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Un nouveau monde avec des idées novatrices
ANALYSES DES LECTURES DE L'ETE 2007
Publié dans L'Expression le 12 - 09 - 2007

Il est en effet temps de faire confiance aux nouvelles générations, notamment pour bâtir un Etat de droit, objectif de notre temps.
Durant ce long été 2007, pour tout intellectuel, lire ou relire, acte vital de toujours, des oeuvres nouvelles ou anciennes, est un moment de répit et d'évasion. La crise multiforme est profonde dans le monde entier, mais plus encore au sein du monde arabe, dominé et divisé, cible de plus en plus de tant de complots, victime, à la fois, des siens et des autres. Il est clair que l'on ne peut plus continuer à subir passivement les événements externes et internes. Une vision stratégique d'avenir, pour sortir concrètement du marasme, passe par des idées claires et le dialogue des cultures, segment-clé des enjeux.
La démocratie à venir
Notre monde actuel est particulièrement cruel, les relations internationales ne sont pas démocratiques et la démocratie est si peu visible dans nombre de sociétés. Le mensonge, la violence et le cynisme dominent. Trois ouvrages analysent la question. Le premier de Jacques Derrida intitulé de manière claire conforme à la réalité: Voyous. Le philosophe, avec qui j'ai débattu (1), pour se faire entendre parle démocratiquement de la démocratie. Il annonce que la philosophie occidentale n'a pas de philosophie de la démocratie, à tout le moins une certaine pensée élaborée de la liberté. Il précise que les Etats voyous ne sont pas seulement ceux que l'on croit. La démocratie fait défaut à l'ordre dominant. Derrida confronte des concepts encore obscurs, comme le politique; le droit; la justice; pour penser une démocratie à venir. Pour ce grand philosophe de la modernité, la démocratie est liée à la sécularisation, tout en reconnaissant que cela est ambigu, car les concepts restent marqués par l'histoire théologique occidentale. Le jugement à l'endroit des régimes autoritaires, s'accompagne d'une critique sans concession des déficits démocratiques dans le monde et de la déconstruction de ce concept sans concept, qu'est la démocratie.
Jean-Luc Nancy dans La création du monde ou la mondialisation, éditions Galilée, pose aussi des questions décisives. Puisqu'il ne s'agit plus de maîtriser l'avenir, si incertain, comment regarder devant nous, là où rien n'est encore visible, pour faire face aux défis de la mondialisation, réservée à l'évidence à l'économique et à la technique et si peu à un projet de vie qui ait du sens dans la Cité? Ce qui peut signifier, nous dit ce penseur de l'ouvert, que cela réside dans le fait que le capitalisme ne parvient pas à absorber toute signifiance dans la marchandisation du monde. La question du sens se pose plus que jamais. Pour Nancy, la coexistence et le conflit de moments différents de l'histoire du monde moderne sont à penser. Une façon de repenser la création d'un nouveau monde hors de ses influences traditionnelles. Il est en effet temps de faire confiance aux nouvelles générations, notamment pour bâtir un Etat de droit, objectif de notre temps.
René Major, de son côté, dans un ouvrage tout aussi passionnant, intitulé La Démocratie en cruauté paru aux éditions Galilée, nous dit que la cruauté est devenu un nom du monde. La démocratie se voit progressivement vidée de son sens. La crise de la souveraineté des pays, le déficit en démocratie et la cruauté de l'homme sont-ils les phénomènes de notre temps? Major se demande, par exemple, en quoi est-il légitime ou possible de soutenir l'absolue souveraineté d'un Etat comme les USA, et de combattre la souveraineté ailleurs? Il est urgent de dialoguer avec le peuple américain ami pour préparer l'avenir. On a pour tâche de se faire connaître, car personne ne le fera pour nous. L'enracinement de la vie politique et culturelle d'un peuple est fondamental pour pouvoir dialoguer et s'inscrire dans le progrès. Il faut se souvenir pour se projeter, raisonner et s'ouvrir au monde, sinon le Sud continuera à vivre dans la dépendance, notamment vu l'absence de débat. Freud, nous dit Major, précise que le problème est dû à l'absence de la prédominance de la raison. Dans la confusion entre le national et le mondial, et au vu des dérives de l'irrationnel et des méfaits des idéologies obscurantistes, il est urgent de raisonner et de se garder de toute hégémonie et excès, et partant, de ne pas mépriser les valeurs des autres.
