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«Ce qui dépend de moi et ce qui dépend des autres...»
HAMID GRINE, ECRIVAIN, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 21 - 10 - 2008

«Je n'écris pas en fonction d'un plan marketing, mais en fonction d'une inspiration et d'une nécessité impérieuse.»
Ceux qui s'étonnent de la place prise par Hamid Grine dans le monde des lettres, en si peu de temps, oublient tout simplement que l'auteur a investi ce domaine depuis plus de 20 ans! La particularité de Hamid Grine est l'originalité des thèmes traités, mais aussi l'algérianité des situations. Il écrit, comme il le dit, pour les Algériens, et non en pensant à l'assentiment de François ou Françoise. Il ne fait les yeux doux à personne sinon à ses personnages de roman. Hamid Grine, un écrivain engagé? Disons plus simplement un écrivain algérien.
Dans cet entretien, il se livre à fond en toute franchise.
L'Expression: Vous avez flirté avec plusieurs genres, dont l'essai, avec votre singulier ouvrage Cueille le jour avant la nuit, avant de vous frotter à la fiction à travers le roman. L'expérience de la dernière prière et de La nuit du henné semble vous avoir conforté et vous voilà récidivant de nouveau avec Le Café de Gide. A cette étape de votre parcours d'écrivain, le chemin déjà parcouru vous paraît-il déterminant?
Hamid Grine: Je ne sais pas s'il est déterminant ou non. Disons que j'ai produit des livres qui ont la chance d'avoir un lectorat consistant. Et, à mon avis, en cela, le chemin parcouru a été déterminant. On est toujours déterminant par rapport à quelque chose, une impression, un sentiment... En vérité, j'essaie de creuser mon sillon sans penser à rien, ni à personne, sinon au plaisir des lecteurs. Je n'écris pas en fonction d'un plan marketing, mais en fonction d'une inspiration et d'une nécessité impérieuse: me délivrer de ce que j'ai à l'intérieur. Mais délivrer une oeuvre la plus fidèle possible de ce que j'ai porté en moi pendant de longues années. Le bébé devait être conforme à l'image qu'a montrée l'échographie.
Dès le titre, le roman annonce une trame qui épouse les contours d'un itinéraire à la fois configuré par la topographie de la ville de Biskra et par l'évocation de Gide. Cette structure est-elle un véritable contexte ou un simple prétexte à l'écriture?
Les deux. Il fallait un contexte au prétexte. C'est la structure même d'un roman: pas de contexte sans prétexte et vice versa. C'est une relation dialectique qui les lie. En fait, ce livre je le porte en moi depuis longtemps. C'était ce qu'on pourrait appeler un amour dormant. Et puis voilà qu'il se réveille, me pince de l'intérieur, me pousse. Il fallait le sortir. Et j'ai vraiment souffert pour trouver ma vitesse, mon rythme.
Cette convocation des espaces de Biskra est-elle un retour aux sources ou la froide exploitation du passé de la part du romancier?
Plutôt un retour aux sources. Ce n'est pas le fait du hasard que je l'ai écrit à mi-vie. Sans nostalgie sinon celle de la jeunesse perdue. Ma regrettée mère disait toujours: «La jeunesse est une part de paradis.» C'est vrai qu'à cet âge, nous avons un appétit de vie qui soulève des montagnes. Avec l'âge on s'endurcit et on s'émousse. Et on trémousse de temps en temps. Il faut dire que par sa nature indolente et sensuelle, Biskra se prête merveilleusement aux histoires romanesques. Ce n'est pas pour rien que l'une des plus belles histoires d'amour algériennes, celle de Hizia et Saïd, se soit passée près de Biskra, à Sidi Khaled.
Comment avez-vous fait pour échapper au double piège de devoir créer une clé pour l'énigme qu'est la vie secrète de Gide à Biskra, et d'échapper à une écriture de la nostalgie d'une époque honnie?
Tout simplement en restant vigilant. Je sais que ce sujet aurait fait le miel des nostalgiques de l'Algérie française. Mais pour moi, le choix ne se posait même pas. Biskra était belle hier, mais belle pour qui? Il y avait de superbes palaces, des casinos, mais pour qui? Les indigènes étaient corvéables, vivant dans des conditions de bêtes. Je n'ai pas vécu cette époque étant trop jeune mais j'ai vu l'absence de mon père moudjahid, j'ai vu les tortures infligées à mes oncles, j'ai vu les morts... Nostalgie pour cette époque? Jamais! En revanche, en parlant de Azzouz, fin des années soixante, je n'ai pu m'empêcher de penser à certains lieux, à certaines personnes qui ont marqué mon enfance.
