La composition du nouveau gouvernement français, conduit par François Bayrou, devait être dévoilée hier dans la soirée, en raison de la journée de deuil national pour Mayotte, après d'intenses tractations et d'échanges entre le Premier ministre et le président Macron. Désigné le 13 décembre dernier, le chef centriste du Modem voulait sceller la liste des nouveaux ministres avant Noël, sachant que les Français sont sans doute plus concentrés sur les préparatifs du réveillon que sur cette annonce digne d'un scénario hitchcockien. En effet, c'est depuis dix jours que Macron et Bayrou «effectuent les derniers réglages» avec en toile de fond la menace d'une nouvelle censure que les partis membres du Nouveau Front populaire (NFP, gauche) et le Rassemblement national (RN, extrême droite) agitent encore et toujours au-dessus de leur chapiteau. À plusieurs reprises, les deux chefs de l'Exécutif se sont concertés dimanche pour finir par un entretien à l'Elysée. Quant à la France, elle s'est quelque peu lassée de ces ballets successifs de nomination de Premiers ministres et de membres du gouvernement avec des rebondissements incessants, comme l'indique la réaction d'un député du RN: «Cette durée de ce casting par rapport aux urgences du pays, aux crises que l'on traverse, c'est insupportable», a tempêté Jean-Philippe Tanguy, dénonçant «toujours le même sketch». Désigné au terme de longues consultations par Macron, au lendemain d'une motion de censure à l'Assemblée nationale qui a coûté son poste à Michel Barnier, le 4 décembre, François Bayrou est le 4ème chef de gouvernement depuis début 2024, signe de la profonde crise que traverse le pays. Il lui faut louvoyer dans une mare politique incertaine, confronté à trois forces antagonistes (le NFP, le RN et la coalition macroniste) qui ne disposent pas d'une majorité absolue. Porteur d'un gouvernement «resserré» et en théorie ouvert à toutes ces tendances, pour être au diapason des attentes du pays, il a découvert au fur et à mesure des «consultations» que sa marge de manoeuvre est d'ores et déjà limitée alors qu'il a pour mission prioritaire de satisfaire aux urgences telles que l'adoption d'un budget 2025 très contesté par la Gauche et l'extrême droite, pour des raisons radicalement différentes. Comme La France Insoumise, le Parti socialiste a poliment décliné l'offre de l'Elysée. A 18h, Xavier Bertrand dont la candidature donnait des sueurs froides au RN a annoncé son retrait de l'équipe Bayrou. Moins d'une heure plus tard, l'Elysée annonce la composition du gouvernement Bayrou. Jean- Noël Barrot est reconduit aux AE, Sébastien Lecornu aux Armées. Gérald Moussa Darmanin est à la Justice, garde des Sceaux, avec en prime un statut de ministre d'Etat. L'ex-socialiste Manuel Valls atterrit aux Outremers. Eric Lombard, directeur de la Caisse des Dépôts obtient l'Economie. L'ex-Première ministre Elisabeth Borne à l'Education, Rachida Dati à la Culture. En clair, l'ombre du RN a fortement pesé sur ces choix. L'autre enjeu concernait le rôle du sulfureux Bruno Retailleau qui se voit de retour place Beauvau. En somme, face à tant d'aléas, la seule chose dont on est sûr, c'est que Bayrou est déjà mal barré avant même d'avoir démarré.