Diviser pour régner est une tactique, mise en pratique aux dépens du monde arabe pour l'affaiblir. Il est évident que de plus en plus de discours et d'actes de nombre de puissances ont pris pour cible le monde arabe, perçu comme le nouvel ennemi. Zone clef sur les plans énergétique et géostratégique, et détentrice de la seule version culturelle et religieuse singulière qui résiste à l'uniformisation. Pourtant, les offres de paix, l'intégration sacrificielle au nouvel ordre voire les soumissions caractérisent les Etats arabes. Le règlement définitif juste et global du conflit israélo-arabe, en particulier celui de la cause palestinienne sont le passage obligé pour un nouvel ordre international juste. Un livre, publié aux éditions la Découverte, intitulé Juifs et musulmans, une histoire partagée, un dialogue à construire, qui récapitule l'histoire mouvementée du rapport judéo-musulman, vient à point nommé pour réaffirmer la nécessité du dialogue en lieu et place de la destruction. Sous la direction de deux éminents universitaires, engagés pour le rapprochement entre les peuples, Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, des intellectuels, inspiré par une démarche citoyenne, invitent à réfléchir sur ce qui unit autant que ce qui divise. Ils s'efforcent d'apporter dans la sérénité des éléments d'un savoir clair afin de tenter de frayer les voies d'une connaissance mutuelle, prélude au besoin de la coexistence et du vivre ensemble. En cette ère des mémoires et du besoin légitime de lier paix et justice, cet ouvrage est un signe d'espérance, pas seulement pour les utopistes, mais pour tous ceux qui savent qu'il n'y a pas d'alternative au dialogue.
Une relation mérite, de même, de la considération, celle du rapport à l'autre, en l'occurrence au féminin. A ce sujet, un bel ouvrage, sous le titre prometteur Le féminin et l'amour de l'autre, édité chez la prestigieuse maison d'édition Odile Jacob, d'une psychanalyste attentive au droit à la différence, France Schott-Bilmann, s'interroge sur le rapport du féminin et du masculin à travers les cultures occidentales et orientales. En conjuguant les apports de l'art et de la science, elle essaie d'éclairer les mystères du féminin, enjeu de débats, d'autant que nul n'a le monopole du respect de cette dimension. En Méditerranée, tout est lié. Notre berceau commun est le lieu des échanges, bien plus que de confrontations. A ce sujet, Paul Balta et Claudine Rulleau, écrivains et journalistes, intellectuels des deux rives, viennent de publier aux éditions Les essentiels Milan, un livre agréable à lire, intitulé La Méditerranée berceau de l'avenir, concis et précis, pour rappeler au monde que les Méditerranéens confrontés à la mondialisation veulent préserver leurs valeurs et tenter d'édifier en commun leur avenir.
Crise de civilisation
La cruauté de notre époque et les incertitudes de l'avenir nous obligent à revoir pourquoi le cycle des civilisations est en net déclin actuellement. Relire Ibn Khaldoun, premier théoricien majeur de la problématique, c'est ce que Abdesselam Cheddadi, historien, nous fait redécouvrir dans un nouvel ouvrage intitulé: Ibn Khaldoun-L'homme et le théoricien de la civilisation, publié aux éditions Gallimard. Il s'agit pour l'auteur de placer l'oeuvre du grand sociologue dans le contexte de la culture arabo-musulmane et de commenter la théorie scientifique de la civilisation proposée par le penseur maghrébin du XVe siècle. Tout le problème réside dans le fait que le monde arabe, plus que d'autres régions du monde, souffre aujourd'hui de la faiblesse de la pensée, faute de vie politique et intellectuelle conséquente, même si la situation est hétérogène. Dans notre pays la liberté d'expression, le niveau de conscience et la culture de la résistance sont, malgré toutes les pesanteurs, les contradictions et les insuffisances, une réalité, héritage de l'épopée de Novembre. Le peuple n'est pas dupe. Un auteur moderniste tente de répondre à la question du défi de l'humanisme que l'Occident prétend seul développer. Il s'agit de Mohamed Arkoun dans son récent livre Humanisme et Islam, (2) publié chez Vrin. Parler d'humanisme en ces temps de violence peut paraître paradoxal. Pourtant l'historien de la pensée islamique tente d'interroger l'histoire de la culture en usant de la méthode comparative, afin de démontrer qu'il fut un temps, selon son appréciation, entre l'an 800 et 1100, où l'humanisme de l'Islam était une réalité. Ce livre ouvre de nouveau le débat sur les causes des échecs des pays arabes contemporains. Il s'interroge sur les conditions historiques et culturelles qui ont conduit à l'affaiblissement de la pensée universelle dans nos sociétés ainsi que le déclin du statut de l'intellectuel, et sur le fait connu que l'ère postnuit coloniale, de libération des territoires, a généré des désenchantements. Un autre intellectuel, Abdelwahab Meddeb, s'interroge aussi sur les dérives de l'obscurantisme dans les sociétés de la rive Sud. Dans un livre éloquent intitulé Contres prêches, édité chez le Seuil, ce libre penseur, écrivain et poète, livre des arguments pour réfuter les discours extrémistes. Il tente de réconcilier culture ancestrale et humanisme et n'occulte pas les questions qui assaillent tout esprit moderne.
