On a beau les chercher sur les étals des librairies ou chez les bouquinistes, il est impossible de dénicher la majorité des ouvrages de l'écrivain Chabane Ouahioune qui a pourtant marqué les lecteurs pour plusieurs raisons. Le problème de l'indisponibilité des livres des écrivains algériens disparus ne concerne pas uniquement Chabane Ouahioune, mais il touche aussi une grande partie d'auteurs, surtout qui ne sont plus de ce monde et dont les oeuvres n'ont pas fait l'objet de réédition. Dans le cas de Chabane Ouahioune, l'indisponibilité de ses livres, sept ans après sa disparition, s'explique, en partie, par le fait que la maison d'édition qui les a édités, à savoir l'Enal (Enterprise nationale du livre) n'existe plus depuis des décennies, car elle avait été dissoute. Des livres comme «Thiferzizouits ou le parfum de la mélisse», «La maison au bout des champs», «Parmi les collines invaincues», 'Itinéraires brûlants», «Les conquérants au parc rouge», sont aujourd'hui devenus des perles rares. Seul «L'aigle du rocher», son dernier livre publié quelques semaines avant le décès de Chabane Ouahioune, aux éditions Enag, est toujours disponible en librairie et dans les différents Salons du livre auxquels participe cette maison d'édition étatique. Ce qui caractérise le plus les thèmes développés et décrits dans les livres de Chabane Ouahioune, c'est la nature. Il trempait toujours sa plume dans les paysages, les champs, les arbres, les herbes et tout ce qui formait la nature de sa région natale où il a vécu et où il est mort: le Djurdjura. Tassaft est son village duquel il ne pouvait se séparer pour longtemps, un village planté dans le décor féérique et magique du Djurdjura. C'est un véritable berceau de la nature. Tout en écrivant ses livres et ses chroniques, Chabane Ouahioune n'a jamais cessé de piocher et d'arroser. C'est comme si les deux passions étaient indissociable. Chabane Ouahioune usait de la même source d'inspiration pour l'écriture de ses célèbres chroniques hebdomadaires publiées d'abord dans le quotidien Horizons puis dans le Soir d'Algérie au début des années 90. Chabane Ouahioune, qui avait l'habitude de nous recevoir chez lui à Tassaft, était toujours d'une constante disponibilité. Son humilité est l'une de ses meilleures qualités. Mais ce qui poussait vraiment à l'admiration, c'est sa mémoire phénoménale. À 90 ans, Chabane Ouahioune pouvait raconter pendant des heures et des heures, et avec précision, des événements qu'il a vécus et dont il a été témoins 50, 60 ou 70 ans auparavant. En plus de cette mémoire d'éléphant, Chabane Ouahioune, ne perdait jamais le fil de son récit en narrant quelque chose s'étant déroulé plus d'un demi-siècle en arrière. Il parle comme il écrit. Comme tout écrivain, Chabane Ouahioune lisait énormément. L'un des écrivains qu'il appréciait le plus était italien. Il s'agit de Luigi Pirandello, prix Nobel en 1934. C'est l'humour et le style de cet auteur qui le subjuguaient le plus, nous avait confié Chabane Ouahioune, en nous offrant l'un de ses titres qu'il avait lu il y avait des années. Chabane Ouahioune s'intéressait aux jeunes auteurs de l'époque. Il nous montra un exemplaire dédicacé d'un recueil de poésie de l'auteure Salima Ait Mohamed. Chabane Ouahioune, qui était lecteur à la mythique maison d'édition Sned-Enal, mérite le meilleur hommage qui puisse être rendu à un écrivain: la réédition de ses livres. Relancer cette idée à l'occasion du septième anniversaire de son décès pourrait peut-être susciter l'intérêt d'une maison d'édition qui permettra de ressusciter un écrivain qui pourrait tomber vite dans l'oubli dans le cas contraire.