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Chronologie d'un combat inachevé
LE PRINTEMPS DU 20 AVRIL 1980, 30 ANS APRÈS...
Publié dans L'Expression le 20 - 04 - 2010

De la création des premiers instituts de langue et culture amazighes aux universités de Tizi Ouzou et Béjaïa, à la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale en 2003, jusqu'à la création d'une chaîne de télévision berbère en 2009, le processus de réhabilitation de l'identité berbère a connu beaucoup de rebondissements.
Aujourd'hui, les militants de l'Académie berbère ont du mal à croire que tamazight est réellement enseignée à l'école, qu'une chaîne de télévision étatique diffuse dans cette langue et que même le président de la République, dans ses discours, parle de tamazight de façon tout à fait ordinaire. Eux, qui ont connu la peur de l'époque de Boumediene où le mot amazigh menait tout droit aux commissariats de police, parlent carrément de miracle quand il s'agit de faire un bref bilan du niveau atteint aujourd'hui par les langue et culture amazighes. Aux jeunes d'aujourd'hui, il serait difficile d'expliquer l'extraordinaire avancée qu'a connue tamazight tant sur le plan politique qu'institutionnel. Les chansons de Matoub Lounès, véritable chronique du temps qui passe, donnent clairement une idée de ce que fut la situation de l'amazighité à la fin des années soixante-dix, puis dans les années quatre-vingt et même au début des années quatre-vingt-dix. Puisque les premières lueurs d'espoir se sont justement dessinées au début des années quatre-vingt-dix. Mais comparativement au stade atteint par la dimension amazighe aujourd'hui, les premiers acquis du début des années quatre-vingt-dix ne sont que miettes. Sur le plan politique, la reconnaissance de tamazight comme langue nationale dans la Constitution est incontestablement historique, dans la mesure où c'est la première fois que cette langue ancestrale est inscrite dans la Constitution.
Premiers acquis
L'ouverture démocratique ayant succédé aux événements d'Octobre 1988, a permis à tamazight d'occuper le devant de la scène, des années durant. Une mobilisation unique était régulièrement maintenue, notamment en Kabylie et à Alger. De marches en grèves, la population ne cessait de clamer le droit à sa langue maternelle et à sa culture ancestrale. La pression populaire sur le pouvoir allait crescendo. Mais le plus souvent, aucune réaction n'était enregistrée à l'époque du côté des officiels qui continuaient à faire la sourde oreille. Même les médias étatiques, notamment la télévision, ne soufflaient mot sur la détermination des citoyens de la Kabylie à arracher ce droit élémentaire.
Trois années après les événements d'octobre 1988, le gouvernement réagit enfin, quoique timidement, mais symboliquement, les mesures prises à l'époque relevaient d'un véritable défi. En 1991, deux décisions sont prises pour tenter de répondre à la demande populaire: création de deux instituts de langue et culture berbères et lancement d'une tranche de cinq minutes en tamazight dans le Journal télévisé de 13 heures. Certes, il s'agit là de maigres acquis, mais le côté positif de ces deux décisions est le fait d'avoir cassé le grand tabou de tamazight. La tranche en tamazight du Journal télévisé était quotidienne. Alors qu'auparavant, et depuis l'Indépendance, tamazight n'avait droit qu'à une chanson de temps à autre, et plus souvent de chanteurs kabyles ayant fait allégeance au pouvoir de l'époque. Des artistes libres et incorruptibles comme Slimane Azem, El Hasnaoui, Matoub Lounès et d'autres encore n'ont jamais eu accès à la télévision algérienne.
La grève du cartable
Devant ces premières victoires, qualifiées par certaines parties de poudre aux yeux, la mobilisation populaire ne baisse pas. Au contraire, «le combat continue» était le leitmotiv du Mouvement culturel berbère, divisé certes, mais qui trouvait des terrains d'entente jusque-là, car tamazight était un dénominateur commun. Trois autres années s'écoulent avant que le Mouvement culturel berbère ne décide de radicaliser son action mais de façon pacifique. Le MCB lance une grève du cartable à partir de la rentrée scolaire 1994/1995. Le Mouvement est déjà divisé en deux tendances: le MCB-Coordination nationale et le MCB-Commissions nationales. Ces deux factions travaillent sous la chapelle de deux partis politiques qui à l'époque, avaient une crédibilité dans la région de Kabylie: le FFS et le RCD. Malgré cette scission, l'action commune de la grève du cartable est massivement suivie dans les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa et dans la partie kabylophone de Bouira. A la rentrée scolaire de septembre 1994, aucune école de la Kabylie n'a ouvert ses portes. C'est la première fois qu'une telle action est observée en Algérie.
L'université aussi est partie prenante de l'action du boycott des études. Au premier jour de la grève du cartable, un ministre se déplace à Tizi Ouzou en compagnie des caméras de la télévision afin de simuler une rentrée scolaire «normale».
Le soir, lors du Journal télévisé, le ministre annonce que la rentrée a eu lieu normalement dans la wilaya de Tizi Ouzou. La manipulation était tellement flagrante qu'elle n'a eu aucun effet sur l'action du boycott scolaire illimité. Juste après le lancement de cette action, le MCB initie des marches populaires et des grèves paralysant l'ensemble des secteurs d'activité de la Kabylie.
