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LE TERRORISME, l'arabe et le couteau
L'AUTRE REGARD
Publié dans L'Expression le 08 - 03 - 2007

Le grand linguiste américain Noam Chomsky a raison de parler d'ambiguïté et d'ambivalence dans un de ses ouvrages, «Les dessous de l'Oncle Sam».
Dès qu'un événement tragique ou un attentat a lieu dans un pays quelconque, le coupable est vite désigné, c'est l'Arabe ou le Musulman. D'ailleurs, la littérature et le cinéma se gargarisent depuis plus de deux décennies de l'image de l'Arabe terroriste qui brûle et tue tout ce qu'il rencontre sur son passage. On se souvient de l'attentat d'Oklohoma City en avril 1995 qui a vu l'écrasante majorité des médias et des «spécialistes» occidentaux tirer sur l'Arabe traité de tous les maux. CBS, Washington Post, Le Monde, Der Spiegel et bien d'autres titres de la presse, n'avaient pas hésité à donner à voir le coupable idéal avant que les autorités américaines n'arrêtent un vétéran de la guerre du Golfe militant d'extrême droite.
Tous les textes sur le terrorisme élaborés ces dernières années prennent comme modèle l'Arabe ou le Musulman qui devient vite suspect dès qu'il pose son pied dans un pays «occidental» sans compter ceux qui y résident qui se trouvent, malgré eux, fichés et souvent lieux de suspicion. Cet intérêt soudain porté sur le «Monde arabe» et «musulman» est symptomatique d'une sorte de paranoïa tragique engendrant souvent quiproquos, malentendus et méprises. Jusqu'à présent, ce mot de terrorisme reste extrêmement imprécis et sujet à de multiples interprétations. Ce n'est pas sans raison que, lors des réunions sur la question du terrorisme, de sérieux désaccords émaillent ces rencontres qui ne réussissent pas à apporter une définition claire de cette notion.
Ce terme de terrorisme qui est récent puisqu'il n'a vu le jour qu'en 1798 dans le Supplément du Dictionnaire de l'Académie française après les massacres qui ont caractérisé la Révolution de 1789 et plus particulièrement en 1793 et 1794 avec la chute de Robespierre, est aujourd'hui utilisé en fonction des intérêts et des rapports de forces idéologiques et politiques. La définition de ce mot pose un sérieux problème, d'autant plus qu'il subit continuellement, au gré des circonstances et des conjonctures historiques des glissements sémantiques et des variations idéologiques. Ainsi, comme tout terme, il est arbitraire et fortement connoté idéologiquement et politiquement.
Un terme-otage
Le contexte et les forces dominantes contribuent à la mise en circulation d'un sens et d'un contenu correspondant au discours dominant sur le plan national et international. Selon un sociologue américain, Walter Laqueur, cité par Serge Halimi dans Le Monde Diplomatique, environ 110 définitions différentes de ce mot ont été proposées entre 1936 et 1981. Ce flou ou cette inflation définitoire est l'expression de profonds désaccords et d'une constante instrumentation d'un mot qui puise son sens dans le terrain idéologique et sociologique. Le grand linguiste américain, Noam Chomsky a, raison de parler d'ambiguïté et d'ambivalence dans un de ses ouvrages, Les dessous de l'Oncle Sam: «Une caractéristique des termes du discours politique, c'est qu'ils sont généralement à double sens. (...)La fonction de ce discours est très claire: il s'agit qu'il devienne impossible de trouver des mots pour parler de façon cohérente de sujets qui intéressent les humains».
L'ambiguïté est donc le propre du discours politique. Cette situation permet de mettre en oeuvre sa propre solution, d'ailleurs, théoriquement déterminée par sa définition trop flasque de termes dont le sens est porté et produit par le contexte. Le mot est le lieu privilégié du dévoilement des postures idéologiques et des positions politiques. A travers le choix de définitions lors des réunions de l'ONU par exemple, on comprend les différentes oppositions traversant les pays du monde. L'analyse de l'histoire de ce mot et de ses définitions successives nous permet de comprendre les déplacements et les profondes mutations subis par les différents pays, notamment par rapport à la question palestinienne.
