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Le pouvoir d'un livre impossible
TROIS JOURS CHEZ MA MÈRE DE FRANÇOIS WEYERGANS
Publié dans L'Expression le 13 - 06 - 2007

Face À son double, l'écrivain est-il un homme désemparé? Fait-il peur à tout le monde?
Les editions Sédia (Algérie) viennent de rééditer Trois jours chez ma mère(*) de François Weyergans, un roman auquel le Prix Goncourt, l'un des plus prestigieux prix littéraires de France, a été attribué, le 3 novembre 2005, au second tour par 6 voix contre 4 à Michel Houellebecq (né en 1958 à la Réunion, département français) qui, lui, avait été pourtant longtemps annoncé par une immense campagne médiatique comme le grand favori. Le choix final, en faveur de François Weyergans, écrivain et réalisateur belge francophone, né le 9 décembre 1941 à Etterbeek (Bruxelles), aurait été arrêté, selon le secrétaire général de l'Académie Goncourt, pour ainsi convaincre de la pleine et entière indépendance du jury du Goncourt.
Aussitôt, le livre intrigue les gens de lettres françaises et leur donne le vertige par sa vive originalité. Il irrite autant qu'il charme. Il fait son chemin de gloire grâce à ses qualités littéraires, bien sûr, et grâce aussi à l'auteur lui-même déjà célèbre par ses oeuvres romanesques dont plusieurs avaient été distinguées par un prix littéraire, par exemple, le Prix Rossel pour Macaire le Copte, 1981, le Prix Méridien des quatre jurys pour Le Radeau de la Méduse, 1983, le Renaudot pour La démence du boxeur, 1992, le Grand prix de la langue française pour Franz et François, 1997.
Il faut dire aussi que la critique française s'est saisi de Trois jours chez ma mère comme d'une vraie affaire éditoriale qui serait arrivée juste au moment où personne ne l'espérait plus, ni les lecteurs fidèles de l'auteur, ni surtout son dernier éditeur Grasset qui attendait ce livre promis par l'écrivain. Mais, bien que François Weyergans ait eu peut-être «plus de remords que de regrets», l'exécution de sa promesse a été chaque année différée, depuis huit ans, exactement depuis la publication fameuse de Franz et François, allusion dédiée à son père Franz Weyergans, écrivain lui aussi et critique d'art, et à lui-même.
Le romancier François Weyergans serait-il donc tombé en panne d'idées, durablement? Il n'écrit plus une seule ligne; c'est «un homme désemparé», qui reste écrivain, malgré tout, mais qui ne produit pas! Il se rend la vie impossible. Peut-être est-ce une ruse, car pressé par l'injonction morale de publier, il fait l'aveu d'écrire la nuit, dans le silence de la nuit: «Ce n'est pas de l'insomnie, c'est un choix technique.» Tout, sans doute, le dispose alors à écrire, à faire bouger les choses, à mettre «l'humour très en avant», à brusquer les habitudes, à mêler ce qui est drôle et ce qui est tragique, sans trop de moquerie, quand même! Nous sommes en plein dans le plus merveilleux délire de l'imagination d'un écrivain à l'esprit assez malin pour faire croire que le roman qu'il est en train d'écrire, il ne pourrait le terminer. Il revient sans cesse à son écriture, une réécriture de l'histoire qui sûrement n'aura ni début, ni milieu, ni fin, qui n'a pas encore commencé, qui emprunte des chemins tortueux, des retours au point de départ, qui repart pour n'importe où, mais toujours à la recherche de souvenirs, les siens, qui prouveraient a contrario sa volonté consciente de lutter contre le démon de la procrastination. Ayant déjà écrit sur son père dans Franz et François, François Weyergans veut maintenant parler de sa mère, Marie. Il tient le titre de son ouvrage: «Trois jours chez ma mère». Or, il est en proie à l'impossibilité d'écrire ce que l'on attend, ce qu'il a promis, ce qu'il s'est promis: une histoire qui valoriserait sa compagne Delphine, ses deux filles, Zoé et Woglinde «deux femmes adultes, capables de voir que leur père est dans le pétrin», son père mort et ses cinq soeurs. Il insisterait tout particulièrement sur le portrait de sa «chère mère octogénaire», très attachante et très pure, qui fait lever en lui un sentiment de culpabilité de ne pas la voir suffisamment. Il avoue: «Je me dis presque chaque jour que je devrais descendre lui rendre visite dans cette maison des Alpes-de-Haute-Provence où elle vit seule, mais je ne m'y décide jamais.» Se rappelant ses premiers essais dans la peinture qui aurait dû faire partie de sa vie et les courts et moyens métrages qu'il a réalisés (depuis Béjart, en 1962 à Couleur Chair, en 1978), il n'hésite pas à confier: «Je suis un cinéaste qui ne filme pas.» Serait-il donc aussi «un écrivain qui n'écrit pas?» Malice? Subterfuge? Coquetterie d'homme de lettres célèbre? Effet d'annonce publicitaire pour rabattre davantage de lecteurs qu'à nul autre moment de sa vie d'écrivain?
