Le temps de rendre hommage à un de nos grands écrivains parmi les anciens est enfin venu. Vendredi 20 avril dernier, la mythique et vaste salle des fêtes de Sour El Ghozlane a paru bien étroite pour accueillir un public de plus de mille personnes. C'est que la municipalité, sous la houlette de M.Ali Benabdallah et ses collaborateurs, a organisé, en cette journée favorablement printanière, une belle manifestation culturelle de Youm el Ilm, manifestation devenue une tradition incontournable dans le calendrier de cette ville comme de toutes les villes d'Algérie. Le rendez-vous donné à la population est de lui permettre, d'une part, de se féliciter des bons résultats des élèves des établissements scolaires du Moyen et du Secondaire en assistant à la remise des récompenses aux plus brillants d'entre eux, d'autre part, de rendre un vibrant hommage, tant attendu et largement mérité, à un des enfants de Sour El Ghozlane, c'est-à-dire à l'écrivain Kaddour M'Hamsadji dont nos lecteurs lisent chaque mercredi dans L'Expression la rubrique littéraire «Le Temps de lire». La manifestation s'est déroulée en présence d'un parterre d'élèves, de parents d'élèves, de professeurs, de responsables de l'Education, de citoyens de la ville, des invités de marque venus d'Alger dont M.Amine Zaoui (directeur général de la Bibliothèque nationale) et de hautes personnalités administratives de Sour El Ghozlane, parmi lesquelles: MM.Ali Benabdallah (chargé de la gestion des affaires de la Municipalité), Hidjab Habib (chef de la Circonscription administrative de Sour El Ghozlane), Hamri Bahri (écrivain, natif de Sour El Ghozlane), Sidi Moussa Mohamed (conseiller au ministère de la Culture, chargé de l'information) et Ouaïl (secrétaire de l'Association nationale pour la solidarité et l'emploi). La première partie de la manifestation a débuté par la distribution de gros paquets de livres et de cadeaux éducatifs aux meilleurs élèves. Inutile de dire que cette distribution s'est faite dans la joie bruyante sous un fond musical et fréquemment ponctuée par des applaudissements et des encouragements à haute voix orchestrés par l'assistance. Soudain, une pause est décidée pour annoncer au micro et saluer avec le plus grand enthousiasme l'entrée de l'écrivain Kaddour M'Hamsadji et de M.Amine Zaoui, directeur général de la Bibliothèque nationale et écrivain, tous les deux venus d'Alger. Lorsque Kaddour M'Hamsadji, suivi de quelques anciens amis retrouvés et camarades de classe qui l'avaient, peu auparavant, accueilli avec des émotions plein la gorge et des étreintes spontanées, a commencé à saluer l'assistance par des gestes venant du coeur, des applaudissements incessants ont fait vibrer l'air de la salle jusqu'à donner la chair de poule. Des personnes ravies de le rencontrer se sont précipitées vers lui pour l'embrasser, pour lui saisir une main, pour lui donner une forte tape sur l'épaule. Cela faisait 32 ans que «leur» écrivain n'était pas revenu à Sour El Ghozlane; exactement depuis le tournage, en 1975, du film Çamt er-ramadh d'après son roman Le Silence des cendres, réalisé par le regretté Youcef Sahraoui. Beaucoup, parmi les jeunes, parmi les moins jeunes, lui ont fait savoir qu'ils avaient lu ses livres. Après cet émouvant intermède, le déroulement de la remise des récompenses aux élèves a repris son cours. La seconde partie de la manifestation a pris une large plage de temps. Enfin, au micro, on appelle l'écrivain Hamri Bahri à prendre la parole. Il rappelle l'objet de la manifestation, le vrai sens à donner à Youm el Ilm et, ayant salué la présence de M.Amine Zaoui et l'ayant remercié de l'aide