L'ancien président sud-africain Jacob Zuma, impliqué dans de multiples affaires de corruption, a réuni, samedi, à Soweto plus de 30 000 sympathisants malgré une candidature en suspens pour les élections du 29 mai, la plus serrée depuis 30 ans. La plus haute cour sud-africaine s'est penchée, le 10 mai, sur l'éligibilité de l'ancien chef d'Etat, âgé de 82 ans, et doit se prononcer dans les jours qui viennent. Cette incertitude sur l'éligibilité de ce dirigeant charismatique, toujours populaire dans la communauté zouloue, n'a pas douché l'enthousiasme de l'immense foule venue l'acclamer au stade Orlando de Soweto, près de Johannesburg. «Lorsque nous atteindrons notre destination finale (la victoire aux élections, ndlr), personne ne sera pauvre, ni au chômage, nous ferons des choses pour tout le monde», a promis M. Zuma dont la présidence (2009-2018) a été marquée par une corruption à grande échelle. Apparu fatigué à son arrivée dans le stade, il était escorté par des militants de son parti en treillis militaire et des guerriers zoulous traditionnels munis de lances et de peaux de léopard. Mais une fois sur l'estrade, il a entraîné la foule dans un chant révolutionnaire et parlé pendant plus d'une heure. L'ex-président et ancien dirigeant de l'ANC est à la tête d'un nouveau parti d'opposition (Umkhonto We Sizwe, MK). Il cible, notamment, des électeurs déçus du parti au pouvoir depuis 1994 et qui risque de perdre sa majorité parlementaire pour la première fois de son histoire lors des législatives du 29 mai. La commission électorale avait d'abord fait valoir que Jacob Zuma devrait être exclu du scrutin en raison d'une condamnation pour outrage en 2021 à 15 mois de prison. Mais un tribunal électoral avait ensuite donné raison à M. Zuma en avril. La Cour constitutionnelle doit donc trancher la question de l'interprétation d'une norme constitutionnelle interdisant à toute personne condamnée à plus de 12 mois de prison de siéger au Parlement. En Afrique du Sud, ce sont les députés qui élisent le président. Une décision très attendue à une dizaine de jours d'un scrutin décisif. Et qui pourrait avoir de lourdes conséquences. L'incarcération de M. Zuma en 2021 avait déclenché une vague inédite d'émeutes, qui avaient fait plus de 350 morts. Et aujourd'hui, beaucoup redoutent une répétition de ce scénario catastrophe. Mais même si la Cour constitutionnelle déclare M. Zuma inéligible, son parti, qui porte le nom de la branche armée de l'ANC pendant la lutte contre l'apartheid, restera en lice et pourrait prendre un nombre conséquent de voix à l'ANC, notamment dans le pays zoulou, d'où est originaire l'ancien chef de l'Etat. «Nous le considérons comme notre Moïse de la Bible, celui qui a fait traverser la mer aux Israélites», a avancé Nomthandanzo Nhlapho, un demandeur d'emploi de 55 ans. Dans le stade de Soweto, cité hautement symbolique de la lutte contre l'apartheid menée par l'ANC, la victoire du parti de M. Zuma avec une majorité des deux-tiers ne faisait aucun doute pour les orateurs qui se succédaient pendant le meeting. Le mouvement de Jacob Zuma avait mis en place une importante logistique pour acheminer les militants du pays zoulou, qui sera au coeur d'une féroce bataille électorale, jusqu'au stade de Soweto. D'ailleurs, le dirigeant sud-africain n'a prononcé son discours qu'en zoulou, la langue de la plupart de ses partisans. «Le MK (parti de Zuma) va tout changer», a assuré Sharon Mahlobo, 47 ans, une ancienne électrice de l'ANC qui ne prononce plus le nom de ce parti.