De quoi est-il question dans ce roman? Avec une obsession fixe et rare, François Weyergans se raconte à travers trois personnages créés qui se ressemblent. Sous le pseudonyme de François Weyergraf (le narrateur qui aura «bientôt soixante ans»), invente et charge Weyerstein qui invente et charge Graffenberg qui invente et charge étrangement Weyerbite d'écrire l'histoire d'un livre, alors qu'il n'en a plus envie. Chacun d'eux, se prénommant François, se donne la liberté de faire le récit d'une vie d'écrivain, celle-la même que ne peut écrire l'écrivain François Weyergans sur sa mère attachante et pure, sur la famille, le couple, le milieu de l'édition...Tout concourt à une mise en abîme construite, déroutante, fascinante. Avec audace et subtilité, dans un style fluide et mordant, chacun de ces écrivains élus, masqué ou non, tendre ou amer, humble ou vantard, y va de ses longues digressions, de ses souvenirs disloqués, de ses amours licites et illicites, de ses fantasmes débridés, de ses déboires, de son opinion sur l'actualité dans le monde, de ses escapades fulgurantes et provocantes, de ses multiples problèmes de la vie de tous les jours, de la vie tout court. Et sans jamais perdre de vue que chacun des trois personnages écrivains, à tour de rôle, a promis à sa mère d'aller passer trois jours chez elle!...Effectivement, l'angoisse de François, le dernier des écrivains, va, dans les dernières pages, s'apaiser et monter comme un chant de profonde tendresse pour sa mère. Victime d'une mauvaise «chute dans le jardin de 1 mètre de hauteur», elle lui aura donné enfin la clé, celle qui lui aura permis d'entrer de nouveau dans le bonheur d'être un écrivain productif. Retourné à Paris, il pense à elle: «Ce soir, j'aurais aimé lui envoyer un fax, j'aurais aimé lui écrire que je viens de mettre le point final à un livre que j'ai décidé de terminer quand, après sa chute, j'ai passé trois jours chez ma mère.» Mais encore le mystère demeure entier pour le lecteur qui doit vivre la hantise d'interpréter obligatoirement la chute et démêler les signes de la leçon qu'il faut retenir de ce livre original: la fin de la mère et la fin du livre, le plus tard possible...
Mais quel serait le sentiment de l'Algérien après avoir lu Trois jours chez ma mère de François Weyergans? Je crois qu'il réagirait comme le lecteur français qui aura aimé l'ingéniosité et l'écriture de ce livre, qui aura peut-être aussi émis quelques réserves sur son univers littéraire impersonnel et dispersé et sur certaines réflexions trop communes, trop superficielles pour maintenir l'enthousiasme et la virtuosité des émotions suscitées dans bien des pages. Incroyable mais vrai, François Weyergans est assez grand artiste pour faire de la désinvolture une exquise délicatesse.
Pour le lecteur algérien, féru de littérature universelle, comme je sais, il est une raison supplémentaire d'apprécier Trois jours chez ma mère de François Weyergans. Le livre est intéressant à découvrir ne fût-ce, suis-je tenté de dire, que pour les symboles qui parsèment le récit et mettent l'Algérien devant un bien proche de sa propre culture qu'il vénère. Ces symboles, considérés comme sacrés ou rappelant à l'homme qu'il est tenu à certains devoirs, vont sûrement retenir l'attention qui attache une grande importance aux observances traditionnelles. Deux exemples suffisent, et ils se trouvent dans le titre «Trois jours chez ma mère» et dans ce roman de François Weyergans. Le vocable «mère», dans la société algérienne musulmane, évoque l'absolu devoir de valoriser celle «qui a mis au monde», celle «à qui on doit le jour». Il est recommandé à l'homme sa mère trois fois de suite, ce qui reflète le privilège de la mère et la place honorable de la femme dans la société musulmane. Quant au nombre «trois», il joue un rôle assez marqué dans la croyance populaire qui préjuge d'une influence décisive exercée par ce nombre sur le déroulement de la vie. Ainsi, traditionnellement, la durée de l'hospitalité est de trois jours. Ainsi un trait d'esprit pour rejoindre les délices de ce monde et qui sont au nombre de trois et sont charnels: manger de la chair, monter sur de la chair, et introduire de la chair dans la chair, ce qui ajoute du piment aux situations scabreuses dont se vante François Graffenberg sous la plume de François Weyergraf, le narrateur obligé.
Le livre, comme la discussion sur ce livre, reste ouvert.
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(*) TROIS JOURS CHEZ MA MÈRE
de François Weyergans
Editions Sédia, Alger, 2007, 210 pages.


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