Une forme de critique dont les sociétés du Sud aux prises avec tant de pesanteurs ont besoin pour s'adapter au siècle. Libérer le fait culturel et religieux du dogmatisme et de la pratique politique du monopole est une oeuvre de toujours. Reste à prendre en considération des valeurs de sens que le peuple profond n'a pas abandonnées et qui constituent le socle de son identité, valeurs qui dépassent le matérialisme et le libéralisme sauvage. Les Infidèles, édité par Grasset, est le titre d'un livre passionnant d'un psychanalyste, Jean-Michel Hirt, qui avec un sens de l'objectivité s'intéresse aux cultures monothéistes, en particulier à l'Islam. A la racine de sa réflexion, il y a, dit-il, les paroles de ceux qui ont traversé des épreuves d'oppression dans leur être ou dans leur ascendance et qui, en analyse, sont engagés dans la remémoration de ces faits de violence qui tardent à devenir pour eux des événements psychiques. Il y a aussi les écrits de ceux qui ont supporté de telles violences, résistants de justes causes, et qui, pour leurs contemporains infidèles avides de les oublier, réussissent à en transmettre quelque chose malgré les «verrous», soit tout ce qui s'y oppose en eux et à l'extérieur d'eux.
Ce livre est un exemple et reflet de l'interaction possible entre les valeurs morales et la vie psychique.
Le rapport étroit au mystère de la vie, à l'au-delà du monde et l'approfondissement de la foi pour accéder au degré du bel agir, el Ihsan, s'appelle ettassawuf, ou soufisme.
Un universitaire islamologue, Eric Geoffroy, met en relief dans un intéressant ouvrage, intitulé Initiation au Soufisme, paru chez Fayard, à la fois la spécificité et l'universalisme du soufisme, en tant que «science ou connaissance de l'intérieur». Voie spirituelle capable de garder le cap sur l'ouvert et le lien entre le coeur et la raison; réel antidote aux dérives de toutes les désorientations, crispations et idéologies fermées.
Un autre ouvrage d'un maître spirituel incomparable, Cheikh El Akbar Ibn Arabi, intitulé L'Alchimie du bonheur parfait, Kimiya el Saada, qui constitue une traduction par Stéphane Ruspoli, d'un chapitre de son monumentale oeuvre Livre des futuhates el Mecquya, est paru aux éditions Berg International, est une grande brise d'air, magnifique en ces temps de rareté du bonheur. Orienter le chercheur de sens spirituel vers l'ouvert à travers le voyage initiatique est la visée du célèbre mystique. Sérénité, persévérance, débats, engagement pour plus de justice, amour de la patrie, ce sont tous ces messages et réflexions que l'été 2007 à travers ces livres nouveaux ou anciens, nous lègue, au-delà de toutes les désillusions et inquiétudes.
(1) Islam-Occident, rencontre avec Jacques Derrida, édition Odile Jacob, Paris 2006 et Barzakh, Alger.
(2) L'ouvrage d'Arkoun paraîtra aux éditions Barzakh, Alger, à la fin du mois d'octobre.
www.mustapha-cherif.com


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