C'est un nouvel acte de rupture, en Afrique, avec la France. Vingt-quatre heures seulement après le Niger et le Burkina, ses partenaires au sein de l'Alliance des Etats du Sahel (AES), le Mali a, à son tour, annoncé son départ de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). «Le Mali ne peut demeurer membre d'une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels (...) fondés sur la souveraineté de l'Etat», a expliqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué adressé sous forme de lettre au ministère des Affaires étrangères français. C'est un nouveau pas franchi après celui de la rupture avec la Cédéao qui avait menacé Niamey d'une intervention miliaire au moment du putsch qui a renversé l'ex-président Bazoum. Les trois pays sont d'autant plus en relief qu'ils faisaient partie des premiers membres fondateurs de cette organisation créée à Niamey en 1970. C'est dire si le coup est sévère mais il est parfaitement justifié par le communiqué conjoint de leurs MAE soulignant que l'OIF, «au lieu de les accompagner dans la réalisation des objectifs légitimes de leurs peuples, (...) s'est illustrée par l'application sélective de sanctions sur la base de considérations géopolitiques et le mépris pour leur souveraineté». Le mot était lâché qui met en exergue la ferme volonté des trois pays de l'AES non seulement de revendiquer leur souveraineté, mais d'en faire le dogme de leur relation avec l'ancienne puissance coloniale, trop ancrée dans les réflexes ataviques de la domination d'antan. Tous trois condamnent de ce fait «un instrument politiqué téléguidé» qui n'aurait d'autre but que de maintenir la dépendance vis-à-vis de la France, même si ses forces militaires ont été contraintes d'évacuer les bases dans leurs territoires et même au-delà dans la région sahélienne, puisque le Tchad, le Sénégal et même la Côte d'Ivoire ont adhéré à la démarche souverainiste. L'OIF avait ainsi suspendu les trois pays de l'AES au lendemain des coups d'Etat qui ont radicalement changé la donne, malgré ou sinon à cause d'une crise sécuritaire, politique et économique persistante. Après avoir mis fin aux accords militaires les liant à la France, ils ont opté pour une coopération avec la Russie, tout en procédant à un toilettage des rues et places de leur capitale et de leurs villes, rebaptisées durant l'année écoulée après avoir longtemps témoigné de l'histoire coloniale dans une région sahélienne où le vent de la révolte souffle de plus en plus fort. Le Mali où la langue française était seule langue officielle depuis l'indépendance, en 1960, l'a rétrogradée au rang de langue de travail et il a promu les langues traditionnelles devenues officielles à leur tour. Les bouleversements qui se succèdent dans ces Etats sont observés avec attention par les autres pays membres de la Cédéao. C'est ainsi qu'après le Sénégal qui a affirmé sa volonté panafricaniste et donc l'exigence de souveraineté, c'est au tour du Togo de ne plus faire mystère de son intention d'intégrer l'Alliance des Etats du sahel, avec tout ce que cela implique en terme de changement de cap. Son MAE l'a affirmé ces derniers jours, assurant que l'adhésion du Togo permettra de «renforcer la coopération régionale et d'offrir un accès à la mer aux pays membres» de l'Alliance.