qu'il apporte, selon les moyens dont il dispose, au développement des bibliothèques municipales, il souhaite la bienvenue à l'écrivain Kaddour M'Hamsadji et prononce quelques mots d'éloge au sujet de ses écrits. Ensuite, M.Amine Zaoui est invité à la tribune. Du geste, désignant la scène, il entend rappeler le souvenir que, là même, se sont produits, dans le passé, de grands artistes algériens: Bachetardji Mahieddine, Keltoum, Touri, Rouiched, et tant d'autres, s'attachant à évoquer ainsi une époque légendaire des auteurs et artistes algériens. Puis il se donne le temps de replacer Youm el Ilm dans un contexte plus large, national, et d'expliquer que le rôle du livre est de dispenser le savoir. Il fait allusion aux bienfaits de la lecture, engage les élèves qui sont dans la salle à lire et affirme l'intérêt porté par le jeune public au 2e Salon International du livre de jeunesse d'Alger. Puis, moment d'intense émotion, se tournant vers Kaddour M'Hamsadji, M.Zaoui se plaît longuement à dérouler comme un parchemin quelques étapes biographiques de l'enfant de Sour El Ghozlane, devenu grand écrivain, aujourd'hui parmi les siens qui ont tenu à l'honorer. Il évoque la formation de cet écrivain de talent; il cite le titre de ses oeuvres, souligne leur importance dans la littérature algérienne et l'écho produit dans notre pays et à l'étranger de certaines d'entre elles comme Le Silence des cendres qui a été traduit en chinois, en 1965. Il mentionne l'apport de ses recherches dans le domaine de notre patrimoine immatériel comme Le Jeu de la boûqâla et, tout particulièrement, d'une part ses relations amicales avec Moufdi Zakaria, Tewfik El Madani, Kateb Yacine, Malek Haddad, Cheikh Mohamed Laïd Khalifa, Djouneïdi Khalifa, Abdelhamid Benhadouga et tant d'autres grands écrivains et, d'autre part, sa contribution à la création de l'Union des écrivains algériens, le 28 octobre 1963, dont Mouloud Mammeri a été président et lui, secrétaire général adjoint. Mais lorsque Kaddour M'Hamsadji est monté à la tribune pour recevoir les magnifiques présents qui lui ont été offerts par la ville, se sont élevées de longues et puissantes ovations. Etreint par une émotion trop forte, il prend quand même le micro et remercie «Ahl Sour El Ghozlane», ses amis, ses camarades, l'assistance, les autorités de la ville. Et c'est alors le délire, quand d'une voix tremblante, il déclare avec une grande modestie: «Si j'étais grand poète, je chanterais de toutes mes fibres Sour El Ghozlane; si j'étais historien émérite, je dirais tout le passé glorieux de Sour El Ghozlane, de ses chouhada et de ses héros vivants; si j'étais romancier génial, je raconterais avec ma plus belle plume le peuple de Sour El Ghozlane.» Les ovations ont fusé de toutes parts. Plusieurs personnes ont envahi la scène. Lorsque l'écrivain, vacillant de bonheur et d'émotion, en est descendu, qui ne lui a-t-il pas posé des questions sur ses oeuvres qu'il a lues ou qu'il voudrait lire, qui ne lui a-t-il pas déclaré qu'il avait été, à une époque lointaine, son élève à Sour El Ghozlane, qui n'a-t-il pas voulu l'embrasser, prendre une photo avec lui? Des groupes entiers, des personnalités de la ville, des personnes âgées, des jeunes gens, des parents d'élèves, des amis, des camarades sont restés longtemps autour de lui pour lui poser une multitude d'autres questions dans l'espoir de retarder son retour imminent vers Alger et pour lui faire promettre de revenir bientôt à Sour El Ghozlane. Kaddour M'Hamsadji leur promet de revisiter sa ville natale. Gageons que ce Youm el Ilm ne sera pas vite oublié par la population de Sour El Ghozlane!
