Neuf personnes ont été tuées jeudi au Sénégal dans les violences qui ont éclaté après la condamnation à deux ans de prison ferme de l'opposant Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle et menacé d'inéligibilité, a indiqué le ministre de l'Intérieur Antoine Diome.»Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés et, malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor», a dit sur la télévision nationale le ministre, qui a aussi reconnu la restriction par les autorités de l'accès aux réseaux sociaux. Les autorités sénégalaises ont déployé hier des forces armées dans Dakar.»Tout en appelant au calme et à la sérénité de nos concitoyens, l'Etat du Sénégal a pris toutes les mesures pour garantir la sécurité des personnes et des biens», a déclaré dans la nuit le ministre de l'Intérieur Antoine Diome au terme de l'une des journées de contestation politique les plus meurtrières depuis des années. Des hommes portant treillis et fusils de guerre ont été positionnés en différents points de Dakar, capitale habituellement grouillante aux rues à présent désertées et à l'activité paralysée. Dans la crainte des saccages, les magasins sont restés fermés le long de rues portant les traces des violences. L'université a été le théâtre d'affrontements prolongés et d'importantes destructions. Des étudiants ont rapporté avoir reçu la consigne de quitter le campus et cherché à grand-peine un moyen de transport. De très nombreux Dakarois ont décidé de ne pas se déplacer par peur pour leur sécurité ou faute de pouvoir trouver un transport. Le gouvernement a reconnu avoir restreint les accès aux réseaux sociaux pour faire cesser «la diffusion de messages haineux et subversifs». Plusieurs quartiers de Dakar, la Casamance (sud) et différentes villes ont été en proie jeudi à une nouvelle flambée. Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président Macky Sall, est engagé depuis deux ans dans un bras de fer acharné avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique. Avant les évènements de jeudi, une vingtaine de civils avaient été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à la situation de Sonko. Le Sénégal a connu jeudi des affrontements entre jeunes et forces de sécurité, des saccages de magasins et d'équipements publics et un envahissement de l'autoroute entre Dakar et l'aéroport international. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019, a été condamné jeudi par une chambre criminelle à deux ans de prison ferme pour avoir poussé à la «débauche» une jeune femme de moins de 21 ans. La cour l'a en revanche acquitté des charges de viols et menaces de mort contre cette employée d'un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. La décision paraît, au vu du code électoral, entraîner l'inéligibilité de Sonko. Ce dernier n'a cessé de nier les accusations en criant à la machination du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle. Le pouvoir réfute et affirme que l'affaire était un «différend» d'ordre privé. Sonko était absent au prononcé de l'arrêt. Il est présumé bloqué par les forces de sécurité, «séquestré» selon lui. Mais, après deux ans d'une confrontation avec les autorités qui a tenu le pays en haleine, il peut désormais être arrêté «à tout moment», a dit le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Une telle arrestation est susceptible d'enflammer les esprits. Quant à Sonko, son discours souverainiste et panafricaniste, sa défense des valeurs religieuses et des traditions, ses diatribes contre «la mafia d'Etat», les multinationales et l'emprise économique et politique exercée par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez une jeunesse en quête de perspectives et d'espoir dans un contexte difficile. Les moins de 20 ans représentent la moitié de la population. Un autre facteur de tension est le flou entretenu par le président Sall sur son intention de briguer ou non un troisième mandat en 2024.