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Se garder de croire au grand soir
LETTRE À AHMED BENBITOUR
Publié dans L'Expression le 22 - 11 - 2009

Vous donnez, Monsieur le chef du gouvernement, la charge la plus tonitruante qu'un responsable politique algérien n'a jamais osé contre le régime algérien.
Monsieur le Chef du gouvernement
Vous êtes sans conteste un homme dont la réputation d'intégrité morale et de rigueur intellectuelle ne se discutent pas. Vous avez occupé d'éminentes fonctions au sein de l'appareil d'Etat dans les années 1990 et depuis votre démission du poste de chef du gouvernement, en août 2000, contribué par la qualité de vos analyses et la rigueur de votre jugement à éclairer l'opinion publique sur la situation économique et sociale de notre pays. Dans «le projet pour sauver la nation algérienne», que vous publiez dans El Watan du 29 octobre 2009, vous vous posez comme un recours au régime actuel que non seulement vous vouez aux gémonies, mais que vous n'hésitez pas à comparer au régime colonial que près de 85% des Algériens n'ont pas connu.
Nombreux, sans doute sont les Algériens qui vous créditent de bonne volonté, de sincérité, de compétence. Mais très peu, vraisemblablement, sont convaincus qu'il soit possible de changer en deux ou trois ans la nature du régime actuel pour l'avènement d'un autre dont l'action serait guidée, conformément à vos propres voeux, uniquement par I'intérêt général et celui des générations montantes. Plus nombreux sont encore les Algériens qui doutent qu'un seul homme, fût-il doté de grandes qualités morales et intellectuelles comme les vôtres, puisse prendre la tête d'une croisade contre le régime actuel. Un changement de régime ne se décrète pas. Il y faut une conjonction de facteurs sociaux, économiques, internes et internationaux que nul ne peut se risquer à subodorer en cette période d'incertitudes majeures et d'instabilité.
D'abord, êtes-vous certain, Monsieur le chef du gouvernement, que le mal de l'Algérie soit même en partie, de type institutionnel? Est-il si grave qu'un président de la République légifère par voie d'ordonnance, dès lors que la Constitution en vigueur l'y autorise? Etes-vous sûr que le passage systématique par la voie parlementaire classique (c'est-à-dire l'obligation plus morale et politique que juridique pour le gouvernement de soumettre tous les textes, pour adoption par le Parlement), soit la panacée, alors que certains des représentants de la nation sont élus dans des conditions qui ont été dénoncées par le SG du FLN, lui-même. Il nous faut bien admettre, quelque peine qu'on en éprouve, que la charge de député comme celle de sénateur s'acquièrent contre DA sonnants et trébuchants, parfois dans les lieux les plus interlopes de la capitale et des principales villes du pays.
Comment attendre, dans de telles conditions, du président de la République qu'il respecte les détenteurs du pouvoir législatif? A l'époque de H.Boumdiene, laquelle ne fut peut-être pas l'âge d'or que décrivent ses thuriféraires (dont votre serviteur), les députés étaient certes, cooptés (parti unique oblige), mais c'était en fonction de critères d'engagement à la révolution socialiste; il était inconcevable que la charge d'élu du peuple pût être l'objet d'odieux marchandages, financiers dans l'enceinte d'un lupanar.
Le régime algérien voué aux gémonies
Vous donnez, Monsieur le chef du gouvernement, la charge, la plus tonitruante qu'un responsable politique algérien n'a jamais osé contre le régime algérien. Il faut seulement espérer, pour la clarté du débat, que vous ne réduisez pas le régime à la personne du Président de la République qui n'est, après tout, qu'un hôte de passage, revenu aux affaires seulement en 1999. Certains de vos lecteurs ont interprété le réquisitoire que vous instruisez contre le régime comme une algarade empreinte d'amertume et de ressentiment à l'endroit du chef de l'Etat actuel. Il serait souhaitable que vous précisiez votre pensée dans vos livraisons prochaines.
