En sortant d'un entretien avec le Premier ministre, Michel Barnier, vendredi dernier, la cheffe de file de l'extrême droite française, Marine Le Pen, n'a pas fait de détour pour confirmer que son parti, le Rassemblement national, ex-croissance du Front national (FN), fondé par son père, Jean-marie Le Pen, est résolu à voter la censure du gouvernement. Cette censure, a-t-elle déclaré, n'est nullement synonyme de «chaos» et le RN ne «prend personne de court». Aussi les tensions qui sont allées crescendo depuis des jours, tant à l'Assemblée nationale qu'à Matignon, ont-elles culminé avec cette rencontre, et la France entière vit dans l'expectative, sachant que depuis la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin dernier, l'Exécutif est bâti sur du sable. Obtenu à la hâte et en moyennant des coups de canif aux dispositions constitutionnelles dont le chef de l'Etat est devenu coutumier, le gouvernement Barnier reste dos au mur depuis le 21 septembre, coincé entre une majorité de droite, rompue à la surenchère avec l'extrême droite, et une opposition de gauche qui dénonce le scandale d'une escroquerie institutionnelle. C'est, d'ailleurs, cette même gauche, emmenée par son aile radicale des Insoumis, qui est résolue à obtenir la chute du gouvernement Barnier, en attendant celle, également souhaitée, du président Macron. Selon Marine Le Pen, le Premier ministre, lui-même ancré dans la droite «dure», a «campé sur ses positions» lors de leur entretien, auquel cas son mouvement «ne renonce pas à défendre les Français», refusant de souscrire à «la petite musique qui consiste à dire que, si jamais ce budget est refusé, s'il y a une censure, ça va être dramatique, ça va être le chaos». Poussé par Macron, Barnier n'a pas voulu entendre les avertissements du RN, pour une fois porteur des mises en garde de la gauche rivale, et il entend obtenir le vote du budget 2025 consacrant de nombreuses économies, par une Assemblée divisée en forces disparates. La gauche et l'extrême droite s'y refusent catégoriquement et préviennent qu'elles voteront ensemble la chute de la Maison Barnier. Depuis le lendemain des législatives anticipées, on avait une gauche qui ne cachait pas son intention de censurer le gouvernement Barnier, qualifié d'illégitime, et une extrême droite qui le soutenait pour se donner des airs de respectabilité responsable. Mais, ces derniers jours, l'enjeu du budget a compromis la donne et apporté une toute autre carte politique, gauche et extrême droite comptant agir ensemble pour se débarrasser d'un gouvernement problématique. Le raidissement du RN, disent les observateurs, n'est pas étranger à ses ennuis judiciaires, le procureur ayant requis contre elle cinq ans de prison, dont deux ferme, 300 000 euros d'amende et, surtout, 5 ans d'inéligibilité «dès le prononcé du verdict, même en cas d'appel»! «C'est ma mort politique qui est réclamée», s'était-elle insurgée aussitôt et, du coup, le soutien du RN au gouvernement Barnier a quelque peu tiédi. De l'agitation médiatique autour de la censure, Marine Le Pen espère, sans doute, un revirement salutaire des juges à son égard. Si Macron et Barnier recourent au 49-3 pour faire passer le budget en force, la motion de censure sera déposée dans les quinze jours du mois de décembre prochain.