C'est demain que le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) deviendra effectif, après un an de tensions politiques, de tentatives de rapprochement et de mises en garde parfois belliqueuses. Au lendemain des coups d'Etat qui sont intervenus dans ces trois pays du Sahel, depuis 2020, l'avenir de l'organisation régionale est devenu problématique alors que toute l'Afrique de l'Ouest se découvre fracturée. Bamako, Ouagadougou et Niamey avaient d'un commun accord signifié à la Cédéao leur décision de quitter cette organisation, un 29 janvier 2024. Elle avait alors argué d'une disposition de son statut qui dit que le retrait ne sera effectif qu'au terme d'une année de « réflexion ». Ce sera pourtant le cas, demain, les trois pays n'ayant à aucun moment laissé le moindre doute sur le caractère irrévocable de leur décision, même lorsque la Cédéao a proposé de prolonger encore de 6 mois le délai statutaire dans l'espoir d'aboutir à un accord de dernière minute. Unis depuis des mois dans une confédération baptisée « Alliance des Etats du Sahel » (AES), les trois pays « sécessionnistes » ne cachent pas leur colère envers l'organisation ouest-africaine, coupable selon eux de leur avoir imposé des « sanctions inhumaines, illégales et illégitimes », en guise de riposte aux coups d'Etat anticonstitutionnels. Parmi les nombreux reproches qu'ils adressent à la Cédéao, il y a également le fait que celle-ci n'a en rien contribué à leur lutte contre le fléau du terrorisme, d'une part, et qu'elle s'avère particulièrement inféodée à l'ancienne puissance coloniale, d'autre part. Entre 2023 et 2024, les trois pays ont réussi à pousser hors de leur mur les forces militaires installées dans leur capitale par la France qui est devenue un partenaire indésirable au contraire de la Russie, notamment auquel ils reprochent un bilan particulièrement négatif en matière de lutte antiterroriste et une tendance manifeste à diriger aussi bien leur politique que leur économie. Cet état d'esprit a débordé au-delà de leurs propres frontières pour concerner d'autres pays de la Cédéao, comme le Tchad, le Sénégal, la Côte d'Ivoire voire même au-delà, de sorte que la Françafrique est entrée, bon gré mal gré, dans une phase crépusculaire., au grand dam des dirigeants français qui ont bien du mal à mesurer l'ampleur de la décadence et les mécanismes qui en sont à l'origine. Si le coup d'Etat au Mali a été un précurseur du processus de désintégration en cours, c'est celui intervenu contre le président Bazoum, au Niger, qui a constitué la déflagration majeure, en juillet 2023, la Cédéao ayant alors menacé d'intervenir militairement pour mettre fin à la rébellion contre « l'ordre établi ». De lourdes sanctions économiques ont, de plus, sapé la confiance des peuples dans une Cédéao aux ordres de Paris. Signe des temps nouveaux, les pays membres de l'AES sortent demain leur nouveau passeport et annoncent l'arrivée prochaine d'une armée unifiée de 5000 soldats, chargée de la lutte antiterroriste. Même si la libre circulation n'est pas menacée dans tout l'espace ouest-africain, le fait est que l'AES et l'organisation se regardent désormais en chiens de faïence, alors que les nuages similaires s'amoncellent du côté de Dakar, N'Djamena et Abidjan.