde des idées... Une liberté. L'Expression: Hemingway demeure-t-il votre écrivain préféré? Hemingway demeure une personnalité préférée plus qu'un écrivain préféré car je suis toujours impressionnée par la vie qu'il a menée et que je lis entre les lignes de ses oeuvres et les écrits qui l'ont évoqué. L'Expression: Parmi ses romans, quel est celui qui vous envoûte le plus? «L'adieu aux armes «, un roman qui nous permet de vivre l'histoire humaine de près, de la ressentir, surtout quand il s'agit de l'une des deux guerres qui ont leur impact sur l'humanité. L'Expression: Après Hemingway, peut-on savoir quel est le deuxième écrivain qui vous passionne le plus? C'est difficile de parler d'un seul écrivain car chacune de mes lectures m'ouvre un monde nouveau, différent et bouleversant. L'Expression: Si vous aviez à choisir entre l'enseignement et l'écriture romanesque, pour lequel opteriez-vous? L'enseignement car enseigner c'est apprendre deux fois comme disait Joseph Jaubert, c'est bâtir un esprit, ce qui est plus important... Et l'écriture viendra avec l'enseignement, c'est son âme soeur.