L'Algérie est en mesure de relever toute sorte de défis !    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    Une nouvelle ère de rigueur pour l'investissement    Les conséquences pour le monde    29 millions de personnes vivent l'instabilité    Aussi meilleurs que les Fennecs    Carlos Alcaraz conserve son titre face à Jannik Sinner au bout d'une finale légendaire    Témoin des atrocités coloniales dans les zones rurales    Unité des rangs et actions héroïques ancrées dans la mémoire nationale    Oran, ville méditerranéenne et métropole    Loi sur la prévention des stupéfiants: importance de l'utilisation des technologies dans l'application des dispositions    Energie-Mines: examen des perspectives de coopération entre les entreprises algériennes et l'entreprise Mitsubishi Power Aero    Foot/Amical: défaite de l'Algérie face à la Suède (4-3)    Camps d'été 2025 : Hidaoui préside une rencontre de coordination sur les préparatifs en cours de la saison    Le succès de la saison du Hadj réalisé grâce à la coopération fructueuse entre toutes les composantes de la Mission algérienne    Accord de coopération scientifique entre l'Université Belhadj Bouchaib d'Aïn Temouchent et l'Université de Houston, USA    Boughali reçoit l'ambassadeur de la République populaire de Chine en Algérie    Tissemsilt: la Moudjahida Safou Fatma inhumée à Lazharia    Oran: la revue "Afak Sinimaïya" met en lumière le rôle du cinéma algérien dans la dénonciation du colonialisme français    Les projections du film "La gare Aïn Lahdjar" se poursuivent à travers tout le territoire national    Mascara : commémoration du 67e anniversaire du martyre de l'artiste Ali Mâachi    Le Front Polisario affirme que toute tentative de violation des droits du peuple sahraoui est vouée à l'échec    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Salvador    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'élève à 54981 martyrs    Décès de l'ancien président de la Ligue régionale de football d'Oran Ahmed Bensekrane    ONU : la question sahraouie au menu mardi de la session du Comité spécial de la décolonisation    Le ministère de la Santé rappelle les précautions à prendre durant la canicule    Le big test avant les matches officiels    La baguette normale devient un luxe    Les mensonges des impuissances européennes    Se libérer de la rente des hydrocarbures et accélérer les réformes pour une économie diversifiée dans le cadre des valeurs internationales    La canicule annonce ses risques à venir    Des initiatives solidaires à l'occasion de l'Aïd El-Adha    Amical/Suède-Algérie: test révélateur pour les "Verts"    Mise en service de trois centres de proximité de stockage de céréales    Une série d'accords signés entre l'Algérie et le Rwanda    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le débat sur la réforme du monde musulman
PROGRÈS ET AUTHENTICITE
Publié dans L'Expression le 16 - 10 - 2008

«A chaque siècle, contre les menaces intérieures plus souvent encore que contre celles de l´extérieur, l´Islam a puisé en lui-même l´énergie salvatrice.»
L´avenir de la Tradition entre révolution et occidentalisation est le titre d´un nouvel ouvrage, paru chez les éditions Rocher, fruit d´une étude approfondie sur la problématique-clef "authenticité et modernité" qui devrait aller de soi en Islam, mais que le monde musulman a des difficultés à mettre en oeuvre aujourd´hui. L´auteur, Charles Saint-Prot, directeur de l´Observatoire d´études géopolitiques et chercheur à la Faculté de droit de Paris Descartes, considère, d´emblée, que le troisième rameau monothéiste reste mal compris, réduit à des clichés souvent hostiles, imaginé comme enfermé dans une tradition archaïque incapable de s´adapter au monde moderne.
Sans omettre qu´une des causes des préjugés est le mauvais comportement de certains de ses adeptes, il précise que: "L´incompréhension, teintée d´hostilité, dont souffre le monde musulman, n´est pas nouvelle. Au fil des siècles, toute une mythologie s´est tissée autour de l´Islam. En février 1862, Ernest Renan déclarait, dans sa leçon inaugurale, au Collège de France, que les "peuples qui sont gouvernés par l´Islam sont condamnés à rester dans la barbarie". Renan ajoutait "l´Islam n´a jamais eu de penseurs" et il croyait pouvoir conclure en prédisant une extinction de l´Islam qu´il voyait à l´agonie! Depuis Renan, rien n´a changé: des clercs et de soi-disant experts, souvent autoproclamés, continuent à juger l´Islam, à le rejeter radicalement et à lancer avec une incroyable hardiesse des "vérités" qu´il faudrait prendre pour argent comptant. "Saint-Prot cite aussi le théologien protestant, Jacques Ellul, qui a présenté l´Islam comme un ennemi irréductible d´un prétendu judéo-christianisme idéalisé et à se faire le chantre d´une nouvelle guerre des civilisations. Inversement, dit-il, "on sait que les penseurs de bonne volonté qui ont tenté de mieux comprendre l´Islam et de plaider pour un rapprochement avec le monde musulman, ont souvent été victimes de calomnies et de dénigrement, voire de persécutions".