La bataille autour de ce terme cache de grands choix politiques et idéologiques. La réaction du ministre irakien qui reproduit la définition américaine du terrorisme englobant les résistances irakienne et palestinienne, n'est nullement surprenante et montre le degré d'avilissement du «gouvernement» de Baghdad. La Syrie dont une partie de ses territoires est encore occupée ne pouvait logiquement souscrire à cette logique qui fait d'elle un «paria», un «Etat terroriste» faisant partie de l'«axe du mal». Mais l'étiquette de terroriste peut apparaître ou disparaître en fonction des conjonctures politiques. Yasser Arafat qui connut l'accusation de «terrorisme» durant toute une longue période de son combat la voit disparaître à un moment donné surtout après les accords d'Oslo et redevient «terroriste» quand il refuse de s'attaquer au Hamas. C'est le cas aussi de ceux qu'on affublait du nom de «moudjahiddine» afghans qui, de résistants vont occuper par la suite le siège de «terroristes» et de l'IRA qui devient fréquentable après avoir été longtemps classé dans le bréviaire des organisations terroristes. Dans ces conditions, on fait souvent appel à un langage métaphysique et essentialiste nourrissant toute une paranoïa qui engendre inéluctablement des conduites trop peu rationnelles.
L'absence d'une définition consensuelle renforce l'idée d'étrangeté et d'hostilité. Les choses sont très complexes. Il n'est nullement simple de trouver une définition pouvant satisfaire toutes les parties dans un monde traversé par les guerres, les mouvements de guérilla et de contestation, la montée de l'extrême droite et du fascisme. Devrait-on mettre sur le même pied d'égalité la violence contre les écoles, les civils, les lieux de culte, les intellectuels et la résistance à une occupation étrangère? En Algérie, le FLN et les militants algériens qui étaient traités de «terroristes» par le gouvernement colonial vont retrouver le titre de «résistants» et de partenaires normaux désormais reconnus par leurs ennemis du passé. Même les textes de l'ONU reconnaissent le droit légitime de recourir à la lutte armée en cas d'occupation étrangère, de dictature ou de régime raciste et fasciste.
Il demeure vrai que la question lancinante et trop délicate de la définition du terme de terrorisme est encore en suspens. Ce qui ne facilite pas les choses ni permet des rencontres possibles dans la mise en oeuvre d'une politique commune pouvant prémunir le monde des nombreux glissements et dérapages. Le Palestinien, Edward Saïd, insiste lourdement sur l'absence de définition d'un mot qui ne laisse pas indifférent et qui engendre souvent désaccords, incompréhensions et malentendus. Il écrit ceci à l'écrivain japonais, Kenzaburo Oe, Prix Nobel de littérature: Comme vous le remarquez si justement, personne n'a proposé de définition pertinente du terrorisme alors même que le monde entier, y compris le Japon, semble mobilisé pour lutter contre lui. (...)Le problème est que, lorsqu'on l'utilise de façon approximative, comme un concept servant simplement à identifier ce qu'on n'aime pas, une mauvaise action ou un ennemi officiel, le terme «terrorisme» peut aussi recouvrir un acte de résistance ou de désespoir provoqué par une prépondérance de pouvoir qui est à la fois inconsidérée et destructrice. Je reconnais que ce que Ben Laden a fait, et que ses disciples préconisent, relève du terrorisme, car ils appellent au massacre aveugle d'innocents et à une division fallacieuse et artificielle du monde en amis et ennemis de leur cause. Quelle tristesse et quelle méprise, non seulement à l'égard de l'islam mais aussi de la complexité de l'histoire humaine! Mais la plus grande erreur, à mon sens, est d'utiliser le mot «terrorisme» de manière uniforme (ainsi que le fait le général Sharon) à chaque fois que les Palestiniens ripostent contre Israël. En proclamant, comme Sharon et Bush ne cessent de le faire, que les attentats suicide des Palestiniens sont des actes de terrorisme, je les trouve moi-même inacceptables, et en demandant que Yasser Arafat mette un terme à la violence palestinienne, on perd totalement de vue le contexte, à savoir, l'occupation militaire illégale qu'Israël exerce sur le territoire palestinien depuis trente-cinq ans, la période la plus longue dans l'histoire moderne (avec l'occupation de la Corée par le Japon entre 1910 et 1945).
