Plus de cinquante personnes ont été blessées hier dans une attaque nocturne de missiles sur Kiev, bilan le plus lourd depuis des mois et nouvelle illustration de la pression militaire croissante de la Russie. L'Ukraine est sur la défensive depuis l'échec de sa contre-offensive estivale, d'autant plus que les Occidentaux, Américains en tête, tergiversent désormais sur l'aide politique, militaire et financières à apporter à leur allié ukrainien. La défense antiaérienne a abattu les dix missiles balistiques lancés vers 03H00 (01H00 GMT) sur Kiev mais les débris sont retombés sur des zones habitées, notamment un hôpital pédiatrique, affirment les autorités ukrainiennes. Aucun mort n'est à déplorer et le centre hospitalier continue de fonctionner, disent-elles. En revanche, 53 personnes ont été blessées à travers la ville, dont 20 ont été hospitalisées, parmi lesquelles deux enfants, selon le ministère de la Santé. Cela faisait des mois que Kiev n'avait pas enregistré un tel bilan. L'attaque a été sans doute lancée avec des missiles 48N6, a déclaré le chef de l'administration présidentielle ukrainienne. Selon des médias ukrainiens, seuls des systèmes anti-aériens Patriot et SAMP/T parviennent à détruire de tels projectiles, or l'Ukraine n'en possède que quatre. En outre, dix drones russes de type Shahed ont été lancés sur Odessa, le grand port du sud, et ont aussi été abattus. La Russie n'a pas communiqué sur ces frappes. Mais le ministère de la Défense affirmait hier que l'aviation, des drones, des missiles et l'artillerie ont détruit à une date et en des lieux indéterminés des entrepôts de munitions ainsi que des sites de construction de drones. Depuis l'automne, Moscou multiplie les assauts aériens et terrestres, gagnant du terrain après que les forces ukrainiennes ont échoué dans leur grande contre-offensive estivale, épuisant une bonne partie de leurs réserves humaines et de munitions. Le Kremlin veut aussi frapper fort au moment où la volonté des Occidentaux de soutenir l'Ukraine commence à faiblir. La visite mardi du président Volodymyr Zelensky aux Etats-Unis en a été l'illustration avec les républicains bloquant toute nouvelle assistance dans le cadre d'un bras de fer avec Joe Biden. Le dirigeant ukrainien, soucieux de sécuriser des moyens pour combattre l'invasion russe en 2024, a continué une tournée internationale hier. Il était à Oslo pour rencontrer les dirigeants des cinq pays nordiques, des alliés et donateurs. L'Ukraine «ne peut pas gagner sans aide», a-t-il martelé. Dans une lettre ouverte publiée dans le Financial Times, les cinq dirigeants nordiques ont aussi fait valoir que «la guerre ne se gagne pas sans armes». Le président américain avait lui mis en garde ses adversaires républicains qu'un arrêt de l'aide à l'Ukraine signifierait la victoire pour Vladimir Poutine. Ce dernier parie sur l'essoufflement du soutien occidental, et a complètement réorienté son industrie sur la production militaire. Se montrant toujours plus confiant, le Kremlin a qualifié de «fiasco» l'aide américaine à Kiev.»Nous devons prouver (à Poutine) qu'il a tort», a martelé Joe Biden, attaquant les Républicains qui veulent des concessions en matière d'immigration pour débloquer 61 milliards de dollars prévus pour Kiev. Volodymyr Zelensky, bien conscient qu'une défaillance américaine minerait le soutien de ses autres alliés a réclamé «un signal très fort d'unité» face à «l'agresseur». En Europe, plusieurs dirigeants ont martelé leur soutien à la cause ukrainienne, à l'instar du nouveau Premier ministre polonais Donald Tusk mardi et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen hier. A la veille d'un sommet crucial à Bruxelles qui doit entre autres décider de nouvelles aides à Kiev, le président français Emmanuel Macron a appelé hier l'Union européenne, à être «au rendez-vous du soutien entier et durable à l'Ukraine». Le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré de son côté qu'un «soutien financier durable» de l'UE à l'Ukraine constituait une «priorité» pour l'Allemagne. «Il en va de la sécurité de l'Europe et c'est une priorité pour l'Allemagne», a-t-il ajouté. L'attaque d'hier contre Kiev était la deuxième en l'espace d'une semaine. Tôt lundi, huit missiles russes avaient été abattus par la défense aérienne ukrainienne, selon l'état-major ukrainien. Sur le front, long de quelque 1.000 kilomètres, les forces russes multiplient aussi les attaques, à l'Est comme au Sud. La ville d'Avdiïvka en particulier fait l'objet depuis octobre d'une offensive russe. Selon un rapport quotidien matinal de l'armée ukrainienne, «51 assauts ennemis (y) ont été repoussés».Les Ukrainiens disent également repousser des attaques autour de Robotyné, village méridional qui avait été libéré cet été, suscitant l'espoir, déçu depuis, d'une percée. Des attaques russes ont aussi visé le nord-est, près de Koupiansk et Lyman, selon Kiev. Enfin, les services spéciaux ukrainiens (SBU) ont dit aider le premier opérateur mobile du pays, Kyivstar, à remettre en route ses services, toujours paralysés, au lendemain d'un piratage imputé à des hackers du renseignement militaire russe.