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Qui se souvient de la falsafa?
LA CULTURE UNIVERSELLE
Publié dans L'Expression le 03 - 01 - 2008

En ces temps de la désorientation et des égoïsmes, se souvenir de la falsafa sera sans doute salutaire pour accéder à l'universel.
Autant qu'à la métaphysique, aux mathématiques, à la cosmologie et à la jurisprudence, les penseurs musulmans, de Baghdad à Cordoue, de Béjaïa à Fès, se sont intéressés à la recherche de la cité idéale et aux questions essentielles: Pourquoi? Comment et vers quoi? Ces questions sur le sens de la vie et la nécessité d'apprendre à vivre, la falsafa, philosophie arabe, les a examinées et approfondies pour son temps. Si la majorité des études, traités, sentences et travaux de toutes sortes concernent principalement le rapport au Tout Autre, c'est-à-dire comment bien adorer Dieu, l'Absolu, la réflexion sur la meilleure façon de donner l'exemple dans le rapport à autrui et de bâtir une société juste, de comprendre et de mettre en pratique la sagesse de la vie n'est pas négligeable. Le naturalisme de l'Islam, son sens de l'équité et le rapport juste aux autres, comme conditions d'une foi authentique, ont facilité l'étude scientifique de la nature, de l'homme et de la société. C'est pourquoi, malgré les dérives tardives -rupture entre la raison et la foi, juridisme soucieux de codifier les comportements, intérêt porté aux apparences et à la gestuelle du fait de l'appauvrissement de la pensée et de la limitation des libertés-, la culture musulmane, durant près de mille ans, n'a pas coupé, dans la vie quotidienne, avec l'esprit d'ouverture et l'exigence de la pensée. Aujourd'hui, vu le désert culturel et la complexité des problèmes, qui se souvient de la falsafa?
Oubliée et marginalisée
Comme les croyants des autres religions monothéistes, mais de manière plus marquée, les musulmans d'hier, qu'ils soient savants ou peu instruits, pensaient à juste raison que leur culture ouvre une possibilité irremplaçable de faire face aux épreuves de la vie et de dépasser les difficultés et les illusions de l'existence en réfléchissant.
Aujourd'hui, cette activité humaine majeure, que la falsafa symbolise, est comme oubliée et marginalisée. Qui veut faire des études de philosophie et quelle place cette noble discipline occupe-t-elle dans les cursus universitaires et scolaires? Elle est devenue parent pauvre, alors que nombre de problèmes qui se posent aujourd'hui sont souvent de son ressort. Les principaux penseurs classiques ont traité des questions clés, sous différents angles, de la relation à l'universel et entre les musulmans et les non-musulmans: le dialogue avec les autres cultures, savoirs et civilisations; le rapport entre la religion (la sienne) et la philosophie (celle de l'autre) et réciproquement. La question de la solitude et de la sociabilité; la capacité d'accès aux progrès; le lien entre les différents groupes et corps sociaux; le lien entre les masses et les élites; et bien d'autres thèmes se rapportant à la question de la différence attendent d'être de nouveau repenser. De manière consciente et directe, la plupart des grands penseurs musulmans ont évoqué le thème de la relation entre les mondes et entre les différentes visions de la vie; ces questions ont été abordées comme des sujets naturels, logiques et majeurs. Qui se souvient de leurs travaux, dans leur diversité, philosophique, sociologique et mystique, d'Al Farabi à Ibn Sina, d'Ibn Rochd à Ibn Arabi et Ibn Khaldoun?
De manière intuitive ou démonstrative selon les approches, les questions fondamentales telles celles de la justice de la liberté, du vivre ensemble, de la vérité, ont été très tôt prises en considération. L'histoire des idées en Islam montre que la dialectique ouverture/fermeture est au centre des préoccupations et des luttes. Même si des forces de régression, d'exclusion, de fermeture ont, perturbé parfois le cours des événements, la sensibilité de la majorité des élites, comme celle du peuple, restait fidèle à l'ouverture et à l'amour du savoir.