On dit désormais de vous, après Haouas et Maâmar, les deux principaux personnages de vos derniers romans, que vous pratiquez des protagonistes complexes qui entretiennent des paradoxes à peine conciliables. Azzouz, le héros du Café de Gide s'inscrit-il dans cette configuration?
Sans doute ressemble-t-il à ses frères, sans doute s'inscrit-il dans ce paradoxe. Pour moi, l'être humain est une machine complexe à cause de sa sensibilité extrême. Pourquoi voulez-vous que mes personnages diffèrent de la réalité? L'être humain est justement faitde paradoxes inconciliables comme vous dites. C'est ce qui fait sa force et sa richesse. Des êtres pareils sont souvent énigmatiques. C'est pour ça qu'ils sont intéressants. Ce qui est plat ennuie, ce qui est escarpé attire.
Dans votre roman, il arrive que l'on sente parfois la présence de l'écrivain, en dépit de la distance que vous avez installée entre vous et le narrateur (il n'est pas votre alter ego). Est-ce un désir incompressible de faire passer des messages que ne peut assumer votre personnage ou que vous refusez de faire assumer à votre personnage pour ne pas lui prêter un statut d'intellectuel qu'il ne mérite pas?
L'écrivain est partout. Dans tous ses personnages. Cela dépend du degré d'implication. Ici il est à 60%, là à 1%, etc. Concernant les messages, tout dépend de mes personnages. Prenez Hawas de La dernière prière. C'est un pur intellectuel qui vit comme un intellectuel et qui ne fréquente aucun intellectuel. Les autres sont de petit format même s'ils sont quelque peu cultivés
Vous pratiquez l'écriture avec une facilité déconcertante et vous vous montrez très prolifique au moment où vos activités professionnelles vous prennent le plus de temps. Comment faites-vous pour le trouver, ce temps de l'écriture, dirions-nous, pour imiter un concept proustien?
Tout simplement, je suis quelqu'un de très organisé. Je ne perds pas une miette de mon temps. Je tiens à distance, autant que faire se peut, les chronophages. J'évite les mondanités, j'évite les sorties inutiles, j'évite le copinage, j'évite tout le superflu. Je ne sors que quand j'ai envie. En limitant au maximum les déchets dans votre agenda, vous arrivez à préserver une large part pour vous-même. Cette part, je la consacre à l'écriture et à la lecture. Elle commence de 22h jusqu'à l'extinction des feux, aux alentours de minuit. Je n'écris pas à un rythme soutenu, mais au gré de mon inspiration. Je ne suis ni Flaubert, ni Balzac. Je dois bien travailler pour continuer à écrire. On ne vit pas de sa plume. Ou rarement.
La nuit du henné va être adapté à l'écran par Bachir Derrais et Rachid Dechemi sur un scénario de Mourad Bourboune, parlez-nous un peu de ce projet:
Bachir Derrais et Rachid Dechemi ont été intéressés par ce roman. Ils trouvent qu'il y a matière à faire un très bon film, genre cinéma italien des années fastes, celles de De Sica, Fellini, Scola... Le fait que Mourad Bourboune, un homme d'une grande érudition et d'une grande valeur, ait accepté de travailler sur mon roman est en soi une belle récompense...
Belle transition pour le prix du Sila. On dit que tu fais partie des favoris. Que penses-tu de ce prix?
Vous savez, on dit tout et son contraire, parfois pour noyer le poisson. Si j'ai le prix, je serais content, si je ne l'ai pas je ne serais pas mécontent. J'applique les canons stoïciens: entre ce qui dépend de moi et ce qui dépend des autres. Et le prix dépend des autres. De leurs regards sur mon oeuvre et sans doute sur moi. Le prix n'est pas une obsession pour moi. Et puis avec Bourboune, Derrais et Dechemi, j'ai déjà une manière de prix tout aussi gratifiant. Ceci dit, le prix est une bonne chose. Il faut promouvoir la culture algérienne, les écrivains comme les éditeurs et les libraires. Et saluer les promoteurs de ce prix, quels que soient les récipiendaires.
Le Salon du livre est aux portes, et on a dit de votre roman qu'il sera un événement dans l'événement. Anticipez-vous des débats littéraires sur Gide ou des discussions sur le patrimoine de Biskra?
Mon livre un événement? je ne le pense sincèrement pas. Même si les premiers feed-back de journalistes et de lecteurs me poussent à penser qu'il ne laissera pas insensible. Je souhaiterais qu'il y ait des débats sur Gide et le patrimoine. En oubliant l'auteur.


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