Sachez, en tout cas, que même dans un système politique caractérisé par la personnalisation du pouvoir, la prééminence du chef de l'Etat, la diminution des prérogatives du deuxième responsable de l'Exécutif (avec la disparition de l'institution de chef du gouvernement, à la faveur de la révision constitutionnelle du 12 novembre 2008), le régime politique algérien ne saurait s'épuiser dans les seules attributions constitutionnelles du chef de l'Etat, à supposer, ce qui reste à démontrer, que ce dernier soit porté à en abuser.
La meilleure des illustrations de la relative marge de manoeuvre du chef de l'Etat est contenue dans ses propres confessions publiques sur son impuissance à éradiquer la corruption, le népotisme, la criminalité organisée, le grand banditisme, le clanisme, le factionnalisme qui prévalent dans la plupart des institutions et organisations, qu'elles soient privées ou publiques, cette situation existait, avant que le Président Bouteflika ne soit élu en 1999. Tout aujourd'hui donne hélas, à penser qu'elle lui survivra.
Personne ne peut croire qu'une meilleure et plus juste répartition des pouvoirs au sein de l'Exécutif ou encore la renonciation par le Président de la République de sa faculté de légiférer par voie d'ordonnance transformeront, comme par un coup de baguette magique, la nature du régime et surtout la rupture avec le modèle rentier. Vous vous engagez, si vous veniez à prendre en charge les affaires de l'Etat, à répondre aux aspirations du peuple algérien. Qui peut se targuer de bien connaître les aspirations du peuple algérien, tellement celles-ci sont contradictoires? Comment concilier les aspirations du peuple algérien au partage de la rente avec l'intérêt supérieur du pays et celui des générations à venir, qui commanderait plutôt de produire de la richesses et ensuite seulement de se mettre d'accord sur son partage? Vous avez eu raison, cependant, de rappeler, que ce partage doit être le plus équitable possible, conformément aux principes posés par les pères fondateurs du Mouvement national et les précurseurs de l'Etat algérien moderne, dont la figure de proue reste et demeure Abane Ramdane.
Sur les sommets de l'Etat
Etes-vous sûr qu'on puisse encore opposer, en 2009, les sommets de l'Etat (ainsi que le pouvoir réel auxquels ces sommets serviraient de paravent commode) et qui, selon vous, seraient minés par les logiques de la prédation et de l'autoritarisme à une base sociale constituée d'acteurs dominés, avilis, humiliés, mais dont la vertu supposée rendrait possible le changement radical que vous appelez de vos voeux? Ne sous-estimez-vous pas par exemple la responsabilité des élites intellectuelles que vous semblez vouloir solliciter par précellence, dans l'involution morale que connaît aujourd'hui le pays? Et par symétrie, ne surestimez-vous pas le rôle que vous entendez faire jouer à ces élites dans la transformation des conditions de la richesse matérielle, grâce à laquelle la redistribution sociale nécessaire se ferait sur la base de la plus-value dégagée par notre système de production et non plus sur le partage de la rente? Pensez-vous, par ailleurs, que l'apathie du mouvement associatif autonome et la déréliction de l'opposition politique soient toutes deux imputables au régime actuel? Aucune société n'est manipulable à discrétion et si peu la société algérienne. Avez-vous pris l'exacte mesure du caractère composite de notre société? Le consensus social a minima qui existe aujourd'hui, grâce à la manne pétrolière, ne saurait tromper personne. La revendication pressante des Algériens portée sur un meilleur partage de cette rente et non hélas, sur l'élargissement des espaces de liberté ou une plus grande rentabilité de l'appareil de production. De grâce, ne confondons pas les cris d'orfraie poussés par un certain nombre d'experts apeurés à l'idée que l'économie ne puisse se diversifier avec les desiderata immédiats d'une grande partie de la population qui refuse d'admettre que la rente pétrolière soit accaparée par une minorité mais qui n'entend pas, en ce qui la concerne, se projeter plus en avant.