A chaque fois qu'un appel est lancé, la Kabylie répond comme un seul homme. Les marches drainent régulièrement des dizaines de milliers de citoyens. Mais c'est incontestablement, la marche populaire ayant pour but de revendiquer la libération de Matoub Lounès qui a drainé le plus de foule. En effet, au moment où l'action du boycott scolaire bat son plein, le chanteur kabyle le plus populaire et le plus talentueux est kidnappé dans un endroit populaire à Takhoukht, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Cet enlèvement auquel personne ne s'attendait, plonge la Kabylie dans un émoi total. L'artiste est adulé dans les quatre coins de la Kabylie. Son enlèvement n'est qu'une provocation grave, ont écrit les journaux de l'époque. Pendant quinze jours, les rumeurs les plus folles ont circulé au sujet du sort réservé par les ravisseurs à Matoub Lounès.
Durant ces deux semaines, la mobilisation populaire a connu une ascension incroyable. Après quinze jours de captivité, Matoub Lounès est relâché sain et sauf.
L'événement est accueilli avec liesse. Mais l'action du boycott scolaire se poursuit avec le soutien permanent de Matoub Lounès, qui est resté la figure de proue du combat identitaire.
Le combat pour la démocratie
Les tiraillements entre les deux tendances du MCB s'exacerbent toutefois. Des incidents ont lieu lors de la tenue de plusieurs marches. Le MCB Commissions nationales (proche du FFS) refuse que des slogans contre le terrorisme soient associés à ceux revendiquant tamazight. La position du MCB-Coordination nationale (proche du RCD) est tout autre: le combat pour tamazight est indissociable du combat pour la démocratie et contre le terrorisme.
Après quelques tentatives de maintenir l'organisation d'actions communes, le divorce finit par être définitivement consommé entre les deux MCB. Désormais, aucune action dans l'union n'est possible. En revanche, le boycott scolaire et universitaire se poursuit jusqu'au 22 avril 1995. Une tendance du MCB, à savoir la Coordination nationale, décide d'accepter d'aller négocier avec les représentants du gouvernement. Le MCB-Coordination nationale étaye sa position par sa crainte de voir l'action du boycott s'inscrire dans la durée et finir par un échec. L'autre tendance, le MCB Commission nationale, désavoue le choix de son rival et lave les mains de tout ce qui découlera de ces négociations.
La réhabilitation de tamazight
Le 22 avril, après d'âpres négociations entre le MCB Coordination nationale et le conseiller du Président de l'époque, des accords qualifiés d'historiques sont conclus. La décision la plus importante prise est l'introduction de tamazight dans l'Ecole algérienne à partir de la rentrée scolaire 1995/1996. La décision est incontestablement historique. Après avoir été exclue de tout espace public, tamazight intègre enfin l'Ecole algérienne. En plus de cette mesure, l'Etat algérien en a pris une deuxième: la création, pour la première fois dans l'histoire, d'une institution qui prend en charge la préparation du terrain pour entamer le processus de réhabilitation de l'amazighité. Il s'agit du Haut Commissariat à l'amazighité.
Ce dernier est créé par décret présidentiel. Il est rattaché à la Présidence de la République et bénéficie d'un siège dans la capitale. La troisième clause contenue dans les accords du 22 avril 1995 est le lancement d'un Journal télévisé entièrement en tamazight et quotidien, à partir de juin 1995. Cet acquis vaut aussi son pesant d'or quand on n'ignore pas que tamazight n'a pratiquement pas de place à la télévision.
A l'appel du MCB-Coordination nationale, le boycott scolaire est symboliquement levé. La scolarité reprend dans la majorité des écoles de Kabylie. Mais les acquis arrachés au profit de l'amazighité sont accueillis de façon mitigée. Le MCB commence à être détourné de sa vocation initiale qu'était le combat pour la reconnaissance de tamazight et se transforme en vrai relais des partis politiques cités plus haut. Ses actions ne seront désormais que peu suivies.
A la rentrée scolaire 1995/1996, et contrairement aux appréhensions exprimées, tamazight est introduite officiellement dans le système éducatif algérien.
Désormais, le slogan «tamazight di lakul», qui n'a cessé d'alimenter les manifestations populaires depuis des années est enfin concrétisé.
De son côté, le Haut Commissariat à l'amazighité entame son travail consistant en la préparation du terrain pour la réhabilitation de l'amazighité. Il organise colloque sur colloque. Il lance le Festival du film amazigh et le Salon du livre berbère. Le HCA tente, dans les limites de ses moyens, d'assister et de prêter main forte aux enseignants de tamazight. Désormais, tamazight passe du terrain de la contestation à celui du travail et de la production. Une transition difficile à faire car l'engouement que suscitaient les manifestations de rue ne se retrouvait pas sur le terrain de la productivité et du travail.
La constitutionnalisation de tamazight
En 2003, le Président Abdelaziz Bouteflika prend la décision de constitutionnaliser la langue amazighe comme langue nationale sans référendum populaire. La décision est votée à l'unanimité par les députés de l'Assemblée populaire nationale. Paradoxalement, les députés du FFS et du RCD boycottent la séance où tamazight en tant que langue nationale fait l'objet d'un vote. C'est sans doute un fonds de commerce et non des moindres, qui leur a été extirpé. C'est la seule explication à leur attitude. Depuis 2003, tamazight, au même titre que l'arabe, est une langue qui compte en Algérie.
Depuis sa constitutionnalisation, le Festival du film amazigh a été institutionnalisé par le ministère de la Culture. Une chaîne de télévision entièrement en tamazight a été créée en 2009 et un Centre national pédagogique pour l'enseignement de tamazight a été mis sur pied. On peut dire que «Lezzayer tmazgha u zeka» (l'Algérie amazighe de demain), dont rêvait Matoub Lounès est enfin née même s'il reste beaucoup à faire. Mais tant de chemin a déjà été parcouru.


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