Entre islamophobie et archaïsme
Source d´inquiétude pour les uns, énigme pour les autres, l´Islam, note l´auteur, continue à susciter autant d´interrogations que d´hostilité. Périodiquement, l´idée d´un "réveil de l´Islam" est évoquée à propos des agitations politiques ou sociales qui se manifestent dans certains pays musulmans. Tour à tour, la "révolution" iranienne en 1979, des conflits régionaux trouvant leur origine dans des causes géopolitiques (Afghanistan, Balkans, Caucase...), la volonté des pays musulmans d´être des acteurs sur la scène mondiale, l´activisme extrémiste ou terroriste, ont donné lieu à des commentaires sur ce prétendu réveil. Saint-Prot met en évidence que, malgré le fait que tous ces événements résultent de diverses influences qui n´ont rien à voir avec la tradition authentique de l´Islam, cela permet d´entretenir le spectre d´une menace du monde musulman. Il démontre que le mouvement islamique, où qu´il apparaisse, "n´est pas un phénomène social homogène, unifié et monolithique", et qu´il est inexact de parler du réveil de l´Islam. Il considère que le fait que les pays musulmans aient, pour la plupart, été absents de la scène durant l´époque coloniale et perdurent aujourd´hui dans le sous-développement économique, ne permet pas d´affirmer que l´Islam, en tant que foi et système de références morales et spirituelles, n´ait pas continué à être vivant.
Il a raison de mettre l´accent sur une réalité: il ne faut pas confondre l´Islam et des péripéties sociopolitiques et idéologiques qui sont éloignées de l´aspiration au renouveau spirituel. Il met en exergue l´idée que les dérives de poignées d´inauthentiques musulmans ont donné une vigueur à la propagande antimusulmane, l´islamophobie.
L´approche du politologue et juriste s´appuie sur l´hypothèse que, pour comprendre la nature des cultures islamiques contemporaines, il faut être capable de dépasser les clichés monolithiques déformants. L´Islam, dit-il, est souvent présenté comme une religion monolithique et immuable, "objet de peurs, de fantasmes et d´idées reçues tenaces". Il constate que la masse des gens n´a de l´Islam qu´une vague idée, "souvent déformée par les préjugés ou l´image inexacte qu´en offrent certains de ses adeptes". Il déplore que l´Islam soit une religion mal connue. L´auteur de ce livre riche en données géopolitiques et sociohistoriques, remarque à quel point la perception dominante de l´Islam "l´érige en "étrange étrangeté" " comme s´il n´y avait aucune valeur partagée entre l´Islam et l´Occident. Il faut, dit-il, en chercher les raisons dans une histoire faite de confrontations, dont l´espace méditerranéen a été le décor. Il reconnaît que toutes les critiques contre l´Islam ne se réduisent pas à un complot visant à porter des coups au monde musulman, car des musulmans commettent des excès, des outrances qui servent de prétextes à ceux qui voudraient résumer tout l´Islam aux errements des aventuristes. L´auteur observe que pour une étude ou un article consacrés à la civilisation arabo-musulmane, il y en a dix autres qui relèvent de la propagande anti-islamique et appellent à se méfier d´une religion qui serait "incompatible (...) avec les valeurs, les modes de vie et les systèmes politiques des Occidentaux".
Sa recherche montre que la diversité du monde islamique n´exclut pas une solidarité et un même attachement à la foi commune. C´est d´ailleurs cet attachement à une religion qui n´est pas compris par les sociétés sécularisées occidentales, lesquelles ayant "perdu" leurs propres repères spirituels se persuadent que la vitalité de l´Islam ne serait qu´obscurantisme. Cette juxtaposition a atteint son paroxysme après les attentats contre New York et Washington, le 11 septembre 2001. A force de raccourcis, d´amalgames entre religion musulmane et violence, l´Islam est devenu pour certains en Occident une menace. C´est dans ces conditions, précise l´auteur, qu´a été inventée la thèse hallucinée d´un Islam promu comme nouveau danger mondial après l´effondrement du bloc communiste.