La mobilisation des populations
Pour mettre en oeuvre l'ambitieux projet que vous proposez aux Algériens, il vous faudra mobiliser la majorité de la population algérienne et notamment les jeunes. De quelle façon? Sur quelles bases? Avec quels moyens? Dans quel espace de temps? Vous gagneriez à méditer longuement les difficultés rencontrées par H.Boumediene dans les années 1970 pour mobiliser les fellahs autour de la Révolution agraire, pourtant conçue à leur profit, et les travailleurs des entreprises publiques afin qu'ils sauvegardent leur outil de production acquis à coups de milliards de dollars. En vain. H. Boumediene avait même poussé l'iconoclastie jusqu'à affirmer qu'une révolution nationale qui génère seulement 15 ans après une indépendance chèrement acquise tant d'indifférence, d'errements et d'incivisme à l'égard de la chose publique avait été, en quelque sorte, trahie. Encore, aujourd'hui, des prêts très avantageux sont accordés à de vrais paysans (oublions un instant les faux, même s'ils sont nombreux) ainsi que des moyens de production achetés en devises fortes que ces derniers revendent sur le champ pour acquérir des 4x4 et des biens de luxe. Les mêmes observations valent pour les populations des bidonvilles de la périphérie d'Alger, d'Oran, de Constantine et de Annaba qui revendent aussitôt les logements sociaux que l'Etat leur a attribués gratuitement aux dépens des demandeurs légitimes qui justifient parfois de 30 ans de résidence ininterrompue.
Ne pensez-vous pas qu'il est déjà trop tard pour mobiliser les Algériens autour de l'intérêt général, de l'esprit de solidarité, de la justice sociale qu'ils réclament sans cesse à l'Etat mais qu'ils sont incapables d'expérimenter dans leurs pratiques sociales quotidiennes, alors que celles-ci constituent l'alpha et l'oméga des prescriptions de notre religion? On pourra toujours soutenir que le pouvoir algérien n'étant pas un pouvoir contractuel, au sens des critères de la représentation politique libérale, celui-ci a pu induire une démobilisation populaire.
Renouveler les approches et les problématiques
Là encore, tout ne doit pas être ramené au binôme gouvernants /gouvernés. La société algérienne, comme nous l'avons dit plus haut, possède les caractères d'une société hétérogène, fragmentée, composite. C'est un invariant de notre histoire depuis six siècles au moins. Ceci implique, au minimum, de la part du décideur, qu'il soit réel ou potentiel, de remiser au magasin des accessoires les classifications commodes empruntées à la science politique, considérée comme science de l'Etat, pour adopter un nouveau paradigme, à élaborer entièrement, celui suivant lequel la science politique est d'abord la science du pouvoir. L'exploration des voies de l'anthropologie politique est indispensable. Celles-ci ont mis en évidence le fonctionnement du politique dans les sociétés sans Etat ou les sociétés dans lesquelles l'Etat est inachevé, le politique y est fondé sur les lignages dominants, les catégories socio-économiques privilégiées, comme les catégories rentières ou encore sur les sociétés secrètes (clans, factions, réseaux, coteries qui officient à tous les niveaux de la société et pas seulement dans les sommets de l'Etat). G.Balandier dans Anthropologie politique ou encore dans Le pouvoir sur scène au même titre que L. Addi, M.Camau, M.Harbi, G.Meynier, Y.Benachour, a remarquablement exposé les mécanismes de la connivence entre le pouvoir et le sacré, la façon avec laquelle le politique fabrique de l'ordre et selon quelles modalités le pouvoir était au bout du compte toujours contesté.
C'est dans le sillage de ces auteurs qu'on peut le mieux transcender la dichotomie rabougrie gouvernants /gouvernés qui sert de trame à votre argumentaire en faveur d'un changement de régime. Il faudra étudier les processus complexes de prise des décisions, les défaillances de l'Etat sur le plan organisationnel (pour quelles raisons par exemple l'Etat est-il si peu légitime dans son propre périmètre) comme sur le plan allocatif (l'Etat algérien n'est-il pas un Etat labile plus qu'un Etat autoritaire), la manipulation du pouvoir, les interactions des individus par rapport aux ressources politiques disponibles et aux objectifs que s'assignent les groupes sociaux dominants (si tant est qu'on puisse les identifier).
(*) Professeur de droit
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