Un exemple, Ibn Rochd (Averroès XIIe siècle), le grand commentateur d'Aristote, traite de la question du rapport de la foi et de la raison avec la force du penseur et du croyant. Il faut dire que le chemin emprunté par Averroès pour traiter de la question politique est singulièrement original. Le philosophe a concentré son attention sur le thème du rapport entre politique et éthique, entre morale et politique, entre raison et foi. Cette approche est politique. Le débat entre falsafa et religion, raison et foi, spécificité et universalité, fait jaillir la question de l'engagement des penseurs et intellectuels. Cette possibilité se réalise, pour Averroès, du fait de la nécessité de saisir la question de la relation dans la Cité, sur la base de l'ouverture à l'autre, sans laquelle il n'y a pas possibilité de vivre ensemble. Abderrahmane Badawi, un des historiens de la vie et de l'oeuvre d'Averroès, précise que, pour étudier la politique chez notre philosophe, nous avons son commentaire de La République de Platon et celui de la Rhétorique d'Aristote. Averroès lui-même, dans son commentaire de La République, écrit: «La première partie de cet art, la politique, est contenue dans le livre d'Aristote intitulé Nicomachea, et la deuxième partie dans son livre intitulé Politica.» À propos de ces différences d'approche, entre l'islam et l'Occident, l'islamologue Henry Corbin écrit: «On ne redira jamais trop que certains problèmes qui ont absorbé la chrétienté n'ont pas forcément la même forme ni leur équivalent exact en Islam.» L'ouverture, pour Averroès, se réalise par le fait d'interpréter, d'une manière inconditionnellement rationnelle, une réalité politique où rien n'est donné d'avance. Il ne s'agit pas de rechercher le consensus à tout prix et de vouloir accorder pour accorder, ni, pire, de figer ou opposer, mais de saisir et de maîtriser le lien et la tension entre les différentes visions politiques et dimensions; du vivre ensemble où l'autre doit avoir une place, sans que l'on en devienne pour autant l'otage. Cela suppose qu'il soit reconnu que la critique et la raison doivent pouvoir s'exercer d'une manière inconditionnelle. Penser vrai se fonde sur cette inconditionnalité de la raison, pour former un être libre. De même, obéir à la loi, aux principes des devoirs, c'est s'inscrire dans la liberté responsable.
La politique et, partant, la relation à l'autre différent dans la Cité ont retenu l'attention d'Ibn Rochd d'une manière singulière. Il a précisé l'importance du lien entre les deux niveaux, le politique et l'autre différent: «L'homme a besoin de l'autre pour acquérir la vertu. C'est pourquoi il est un être politique par nature.» Pour Averroès, il y a du politique au sens noble dans tout individu, reste à penser comment vivre ensemble. Si, selon ce philosophe, l'homme n'a pas la possibilité de percevoir directement comment y parvenir, il doit dialoguer, débattre et s'ouvrir par l'intellect. Pour asseoir sa théorie, Averroès se servit de nombreux versets du Coran, médités par les mystiques, et dont la symbolique lui était fort utile. Il fait ainsi référence, par exemple, dans un de ses textes, au verset où le prophète Moïse demanda à Dieu de se montrer à lui, et où Moïse reçut cette réponse: «Tu ne me verras pas; regarde cette montagne: si elle reste immobile à sa place, tu me verras.» Mais lorsque Dieu se manifesta sur la montagne, il la réduisit en poussière et Moïse tomba évanoui. Pour que l'être humain puisse saisir et voir en signes le sens de la vie, et qu'il puisse apprendre à vivre, il lui reste la réflexion, l'ouverture sur ce qui est, à commencer par l'autre, dont la présence, comme l'interpellation réciproque qu'elle permet, lui est bénéfique.
La vertu du dialogue
L'intellect passif et la fermeture sont, au contraire, nuisibles; ils constituent des obstacles à la réalisation de la vie en société. Ibn Rochd démontre la nécessité du dialogue entre les individus, les peuples et les cultures, par-delà toutes les différences, avec, comme dénominateur commun, la raison, celle-ci devant être à la fois inconditionnelle et éclairée par la parole divine qui recommande le raisonnement. L'originalité réside dans le fait que les injonctions divines fondent l'autonomie et la responsabilité de la raison. La Révélation, en intervenant dans le temps des hommes, ne ferme donc pas la possibilité de penser; bien au contraire, elle oriente l'être humain en vue de l'amener à réfléchir et assumer ses responsabilités. Cette voie permet d'abord de respecter ses voisins, d'accueillir l'autre, en tant qu'autre, l'étranger avec l'étrangeté de la différence et, par là, de réaliser la justice. Elle permet ensuite d'assumer les changements, les transformations et les bouleversements produits par la marche du temps. Elle permet enfin d'accéder, autant que faire se peut, au sens plénier de la vie. En ces temps de la désorientation et des égoïsmes, se souvenir de la falsafa sera sans doute salutaire pour accéder à l'universel.
(*) Spécialiste en relations internationales
www.mustapha-cherif.com


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