Les Etats-Unis semblent avoir pris la mesure des bouleversements qui se multiplient dans la région sahélienne et tiré les enseignements d'une mauvaise passe de la France dont les troupes sont devenues indésirables, aussi bien au Mali et au Burkina qu'au Niger. Pour tenter de barrer la route à l'ambitieux groupe privé russe Wagner, ils tentent désormais d'avancer leurs pions, misant sur une coopération militaire soutenue entre Washington et le Niger, dans l'espoir de sauver les meubles et de restaurer la légalité constitutionnelle avec un retour à son poste du président élu Mohamed Bazoum. Mais la partie est loin d'être de tout repos. La responsable par intérim de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, a effectué lundi dernier une visite surprise à Niamey où elle s'est entretenue avec des responsables au sein du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP), l'instance créée par les militaires au lendemain de leur coup d'Etat. Elle en est repartie avec le constat selon lequel «peu de progrès ont été réalisés en vue de l'abandon du pouvoir par les auteurs du coup d'Etat» mais, en guise de consolation, que ces derniers «comprenaient bien les risques envers leur souveraineté lorsque Wagner est invité». En agitant le spectre d'une «immixtion» dans les affaires intérieures du Niger, la responsable américaine a sans doute imaginé que ses interlocuteurs feraient machine arrière toute. Il faut rappeler que, depuis plusieurs années, une intense coopération lie l'armée nigérienne aux forces américaines et françaises présentes au Sahel pour lutter contre les groupes terroristes. Niamey est devenue, depuis 2020 et le changement politique intervenu au Mali, le pilier de cette intervention étrangère dans la région. Bamako a choisi depuis une coopération avec la Russie quand bien même les pays occidentaux l'accusent de s'appuyer sur Wagner et les dirigeants de la transition ont été imités, quelques mois plus tard, par leurs homologues du Burkina Faso. Reste comme point fort de ces discussions intenses que mène le secrétariat d'Etat américain afin de préserver les intérêts occidentaux au Niger le fait que certains dirigeants du CNSP, dont le tout nouveau chef d'état-major, le général de brigade Moussa Salaou Barmou, ont une forte collaboration avec les forces spéciales américaines dans la région. Cet atout n'est évidemment pas négligeable, d'autant que les relations entre les Etats-Unis et le Niger avaient été confortées, quelques mois seulement avant le coup d'Etat, par une visite historique du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui avait, à cette occasion, rendu hommage au travail accompli par le président Mohamed Bazoum, invité d'honneur du président Joe Biden lors des sommets sur la démocratie et sur l'Afrique. Blinken a reconnu sur la BBC que le coup d'Etat n'a pas été «fomenté par la Russie ou par Wagner» tout en avertissant que celui-ci «chercherait à en tirer profit». Mais de l'avis de nombreux observateurs, les puissances occidentales se sont fondées sur des postulats erronés aussi bien au Niger que dans les pays voisins, et elles répètent les mêmes scénarios faits de sanctions et de pressions. Après celles de la Cédéao, de l'UA et de l'ONU, ces mesures conduisent fatalement aux mêmes effets, tels qu'observés dans ces pays marqués par la misère, le sous-développement et le drame du terrorisme.