Authenticité et progrès vont de pair
De prétendus spécialistes se sont mis à employer des termes islamiques qu´ils ont détournés de leur sens, termes méconnus par le grand public ignorant souvent tout de l´Islam. C´est ainsi que des mots ont été déformés au point de ne plus pouvoir les reconnaître. Il est nécessaire, ajoute-il, de chercher les causes profondes d´un phénomène qui ne peut s´expliquer par des amalgames hasardeux entre l´Islam et des actes condamnables.
Il développe l´idée juste que le radicalisme est avant tout politique; ce qui le caractérise est l´instrumentalisation du religieux par des groupes sectaires pour lesquels la religion n´est qu´un outil de propagande. L´erreur la plus commune, déclare t-il, consiste à juger l´Islam à la seule aune des références qui ont cours dans les pays occidentaux. Du même coup, l´auteur constate que c´est le respect de la diversité culturelle qui est nié et l´un des droits fondamentaux des peuples.
Sur le plan méthodologique le chercheur revient aux sources, celles de l´Histoire et celles des valeurs. Ainsi, la première partie de son ouvrage retrace les lignes de l´histoire et de la pensée de l´Islam pour indiquer comment la Tradition orthodoxe s´est constituée, et dans quelle mesure l´Islam est valable en tous temps. Il met en lumière que le sunnisme considère que les divisions à l´intérieur de la communauté constituent une déchirure catastrophique (fitna).
L´hypothèse de Saint-Prot consiste à tenter de démontrer que Tradition et réformisme, authenticité et progrès, vont de pair. Nous sommes ici au coeur de l´une des questions de toute culture. A vrai dire, dit-il, le débat n´est pas entre les "anciens" et les "modernes", car la tradition est la promesse d´un avenir. Il est donc nécessaire de mettre l´accent sur le lien existant entre le courant progressiste et la Tradition. C´est dans ce contexte qu´il examine, dans une deuxième partie, l´oeuvre de ceux qu´il considère comme les précurseurs du réformisme moderne. Il le fait avec une certaine indulgence, cherchant d´une certaine manière à innocenter ces idéologues qui sont des références pour nombre de mouvements de la fermeture ou de l´archaïsme.
Mais Saint-Prot tente de replacer dans des circonstances de temps et de lieu spécifiques ces récentes tentatives crispées de renouvellement de l´Islam. L´auteur considère que les idées des réformateurs comportent plusieurs éléments de modernité comme " -le dépassement des particularismes des quatre écoles traditionnelles, la critique de l´imitation conservatrice (taqlid), l´exigence de l´effort de réflexion (ijtihâd), le retour aux sources pour prendre un nouveau départ- et à ses projets d´ordre temporel, en particulier, la volonté d´insuffler aux musulmans une dynamique socioculturelle et politique à la mesure de leur grandeur passée". Il défend les réformistes qui, analysant les causes du retard du monde musulman confronté à l´expansion de l´Occident, poursuivent une tentative de renouveau, afin d´élaborer un modèle social original. En rupture avec les clichés, l´auteur de cet ouvrage riche, propose une lecture de la notion de tradition. Il avance que le débat ne saurait se réduire à une opposition entre deux concepts aussi flous que "La modernité" et "Le passé"". La problématique se situe, dit-il, dans la nécessité de "repenser l´Islam sans rompre avec le passé... c´est-à-dire dans le rapport étroit entre l´authenticité (assala) et la prise en compte des évolutions naturelles."
La Tradition, conclut-il, ne s´oppose pas à la raison puisqu´elle invite à faire un constant effort pour tirer des sources les prescriptions devant s´appliquer à un cas donné, à une époque précise.
Sur le plan politique, la doctrine classique, celle de la Tradition réformiste, fait largement prévaloir le réalisme et elle laisse à l´Etat "une large souplesse d´action en vue du bien commun (maslaha) et toutes les possibilités pour prendre les mesures nécessaires afin d´améliorer les conditions de vie matérielle et morale de la communauté. Dans un esprit de progrès, il écrit que: "A chaque siècle, contre les menaces intérieures plus souvent encore que contre celles de l´extérieur, l´Islam a puisé en lui-même l´énergie salvatrice. "Malgré, affirme l´auteur, les nombreux facteurs de blocages, de colère ou d´humiliation - la question palestinienne, la menace du nouvel impérialisme des Etats-Unis, le choc d´une mondialisation qui est, pour l´essentiel, une occidentalisation ou une américanisation de toute la planète, les imperfections ou les ambiguïtés de nombreux régimes politiques - la majorité des musulmans fait prévaloir la nécessité d´aller de l´avant, de progresser, de s´installer dans l´univers contemporain.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.