Ce long extrait du grand penseur palestinien, auteur notamment de L'Orientalisme et de Culture et impérialisme renseigne sur la difficulté de définir un terme aussi marqué idéologiquement comme il renseigne sur la frontière, parfois trop mince, séparant résistance et terrorisme. Comment est-il possible, dans certains cas, de faire la distinction entre une lutte de libération nationale et le terrorisme? La réalité est complexe parce qu'elle pose une question résolument complexe et incite à régler le problème, dans de nombreux cas, en recourant à des solutions politiques. Mais les choses restent encore floues. Alain Joxe, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales apporte un éclairage particulier: Si on doit désigner sous le même vocable toutes les activités politiques ayant recours aux violences extrêmes, le terrorisme cesse d'être un concept utile à l'analyse stratégique car il recouvre toutes les actions de force, lesquelles visent toujours à terroriser.
Manipulations
En revanche, le mot «terrorisme» a eu une grande utilité pour manipuler les opinions. Durant la guerre froide, il s'agissait de discréditer comme terroriste le mouvement des guérillas de libération nationale ou, plus tard, ceux de «deuxième libération nationale», aidés par l'URSS. Aujourd'hui, la bipolarité a disparu et les violences locales paraissent être l'effet - ou la substance même du système unique de l'empire universel du marché sous l'égide des Etats-Unis. Convaincues par l'usage constant du mot terrorisme que le monde entre dans une phase de désordre généralisé, les opinions publiques placent leurs espoirs d'ordre, à défaut de bien-être et d'emploi, dans la protection sécuritaire, promise par les gouvernements (dans l'optique française) ou par le leadership des Etats-Unis (dans l'optique d'outre-Atlantique). Il se trouve que le terrorisme d'Etat est aussi destructeur que celui des violences groupusculaires. Régulièrement, le monde assiste à la destruction de maisons palestiniennes, de bombardements continus et d'assassinats ciblés. Dans ces situations, on ne peut en aucune manière supposer la présence d'un terroriste-type parce que, tout simplement, ce sont les conditions politiques et sociales qui engendrent une certaine violence. C'est le détenteur du pouvoir qui, souvent, qualifie ses adversaires de «terroristes» et légifère pour mettre en place un dispositif de lute antiterroriste censé éradiquer le phénomène. Aussi, a t-on renforcé les pouvoirs de la police, restreint les droits à la défense et étendu la détention provisoire. Ces dernières années, les restrictions des libertés sont monnaie courante.
Si la question de la définition n'est pas encore réglée, continuant à obéir aux différents rapports de forces régissant les relations internationales, la représentation artistique et littéraire qui aborde ce sujet depuis longtemps, semble ne pas avoir de problème de ce côté dans la mesure où les personnages des romans, des pièces et des films se caractérisent par l'adoption de positions tranchées, mais l'hésitation marque quelquefois la mise en pratique du passage à l'acte. Zola, Dostoïevski, Malraux, Cortazar, Camus, Sartre, Nizan et bien d'autres écrivains et cinéastes ont décrit, dans leurs oeuvres, des personnages de terroristes. Des cinéastes comme Rossellini (Rome ville ouverte), Costa Gavras (Section spéciale), Gillo Pontecorvo (La Bataille d'Alger) et Di Bosio (Le Terroriste) présentent des «terroristes» militant pour une cause juste. L'actuel directeur du Monde Diplomatique, Ignacio Ramonet, fait une analyse fine et pertinente de la place du thème du terrorisme dans le cinéma: «Durant des décennies, toute une tradition cinématographique a donc flatté la pratique du terrorisme, le goût de l'attentat; ces films glorifient la politique comme technique de meurtre et justifient l'action terroriste comme philosophie politique parce qu'elle est le dernier recours de l'individu contre une société où il lui est devenu impossible de vivre. C'est en Allemagne aussi que les films les plus intelligents ont été réalisés sur toutes les questions que le terrorisme soulève dans une démocratie occidentale. Dans l'Honneur perdu de Katarina Blum, de Volker Schlöndorff, ainsi que dans le Second Eveil, de Margareth Von Trotta, ou dans le Couteau dans la tête, de Reinhard Hauff, les auteurs montrent comment une société peut engendrer des terroristes afin de mieux justifier sa propre terreur collective; ils dénoncent le rôle des médias, qui, par goût du scandale, poussent à la haine irrationnelle et même au lynchage».
Jusqu'à présent, le terme «terrorisme» reste otage des multiples instrumentations politiques et idéologiques.


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